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Jamie Fraser 

entre possession et allégeance, consentement et protection

 

Tome 5 

Par Carolyn Garcin 

 

 

Une parenthèse avant-propos : Roger et le courage 

 

 

En abordant ce cinquième tome, je retiens un personnage et un thème qui ne sont pas le sujet de cet article, mais je ne peux m’empêcher d’ouvrir cette parenthèse, car elle pose le contexte de fonds de ce temps du récit. J’ai nommé Roger, et le courage.

 

De son ouverture d’esprit lors des premières révélations de Claire, à sa quête pour elle qui lui permettra de retrouver Jamie, puis sa propre aventure sur les traces de Brianna, son chemin de croix auprès des Mohawks, la pendaison d’Alamance, jusqu’à sa lente mais totale adoption par Jamie, « fils de ma maison », le parcours de Roger est pour moi le fil rouge de « La Croix de feu ». Et malgré sa réserve, ses failles, et son inadaptation au monde qu’il rejoint, son évolution est l’illustration même du courage, sous toutes ses formes. Mis à part l’estime et le respect acquis très tôt auprès de Claire, qui demeure son alliée bienveillante en toutes circonstances, il sera mis à l’épreuve lors de toutes ses rencontres : Bonnet, Morag, les Mohawks, Brianna, Jocasta, et surtout Jamie.

 

L’arc narratif de Roger mériterait à lui seul un développement complet…

 Préambule 

J’ai traversé la guerre et j’y ai beaucoup perdu. Je sais ce qui mérite qu’on se batte et ce qui ne le vaut pas. L’honneur et le courage sont inscrits dans nos os. Les raisons pour lesquelles un homme tue sont parfois les mêmes que celles pour lesquelles il est prêt à mourir. Voici pourquoi, Ô mon frère, la femme a des hanches larges. Son bassin osseux abrite un homme et son enfant. La vie d’un homme jaillit de ses os et c’est dans son sang que son honneur prendra un nom. Rien que pour l’amour, je serais prêt à marcher à nouveau dans le feu. 

 

Chapitre 1 p8 

 Je soupçonnais Jamie d’être moins enclin que moi – ou peut-être que Frank – à reconnaître le mérite de Roger d’avoir accepté Jemmy comme son propre enfant. Pour un homme d’honneur, il ne pouvait en être autrement, cela coulait de source. Je connaissais également ses doutes quant à  la capacité de son gendre de nourrir et de protéger une famille dans les forêts sauvages de la Caroline. Roger était grand, bien bâti et capable, mais, dans sa tête, les mots « bonnet », « baudrier » et « épée » étaient simplement des paroles de chanson. Jamie, en revanche, en connaissait le sens profond. Ces mots avaient dirigé toute sa vie. 

 

Chapitre 1 p20 

 – Je crois bien qu’on est condamnés à mourir de froid ensemble, Sassenach. Mais ce n’est pas si grave. De toute manière, je n’aurais pas voulu continuer à vivre sans toi. 

 – Tu parles, Jamie Fraser ! Tu pourrais vivre nu sur une banquise et la faire fondre. Mais qu’est-ce que tu as fait de ta veste et de ton plaid ?

 

(p32) – Ils se seraient mariés de toute façon, mais je tiens à ce que l’enfant soit catholique. Je me suis donc dit que si j’avais l’air de désapprouver la religion de MacKenzie, ils seraient plus enclins à faire une concession en acceptant de faire baptiser le petit, an gille ruadh, non ?

Je me mis à rire et rabattis un pan de la couverture autour des oreilles de Jemmy.

 – Et moi qui croyais que Brianna t’avait percé à jour !

– Le principal, c’est qu’elle le croit aussi !

 Il se pencha subitement vers moi et m’embrassa. Sa bouche était douce et très chaude. (…) 

– Mmm, c’est bon. Encore ! (…)

Il redressa la tête, et je sentis la morsure du froid dans ma paume, là où une cicatrice ancienne formait une lettre blême. Un « J » gravé sur ma peau, sa marque. Il posa ensuite sa main sur mon visage. Je la pressai, sentant presque le « C » fané de sa paume s’imprimer sur ma joue glacée. Nous n’avions pas besoin de parler pour nous faire une promesse, la même que celle d’autrefois, dans un autre sanctuaire, le dernier fragment de terre ferme au milieu des sables mouvants d’une guerre imminente.

