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ATTENTION SPOLIERS TOMES 3 à 9. 


Le style de Diana Gabaldon c’est aussi de revenir sur un évènement tout au long de plusieurs tomes, par exemple
LA MORT DE BLACK JACK RANDALL.

 


Voici quelques extraits qui, du tome 3 au tome 9 nous distillent les infos à mesure que Jamie recouvre la mémoire :


Tome 3, Ch 1 : le récit premier : 

 « Un raz de marée de souvenirs s'abattit aussitôt sur lui, lui arrachant un gémissement de découragement. Il s'était trompé sur toute la ligne : non seulement il était bel et bien en enfer mais, pis encore, il n'était toujours pas mort. Un homme était couché sur lui, écrasant sa jambe gauche de tout son poids, d'où l'absence de sensibilité. La tête du mort, lourde comme un boulet de canon, reposait sur son ventre, le nez enfoui dans sa chemise, sa chevelure mouillée. Jamie eut un sursaut de panique et le crâne roula légèrement sur le côté, laissant entrevoir un oeil mi-clos derrière le rideau de mèches sales. Jack Randall ! Sa redingote rouge de capitaine des dragons détrempée jusqu'à la trame était devenue noire. Jamie tenta de repousser le cadavre, en vain. Il n'avait plus aucune force. Il voulut se redresser mais ses coudes glissèrent dans la boue et il retomba lourdement sur le dos. En baissant les yeux, il pouvait voir la tête de Jack Randall osciller de façon grotesque au gré de ses respirations. Il enfonça les doigts dans la terre spongieuse et une eau froide remonta le long de ses phalanges, imprégnant le dos de sa chemise. Il se mit à gigoter sur place, tentant de déplacer le cadavre. Un peu de chaleur était retenue prisonnière entre leurs deux corps. Enfin, feu Jack Randall le libéra en roulant sur le côté. »


Tome 4 Ch 48 : Dialogue entre Brianna et son père, Brianna voudrait connaitre l’état d’esprit de Jamie pour s’en aider vis-à-vis de Bonnet : 

 « Évoquer Jack Randall revenait à faire remonter des images qu'il avait tenté d'oublier. (…) — Je... j'ai besoin de savoir si ça t'a aidé. Je veux le tuer. L'homme qui... Mais si je le tue et que ça ne m'aide pas... Il ne semblait pas choqué, mais plutôt perdu dans ses pensées.(…) — Alors ? Insista-t-elle. Tu l'as tué, finalement ? Et est-ce que ça t'a aidé ? — Qu'espères-tu obtenir en le tuant ? demanda-t-il. Ça n'enlèvera pas le petit de ton ventre et ça ne te rendra pas ta virginité.
— Je sais ! Elle se détourna, agacée par lui et par elle-même. Ils étaient en train de discuter de viol et de meurtre, et la seule mention de sa virginité perdue la faisait rougir !
— Maman m'a dit que tu avais essayé de tuer Jack Randall en duel à Paris. Qu'espérais-tu obtenir par sa mort ?
— Je voulais retrouver ma virilité, dit-il doucement. Mon honneur. (…)
— Alors, réponds-moi, bon sang ! Est-ce que le fait de le tuer t'a rendu ton honneur ? Tu t'es senti mieux ? Dis-moi la vérité !
— La vérité, La vérité, c'est que je ne sais pas si je l'ai tué ou non.
— Comment ça, tu ne sais pas ? Il haussa les épaules d'un geste impatient et se leva brusquement.
— Il est mort à Culloden, reprit-il. Quand je suis revenu à moi sur le champ de bataille, son cadavre était couché sur moi. C'est tout ce que je sais. Je me souviens vaguement de lui avoir porté un coup d'épée mais guère plus. Il poussa un soupir, avant d'ajouter : Sur le moment, je me suis dit que c'était aussi bien de ne pas se souvenir. J'ai perdu beaucoup d'amis sur ce champ de bataille, des hommes courageux que j'aimais. Le fait d'ignorer comment ils étaient morts me permettait plus facilement de les revoir en pensée tels que je les avais toujours connus et non comme des cadavres. C'était peut-être de la lâcheté. Après ça... la vengeance ne me semblait plus importante. Il y avait plus de mille corps sur la lande. Jack Randall n'était qu'un cadavre parmi tant d'autres. Il était entre les mains de Dieu.
Elle serra les dents, s'efforçant de contrôler ses émotions. La curiosité et la compassion luttaient en elle contre un sentiment croissant de frustration.
— Mais... tu arrives à vivre normalement après ce qu'il t'a fait ?
Il lui lança un regard exaspéré.
— Je n'en suis pas mort. Toi non plus. »


Tome 6, Ch 24 : petite scène entre Claire et Jamie : 

