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Rencontre avec Jessica Bergeault 
Base Runner sur le tournage d'Outlander
 

Article écrit Frenchsassenac pour le site OutlanderFanFrance en juillet 2017 

Lien vers l'original: https://outlanderfrance.wordpress.com/2017/07/30/rencontre-avec-jessica-bergeault-base-runner-sur-le-tournage-doutlander/ 

 

 

Un mystère sur le tournage d’Outlander, une Française, Jessica Bergeault, travaille à la production ! Séverine, notre admin correspondante permanente en Ecosse, l’a croisée cet hiver sur un lieu de tournage, et Jessica a eu la gentillesse de nous promettre une interview. Promesse tenue malgré un emploi du temps chargé, en une belle après-midi de printemps, Jessica apparaît tout sourire sous les dorures du « Train Bleu », à Paris Gare de Lyon.

 

OutlanderFrance : Peux-tu nous expliquer comment une Française se retrouve en position de «Base Runner» sur Outlander ? Quel est ton parcours ?

Jessica Bergeault : Je souhaitais faire une école de cinéma. Dans la plupart des écoles c’est 3 ans d’études avec beaucoup de théorie, mais à Londres, j’ai pu faire le cursus en un an, focalisé sur l’aspect pratique, avec l’avantage d’être dans un pays anglophone. J’ai travaillé un peu à Londres, mais j’ai choisi de partir en Écosse où c’est moins compétitif, et j’avais entendu de parler de Outlander, qui est très importante. Comme je suis fan de séries américaines, et que celles-ci se tournent généralement en Amérique du Nord…

Je suis arrivée en Ecosse, alors que la saison 1 était encore en cours de tournage. Quelques mois plus tard j’ai entendu dire qu’ils embauchaient pour la saison 2. J’ai aussitôt envoyé mon CV, j’ai eu l’entretien et j’ai été prise !

OF : Penses-tu que le fait qu’il y ait beaucoup d’acteurs français sur le tournage de la S2 ait pu jouer en ta faveur ?

JB : Oui et non. C’est un avantage, ils embauchaient à la fois des runners de base et de plateau, le runner de base travaille beaucoup avec les acteurs. Étant française, ils m’ont donné le rôle de runner de base. Ça facilitait le travail avec les acteurs français.

OF : As-tu fais travailler un peu les acteurs sur les langues en même temps que Guillaume (Lecomte le tuteur de Français NDLR) ?

JB : Pas trop. Je laissais Guillaume faire son travail. Mais c’est vrai que c’était amusant parfois le matin de parler français ou italien avec Cait, parfois un peu en français avec Sam aussi.

OF : Ça doit donner une ambiance particulière d’être sur 2 langues comme ça lors d’un tournage ?

JB : Les acteurs français parlent tous anglais avec des niveaux différents bien sûr. Par exemple Romann (Berrux, qui joue Fergus NDLR) parle très bien anglais mais pour sa mère, par exemple, j’étais super importante et on est devenues très proches. Romann c’est un peu mon petit frère. Il a vraiment beaucoup grandi et changé entre la saison 2 et la saison 3.

OF : Peux-tu nous en dire d’avantage sur le rôle d’un Base Runner ?

JB : Je fais partie du département des assistants-réalisateurs. En fait nous sommes comme la colle qui relie les différents départements entre eux : les caméras, le son, les acteurs, le maquillage, les costumes, les chauffeurs.

Il y a les plateaux et la base (Là où sont les caravanes qui servent de loges aux acteurs mais aussi les costumes dont on a besoin dans la semaine, etc.) Moi je m’occupe de la base, et donc le matin j’accueille les acteurs, je leur sers café, thé et petits déjeuners et le midi je vais leur chercher le déjeuner. C’est moi qui leur dit quand ils doivent se rendre au maquillage, ou sur le plateau, je réponds à leurs questions. S’ils ont besoin de quelque chose, je suis là pour eux.

Je dois à tout moment savoir où se trouve chaque acteur pour m’assurer qu’ils sont bien là où ils doivent être au bon moment. S’il y a un bouton qui s’est décousu, c’est à moi que l’acteur s’adresse et c’est moi qui appelle quelqu’un aux costumes.