 

Chapitre 7 p109 

 – Vous ne vous souvenez pas d’avoir frappé Murchison à la tête juste au moment où il s’apprêtait à m’achever d’un coup de baïonnette ? Ensuite, vous m’avez soulevé et porté hors de danger, vers un puits situé non loin. (…) Là, des gens se sont occupés de moi. Ils vous ont supplié de rester vous aussi, mais vous n’avez rien voulu entendre. Vous m’avez souhaité bonne chance, au nom de saint Michel, puis vous êtes reparti au combat.

 Hayes fixa la chaînette de son gorgerin, ajustant le blason d’argent sous son menton. Sans sa cravate, son cou semblait nu, vulnérable.

 – Vous aviez l’air d’un fou, le visage plein de sang et les cheveux au vent. Vous aviez rengainé votre épée pour pouvoir me porter, mais vous l’avez brandie de nouveau au moment de repartir vous battre. Je ne pensais pas vous retrouver un jour, car jamais je n’avais vu un homme aussi résolu à défier sa propre mort…

 Il secoua la tête, les yeux mi-clos, comme s’il ne voyait pas l’homme calme et robuste devant lui, le Fraser de Fraser’s Ridge, mais Jamie le rouge, le jeune guerrier qui parlait vers le champ de bataille non pas par bravoure, mais pour y sacrifier sa vie devenue un fardeau… parce qu’il m’avait perdue. 

 

Chapitre 10 p135 

 Dès qu’ils me virent approcher, les deux hommes stoppèrent leur conversation. Le lieutenant Haye me remercia de nouveau pour lui avoir extrait l’éclat de balle, puis il prit congé, son visage rond et lisse ne me révélant rien. Lorsqu’il fut loin, je demandai à Jamie :

– Que disiez-vous au sujet de Stephen Bonnet ?

 – Rien, je lui demandais simplement s’il en avait des nouvelles, Sassenach. Le thé est prêt ? 

Il se tourna vers le feu, mais je le retins par le bras.

 – Pourquoi ? demandai-je.

Comme je ne lâchai pas prise, il me fit face à contrecœur.

 – Parce que j’aimerais savoir où il se trouve. 

 Il ne feignait même pas de ne pas comprendre la raison de mes questions, ce qui acheva de m’inquiéter. 

– Hayes sait où se trouve Bonnet ? Il a eu des nouvelles ?

 Il fit non de la tête. Il disait la vérité. Soulagée, je relâchai doucement mes doigts et il libéra son bras, sans colère, mais avec un détachement froid et délibéré.

 – Ça me regarde ! lâchai-je en réponse à son geste. (…) Pourquoi le cherches-tu ?

– Je tiens savoir d’où peut venir le danger. 

 Il regardait lui par-dessus mon épaule, souriant et saluant quelqu’un d’un signe de tête. (…)

 – Ne te paye pas ma tête, rétorquai-je. En quelque sorte, tu veux savoir où il se trouve afin d’éviter à tout prix d’y aller ?

 Il réprima un sourire. 

– C’est exactement ça, répondit-il. 

 Étant donné la faible densité de population de la Caroline et l’isolement de Fraser’s Ridge, le risque de tomber par hasard sur Stephen Bonnet était à peu près équivalent à celui de glisser sur une méduse en franchissant la porte de la cabane… Jamie n’était pas dupe. (…) Il avait une raison précise de vouloir retrouver Stephen Bonnet et ça… je le savais fort bien. (…)

– Jamie, je t’en prie. Laisse-le tranquille.

 Il mit sa main sur la mienne, la pressant légèrement, ce qui ne me rassura pas pour autant.

 – Ne t’en fais pas, Sassenach. J’ai interrogé tout le monde pendant le rassemblement, des gens venus tant de Halifax que de Charleston. Personne n’a eu vent de sa présence dans toute la colonie.

 Tant mieux. C’était un point positif, mais cela signifiait également que Jamie traquait Bonnet avec assiduité depuis un certain temps. De plus, il ne m’avait pas échappé qu’il évitait adroitement de me promettre l’arrêt de son enquête.

 – Laisse-le tranquille, répétai-je doucement en soutenant son regard. Nous aurons suffisamment de problèmes à l’avenir, nous n’avons pas besoin d’en rajouter.