« Je roulai sur le ventre pour le regarder. Alex McGregor s'était pendu plutôt que de continuer à être la proie de Black Jack Randall. Ce dernier était mort à Culloden. Toutefois, les souvenirs que Jamie gardait de cette bataille étaient fragmentaires, effacés par le traumatisme des combats et la fièvre qui l'avait ensuite terrassé. Il s'était réveillé blessé, le cadavre de Jack Randall étendu sur lui, mais ne se souvenait pas de ce qui s'était passé. Même ainsi, Alex McGregor avait en effet été vengé, que ce soit ou non par la main de Jamie. »


Tome 6 Ch 44 : Jamie se confie à la vieille amérindienne : 

« Il se mit donc à s'exprimer en gaélique, la seule langue qui ne lui demandait aucun effort. Ayant compris que la vieille femme désirait l'entendre avouer ce qu'il avait sur le cœur, il commença donc par l'Écosse... et Culloden. Il évoqua le chagrin. La perte. La peur. Au fil des paroles, il passa du passé au futur, où les mêmes spectres resurgissaient, des créatures froides avançant vers lui dans la brume, les yeux vides. Parmi eux se trouvait Jack Randall, étrangement des deux côtés de lui. Ses yeux à lui n'étaient pas vides, mais bien vivants, ardents dans un visage flou. L'avait-il tué ou non? Si oui, était-ce son fantôme qui le suivait partout? Si non, était-ce une envie de vengeance inassouvie qui le hantait, le torturait avec sa mémoire fragmentaire ? Tout en parlant, il eut l'impression de se soulever au-dessus de son corps et se vit au repos, les paupières levées, regardant vers le haut, ses cheveux formant un halo fauve strié d'argent autour de son visage. Il n'était ni ici ni ailleurs, il était. Seul. En paix.
– Je n'ai pas de méchanceté dans mon cœur.. .
Sa propre voix lui parut lointaine.
– C'est un mal qui ne me touche pas. J'en connaîtrai d'autres, mais pas celui-ci. Pas ici. Pas maintenant.
– Je comprends, chuchota la vieille femme »


Tome 8 Ch 47 : encore entre Claire et Jamie : 

« Il chassa ses rêves d’un geste et se tourna. Je posai une main sur son bras pour l’arrêter. Je connaissais ses rêves et je l’avais entendu gémir pendant la nuit, luttant contre eux.
— Culloden? demandai-je doucement. Ça revient encore?
J’espérais que c’était Culloden et non Wentworth. Lorsqu’il se réveillait en sursaut après avoir rêvé de la prison, il était en nage, raide, et ne supportait pas qu’on le touche. La nuit précédente, il ne s’était pas réveillé mais avait été agité de sursauts et avait gémi jusqu’à ce que je le prenne dans mes bras. Il s’était alors calmé, tremblant dans son sommeil, son visage pressé contre ma poitrine.
— Ça ne m’a jamais quitté, répondit-il aussi doucement. Et ça ne me quittera jamais. Mais je dors mieux quand tu es près de moi. »


Tome 9-1, Ch 58 : Jenny va faire avancer ses souvenirs : 