Ça demande beaucoup d’organisation pour aller frapper aux portes et mettre tout le monde dans les voitures ensuite. Je m’organise avec Andy, qui est le responsable des chauffeurs, c’est très fluide. L’ambiance sur le tournage de Outlander est vraiment très agréable. Sur les tournages à Londres, les grosses productions, il y a parfois des problèmes d’ego, mais sur Outlander les acteurs sont tous adorables vraiment, comme une grande famille. Bien sûr certains jours plus que d’autres.

Je travaille environ 13 heures par jour, 5 jours par semaine mais parfois on ne peut avoir un lieu de tournage que le dimanche. Par exemple fin 2016, pendant 2 mois, la semaine courait du dimanche au jeudi pour accommoder cela.

 OF : Quelle est la chose la plus insolite qui te soit arrivée sur le tournage ?

JB : J’ai, à plusieurs reprises, aidé les maquilleuses à enlever les prothèses au dos de Sam pour que ça aille plus vite.

OF : Tu vas en faire des jalouses!

JB : C’est sûr, mais c’est intéressant d’apprendre les techniques, ça ne faisait pas partie de mon cursus à l’école. Mais Sam et Wendy sa maquilleuse apprécient l’aide.

OF : Quels sont selon toi les aspects les plus méconnus de la production d’une série comme Outlander ?

JB : Je crois que ce sont les très longues heures pour les équipes qui s’occupent des figurants. Les assistants réalisateurs qui s’occupent des figurants font de très très longues heures. Ils doivent se lever très tôt, ils commencent 2 heures avant moi. Il n’y a pas 100 maquilleuses pour 100 ou 200 figurants, donc il faut les envoyer tous, et ensuite, le soir, récupérer toutes les perruques et ainsi de suite. C’est très long. Le maquillage pour les filles, ça prend environ une heure et demi. C’est surtout les perruques qui prennent beaucoup de temps sur Outlander.

Ma journée de travail commence environ 2h ou 2h30 avant le début du tournage.

Je commence sur une nouvelle saison à peu près une semaine avant le début du tournage. Je m’occupe alors des acteurs qui viennent pour les essayages, costume ou perruque et je suis aussi présente au début de chaque bloc (les épisodes sont tournés par bloc de 2 épisodes NDLR) pour la « lecture » ou chacun « passe » ses répliques… Quand il y a un acteur qui n’a qu’une ou deux lignes et qui n’est pas présent, c’est moi qui lit à sa place, et ça, ça m’éclate. Parfois je donne la réplique seule à Sam ou à Cait.  

 Une grande partie de mon travail consiste à aider le deuxième-assistant réalisateur.  Une partie importante du travail de deuxième-assistant réalisateur est de rédiger la fiche de service pour le lendemain. C’est un genre d’emploi du temps : quelle scène on va filmer, quels acteurs seront là, à quelle heure ils doivent arriver, à quelle heure au maquillage. Il faut aussi noter les choses importantes comme « il y aura 8 chevaux« , marquer tous les figurants, le lieu où on va tourner, etc. Donc ça, c’est l’aspect bureau, il faut après imprimer la fiche de service pour la remettre à chacun tous les soirs. Une autre partie du travail du travail du deuxième-assistant réalisateur est de  téléphoner pour organiser les essayages.

La production nous rend visite tous les jours et je distribue le courrier et les scripts dans les loges des acteurs. Je fais aussi la liaison avec le plateau, mes collègues m’appellent s’ils ont besoin de quelque chose. Si un acteur a oublié par exemple son portable dans son sac dans sa loge, je vais le lui chercher, ou si une maquilleuse a oublié une brosse… Je communique avec le plateau pour envoyer par exemple une deuxième vague d’acteurs pour tourner une nouvelle scène.

C’est un travail très varié, où on bouge beaucoup et j’aime beaucoup !

OF : C’est fascinant, on ne connaît  absolument pas ce monde. Curieusement plus on en sait, plus c’est magique !

JB : Après il y a la post-production et les effets spéciaux, mais ça n’est pas du tout mon département.