 Il m’avait attirée vers lui pour mieux m’empêcher de l’interrompre. Je sentais sa puissance là où son corps touchait le mien, dans son bras sous ma main, dans sa cuisse contre la mienne. La dureté de ses os et le feu de son esprit enveloppés dans la coque en acier de sa détermination pouvait faire de Jamie, lancé sur une cible, un projectile mortel. Ses yeux étaient rivés sur les miens, implacables, la lumière pâle de l’automne se reflétant dans leurs iris bleus.

– Tu dis que ça te regarde. En tout cas, j’en fais mon affaire. Tu es avec moi ou pas ? 

 Mon sang glacé se figea dans mes veines, formant des cristaux de panique. Maudit soit-il ! Il était déterminé. Il n’avait qu’une raison et une seule pour vouloir retrouver Stephen Bonnet. Je pivotai sur mes talons, l’entraînant dans mon mouvement, si bien que nous nous retrouvâmes côte à côte, face au feu. L’air fasciné, Brianna, Marsali et les Bug écoutaient Fergus, qui leur racontait une histoire, le visage hilare. Jemmy nous regardait par-dessus l’épaule de sa mère, les yeux ronds et curieux.

 – Eux sont ton affaire, dis-je d’une voix tremblante d’émotion. Autant que la mienne. Tu trouves que Stephen Bonnet ne leur a pas déjà fait assez de mal ? Qu’il ne nous a pas fait assez de mal ?

– Oui, beaucoup trop. 

 Il me serra contre lui. Je sentais la chaleur de son corps à travers ses vêtements, mais sa voix était aussi froide que la pluie. (…)

 – Je l’ai laissé partir une fois, dit doucement Jamie. Tu sais tout le mal qui s’en est suivi. Tu voudrais que je l’abandonne dans la nature en sachant qui il est ? En sachant que c’est moi qui l’ai libéré pour semer la terreur ? C’est comme relâcher un chien enragé, Sassenach. Ce n’est pas ce que tu souhaites, n’est-ce pas ? (…) 

 – Tu lui as rendu sa liberté une fois, mais la Couronne l’a rattrapé. S’il est libre aujourd’hui, ce n’est pas de ta faute !

 – Peut-être, mais il est de mon devoir de l’enfermer de nouveau, si je peux. 

– Ton devoir est de protéger ta famille ! (…)

 – Tu me crois capable de la mettre en danger ? (…) 

– Cette chasse n’est pas sans risque, Jamie. Tu le sais bien. (…)

 – Je sais, murmura-t-il. (…) Je chasse depuis longtemps, Claire. Je ne risquerai jamais leur vie, je te le jure. 

 – Uniquement la tienne, tu veux dire ? Que nous arrivera-t-il, si tu… (…)

– Il ne m’arrivera rien, dit-il sur un ton convaincu. 

 Me serrant contre lui, il étouffa toute autre protestation de ma part par un baiser vorace. Près du feu s’éleva un tonnerre d’applaudissements.

– Encore ! s’écria Fergus, ravi. (…)

 – Tout se passera bien, Sassenach. Fais-moi confiance. 

 

Chapitre 12 p150 

Il m’attira à lui et se pencha pour m’embrasser. Au ton de ma voix, il s’arrêta. 

 

– Ce n’est pas que je n’apprécie pas ton geste, mais approche encore d’un centimètre et je t’arrache un morceau de lèvre d’un coup de dents.

Avec l’infinie précaution d’un homme conscient que la pierre qu’il vient de ramasser est, en fait, un nid de guêpes, il se redressa et ôta très lentement ses mains de ma taille. 

– Oh, fit-il. 

 Il pencha la tête sur le côté, m’inspectant des pieds à la tête, puis ajouta : 

– Tu as l’air un peu fatigué, Sassenach. 

 C’était indéniable, mais le seul fait qu’il me le dise me donna envie de fondre en larmes. Il dut s’en rendre compte, car il prit très délicatement ma main et m’entraina vers un rocher. 

 – Assieds-toi, ordonna-t-il. Ferme les yeux, a nighean donn. Repose-toi un instant. 

J’obéis et fermai les yeux tout en détendant mes épaules. (…)

 – Désolée, dis-je enfin en rouvrant les yeux.

 – De quoi, Sassenach ? Ce n’est pas comme si tu avais refusé de partager mon lit. J’espère, du moins, que nous n’en sommes pas là. 