« Jenny posa une main sur son bras.
— N’y pense pas, a bràthair, dit-elle doucement. Il a eu une bonne mort et tu étais avec lui à la fin.
— Comment sais-tu qu’il a eu une bonne mort ?
L’émotion l’avait fait parler plus sèchement qu’il ne l’avait voulu. Elle sourcilla, puis ses traits se radoucirent.
— C’est toi qui me l’as dit, idiot. Tu ne t’en souviens pas ?
— Comment aurais-je pu te le dire ? J’ignore ce qu’il s’est passé.
Ce fut au tour de Jenny d’être surprise.
— Tu as oublié ? Ah, c’est vrai… Tu n’avais plus toute ta tête et la fièvre t’a fait délirer pendant une dizaine de jours quand ils t’ont ramené à la maison. (…)
— Je te le rapporte tel que tu me l’as raconté, le prévint-elle. Tu as dit que tu avais traversé le champ de bataille en combattant comme en proie à une folie furieuse, puis, quand tu t’es enfin arrêté pour reprendre ton souffle, tu étais… consterné d’être toujours en vie. (… )Quand tu as essuyé la sueur dans tes yeux, tu as reconnu Jack Randall parmi eux. Sa main libre fit le signe des cornes puis elle serra le poing. Il se souvint et son ventre se noua tandis que l’image qu’il voyait dans ses rêves rencontrait et fusionnait avec son souvenir.
— Il m’a vu, murmura-t-il. Il est resté pétrifié et moi aussi. Sous le choc, je ne pouvais plus bouger.(…)
— Tu as dit que le capitaine Randall t’avait parlé…
— « Tue-moi », s’entendit-il murmurer. Il m’a demandé de le tuer. « C’est ce que désire mon cœur. » Les mots tombaient comme des gouttes de plomb dans ses oreilles. Le vent sifflait au-dessus de sa tête, arrachant des mèches de ses cheveux hors de son lacet et les rabattant sur son visage. Pourtant, il avait bien entendu, il en était sûr, il ne l’avait pas rêvé…
Mais son regard était fixé sur Murtagh. Il y avait eu un mouvement confus, quelqu’un se ruait sur lui. Il avait aperçu la lame d’une baïonnette, trempée de pluie, de sang ou de boue. Il l’avait repoussée et il y avait eu un corps à corps, deux hommes contre lui, le frappant, essayant de l’assommer. Un son soudain lui fit rouvrir les yeux. Il en fut désorienté, avant de se rendre compte que c’était lui qui avait crié en sentant sa jambe gauche être balayée par un coup de pied. Il était tombé à la renverse dans un grognement d’impact, gesticulant, essayant de se relever…
— Puis le capitaine Randall t’a tendu la main, là, alors que tu étais étendu sur le sol…
— J’avais mon poignard dans la main et je…
Il s’interrompit et interrogea sa sœur du regard.
— Je l’ai tué ? C’est ce que j’ai dit ?
Elle le dévisageait attentivement, profondément préoccupée. Il fit un geste impatient et elle lui adressa un regard de reproche. Non, elle ne lui mentirait pas, il le savait bien.
— C’est ce que tu as dit. Encore et encore.
— J’ai dit que je l’avais tué encore et encore ?
— Non, que c’était chaud. Son sang. Tu répétais « Bon sang, c’était si chaud… »
« Chaud », l’espace d’un instant, cela lui parut absurde. Puis il se souvint : l’obscurité autour de lui, le contact de l’étoffe mouillée sur son visage, l’effort, l’effort surhumain pour lever le bras une dernière fois, tremblant. Il revit les gouttes de pluie sur la lame, coulant sur son poignet tremblant, et l’effort de pousser, pousser, pousser ; la laine épaisse et râpeuse qui faisait obstacle, la résistance d’une surface dure, Pousse, pousse bon sang !, puis une chaleur inattendue et saisissante se répandant sur sa main glacée et le long de son bras engourdi par le froid. Il se souvenait d’avoir été désespérément soulagé par cette chaleur, mais pas d’avoir porté le coup de grâce.
— Murtagh…, dit-il. T’ai-je dit ce qui lui était arrivé ? (…) Il m’a dit que mourir ne faisait pas mal, se souvint Jamie d’une voix rauque. Il a touché mon visage et m’a dit de ne pas avoir peur. Il se souvenait aussi du sentiment de paix qui l’avait soudain submergé. De la légèreté. De l’exultation qu’il avait si souvent revécue en rêve. Plus rien n’avait d’importance. C’était fini. (…)
— Mais… il est revenu ! Randall. Il n’était pas mort, il est revenu !
Une silhouette noire se dressant sur un ciel d’une blancheur aveuglante. Jamie serra les poings en enfonçant ses ongles dans ses paumes.
— Il est revenu !
Jenny se taisait et ne bougeait pas. Elle le fixait, l’encourageant en silence à fouiller dans sa mémoire.
Ses membres s’étaient ramollis. Sans s’en rendre compte, il avait lâché Murtagh et s’était retrouvé allongé sur le dos. Il avait perdu toute sensation dans sa jambe, ne sentant plus que la pluie sur son visage. Il ne se souciait plus de la silhouette noire ni de rien d’autre. La paix de la mort l’envahissait. La douleur et la peur l’avaient quitté, même la haine avait disparu. »


Et un tout dernier, une question énigmatique : Tome 9, Ch144 :
" Claire lui avait raconté que Frank avait voulu se rendre en Écosse afin de faire des recherches sur son ancêtre à la huitième génération. peut être avait il découvert ce qu'il lui était arrivé ou était il tombé sur le récit d'un survivant parlant de Jamie le Rouge qui avait pourfendu le vaillant capitaine britannique. peut être était ce cette découverte qui l'avait lancé sur les traces des jacobites."
Il faudra donc attendre la fin de la saga, le tome 10, pour savoir ce qu’il s’est vraiment passé, pourquoi BJR lui a demandé « tue moi », pourquoi il lui a tendu la main au final , et est ce que quelqu’un d’autre est intervenu ?

 

Illustration : dessin de Aryundomiel on deviantart = BJR (imaginé d'après les traits de Lucius Malefoy de Harry Potter), trouvée sur Pinterest. 

La mort de Black Jack Randall 

Par Marianne Hatzfeld