OF : Guillaume et Amandine ne t’ont pas recrutée pour faire des voix en post-prod ? (voir interviews ici et ici)

JB : Non je n’ai pas eu l’occasion de la rencontrer. Par contre il m’est arrivé d’aider Guillaume pour les acteurs.

 OF : Et il parait que tu donnes des cours de français à Richard (Rankin) ?

JB : Oui, il m’a dit qu’il prenait des cours et il est très enthousiaste alors il me demandait une « phrase du jour ». Je lui donnais une phrase en anglais qu’il devait essayer de traduire, ensuite je lui donnais la phrase en bon français et il l’apprenait.

OF : Tu sais que Outlander France avait envoyé à Sam un livre de fourche-langues type Les Chaussettes de l’Archiduchesse ?

JB : Oui, j’ai vu ça ! (à voir et revoir ici)

OF : Tu pourrais demander à Sam qu’il te le prête pour essayer d’en faire faire à Richard ?

JB : Oui, on pourrait essayer !

OF : Nous aimerions savoir comment ça se passe avec César, le nouveau Fergus ?

JB : Ça se passe super bien ! Évidemment ça fait bizarre de ne plus voir Romann, mais c’est vrai que chaque fois que des acteurs s’en vont ça fait bizarre.

Mais on sait quand on dit au revoir qu’ils seront probablement à nouveau là dans 2 semaines pour les « pick ups » parce que souvent au montage, ils s’aperçoivent qu’il manque quelque chose ou qu’il faut re-tourner un bout. Mais oui c’est vrai que c’est triste. Tobias aussi, oui c’était triste…

OF : Gary Lewis a la réputation d’être le plus grand « hugger » de la terre, est-il aussi chaleureux avec l’équipe qu’avec les fans ?

JB : Oh oui Gary, il fait la bise, il prend dans ses bras, c’est vrai qu’il est vraiment super gentil !

 OF : Aurais-tu des recommandations de voyage, de resto pour les fans de Outlander, à mettre sur notre blog de voyage ?

JB : Le meilleur Fish & Chips ? C’est Anstruther, dans le Fife !

Sinon, Glencoe c’est très joli, Pitlochry avec Queen’s view. Culross et Falkland où il y a eu beaucoup de scènes tournées et puis le Port Dysart qui représente Le Havre. L’architecture d’Edimbourg aussi c’est à voir et Doune Castle qui est Castle Leoch dans la série.

(NDLR : vous trouverez pleins de conseils et la liste officielle des lieux de tournage sur notre blog et Visit Scotland)

OF : Alors finalement, as-tu lu les livres ?

JB : Non je n’ai pas encore eu le temps, j’ai lu les résumés sur internet et la mère de Romann me racontait tout. Mais je le ferai !

OF : Nous espérons que nous irons au-delà des 4 saisons. Voir même 9 ? 10 ? Mais il parait que Outlander ce n’est pas simple à tourner.

JB : C’est vrai que Outlander est une série difficile à tourner, car on ne reste pas toujours au même endroit, on fait un décor et puis quelques semaines après ils cassent tout.

OF : Pour revenir au début de l’entretien, puisque c’est toi qui t’occupes de gérer les repas, ce n’est pas un peu compliqué avec tous les régimes alimentaires différents ?

JB : Pour toute l’équipe et les acteurs, on a des cuisiniers, et il y a un menu, avec une viande, un poisson, un plat végétarien et les gens choisissent. Sam, avec son régime nécessaire à son programme sportif, reçoit des trucs tout prêts, mais je surveille les livraisons pour être sûre qu’il aura bien quelque chose, desfois je lui demande s’il veut quelque chose de la cuisine. Cait, avec son régime sans gluten, au début se faisait livrer, mais maintenant elle apporte son propre déjeuner, c’est plus simple. Par contre parfois lorsque’on tourne à Edimbourg ou Glasgow, les gens avaient plutôt envie d’aller au restaurant.  Sinon, Romann, par exemple, est très Français dans ses goûts et avait parfois des difficultés avec la nourriture locale alors je m’assurais que ce qui était proposé lui convenait sinon je m’arrangeais avec les chauffeurs pour aller chercher à manger.

 OF : Ce n’est pas trop stressant ça ?

JB : Oh ben non, c’est mon travail. C’est important, il faut que les acteurs soient contents.

OF : As-tu lu le livre Le Making of Outlander ?

JB : Oui il a circulé dans le studio, Sam et Cait avaient des exemplaires à signer, je l’ai feuilleté, j’ai reconnu  les collègues ! Il est bien.

OF : Y a-t-il un effet « Wahou !», dans certaines circonstances ? Quand tu rencontres certains acteurs ? Sur le set ?

JB : Ben, quand tu travailles à la base tu ne vois pas le plateau, alors quand parfois j’ai l’occasion d’y aller, et là tu vois le décor incroyable, près d’un château avec des figurants partout : « oh oui quand même !!! je suis sur Outlander !!!« . Pour les acteurs, c’est différent, ce sont mes collègues de travail alors non.

OF : Tu regardes les épisodes ?

JB : Oh oui il faut que je regarde. Comme la plupart du temps je suis à la base, je ne vois pas beaucoup de tournage donc je veux voir.

Et puis de temps en temps je fais la doublure-lumière, notamment pour Fergus parce qu’on est à peu près de la même taille. Par exemple pour la scène où Fergus se fait violer, j’étais sur le lit affalée. Et aussi dans la scène où il va chercher du vin je me suis faufilée dans les tonneaux.

Dans le dernier épisode de la saison 2, quand Claire regarde Brianna dans son lit, j’ai fait la doublure-lumière, c’était le dernier jour du tournage de la saison  et j’ai passé la journée au lit.  

 Parfois c’est difficile lorsqu’il y a deux unites. Parfois on me parle depuis deux lieux de tournage en même temps, et comme je suis le lien, le pivot entre les chauffeurs, les maquilleuses, tout le monde, ça peut être difficile… Une fois j’ai donné la même réponse en même temps au téléphone et sur le talkie-walkie à deux personnes différentes qui avaient besoin de la même information.

Mais ce travail de Base Runner sur Outlander, c’est aussi parce qu’il y a la pression du plateau et qu’il faut rendre les choses fluides et harmonieuses.

Les acteurs sont super reconnaissants des petites attentions. Avec l’habitude, on va au-devant de ce dont ils ont besoin. Par exemple, les commandes de petit-déjeuner à force tu les connais par cœur, et ils sont vraiment reconnaissants. Ça me fait plaisir de faire plaisir aux gens.

OF : On sait que la saison 4 est prévue, est ce que tu continues ou bien tu as d’autres projets ?

JB : Je ne pense pas, parce que, bon, bosser sur une série comme ça c’est très long, très intense. C’est 10 mois de l’année, 5 jours sur 7, 13h par jour, sans vacances, c’est très fatiguant mentalement. Donc je vais peut-être faire une pause pour récupérer et me concentrer sur d’autres projets, notamment la musique : guitare, chant, piano. Je n’ai pas pu pendant plusieurs années et ça me manque.

Je m’intéresse aussi au développement personnel, et puis l’envie de voyager aussi. Là je rentre de 2 semaines en Italie : Venise, Milan, Florence, Bologne, Sienne, Pérouse, Rome. C’était super, j’ai pu pratiquer mon Italien. J’ai fait 3 ans d’Italien au Lycée et j’ai envie de devenir trilingue. Après je pars au Canada…

Je pense qu’ils vont probablement me demander de travailler sur la saison 4. Je ne sais pas si, à terme, j’ai envie de continuer de faire carrière dans le cinéma, ça fait 5 ans maintenant que j’y travaille. J’aurai peut-être envie un jour de me poser, de fonder une famille, de me mettre peut-être à l’écriture. Scénarios, romans… J’ai déjà écrit un scénario de long-métrage. Peut-être retourner à la réalisation.

OF : Nous te sommes vraiment reconnaissants de nous avoir fait partager ton point de vue si particulier du tournage de notre série favorite. Un immense merci à toi Jessica et nous te souhaitons beaucoup de succès dans tes projets.