 À ce moment précis, l’idée de faire l’amour figurait vraiment en dernière place sur la liste de mes priorités, mais elle me fit sourire à mon tour.

 – Après avoir dormi par terre pendant deux semaines, je partagerais volontiers le lit de n’importe qui.

 Choqué, il haussa les sourcils, me prenant par surprise. J’éclatai de rire.

– Non, repris-je, c’est juste… la fatigue.

 Une douleur vive me lacéra soudain le bas du ventre. Je grimaçai, pressant mes mains sur la région douloureuse.

 – Ah ! fit-il. Tu veux parler de ce genre de fatigue. 

– Oui, ce genre-là. (…)

 – Laisse tomber ta recette, dit-il. Essaie plutôt ce remède, il est beaucoup plus rapide.

Je dévissai le bouchon et inhalai. Du whisky… et pas n’importe lequel !

 – Je t’adore ! lui lançai-je. 

 Il se mit à rire, puis tapota doucement mon pied.  

– Moi aussi, Sassenach. (…) Voilà trois mois que tu n’avais pas eu tes règles, observa Jamie de manière nonchalante. Je pensais qu’elles s’étaient arrêtées pour de bon.

 J’étais toujours décontenancée par sa façon de remarquer ce genre de choses. (…)

 – Je ne suis pas comme un robinet qu’on ouvre et qu’on ferme, dis-je un peu piquée. Les menstrues deviennent de plus en plus irrégulières puis s’arrêtent, mais on ne sait jamais quand.

 – Ah, répondit-il laconiquement. (…) Tu seras sans doute soulagée d’en avoir fini une fois pour toutes. Ce sera quand même plus pratique, non ? (…) 

 – Je ne sais pas, répondis-je. Je te le ferai savoir, d’accord ?

 Il esquissa un sourire, mais ayant perçu de la tension dans ma voix, il eut la sagesse de ne pas poursuivre dans cette voie. 

 

(p152) 

Soudain, Jamie s’étira.

– Ah… Sassenach ?

 – Oui ?

 – Je ne sais pas si j’ai mal fait ou non, Sassenach. Mais, si tel est le cas, je te demande pardon. 

 – Euh… oui, d’accord, répondis-je en hésitant.

 De quoi étais-je en train de le pardonner ? Probablement pas d’adultère, mais pourquoi pas d’agression, d’incendie, de vol à main armée ou de blasphème ? Je priai le ciel que Bonnet n’ait rien à y voir.

 – Qu’as-tu fait ?

– Moi, rien. Il s’agit plutôt de ce que j’ai dit que tu ferais.

– Ah ? fis-je, soudain méfiante. Quoi, au juste ? (…)

 – (…) J’ai promis à Josiah Beardsley que, peut-être, tu lui ôterais ses amygdales aujourd’hui.

 

(p157) 

 – Je me demandais… Sassenach. (…) En parlant de la Bible, tu sais… (…) … oui, c’est juste que je me disais… quand les anges du Seigneur viennent trouver Abraham pour lui annoncer que sa femme Sarah aura un enfant l’année suivante, celle-ci éclate de rire et répond que c’est une plaisanterie, car elle a cessé « d’avoir ce qu’ont les femmes ». (…)

 Il baissa les yeux vers la grande feuille d’érable qu’il était occupé à triturer entre le pouce et l’index, mais le coin de ses lèvres frémit.

 – (…) Quoiqu’il en soit, elle a quand même eu l’enfant, non ? (…)

 Il s’éclaircit la gorge je remarquai qu’il avait rosi. Évitant soigneusement de croiser mon regard il reprit :

 – Ce que je veux dire, c’est que, pour autant que je sache, à moins de s’appeler Marie et d’être visitée par le Saint-Esprit, il n’y a qu’un moyen de tomber enceinte, pas vrai ?

 – Oui, pour autant que je le sache, aussi. (…)

 – Dans ce cas, cela signifie que Sarah et Abraham couchaient encore ensemble malgré leur âge, pas vrai ? 

 Il ne me regardait toujours pas, fixant les vestiges de la feuille déchiquetée, mais ses oreilles étaient cramoisies. Comprenant enfin l’objet de ce débat biblique, je tendis le pied et le poussai du bout d’un orteil.

 – Tu crois que je n’ai plus envie de toi, c’est ça ?

– Tu m’as rabroué tout à l’heure, souligna-t-il. 

 – J’ai l’impression d’avoir le ventre rempli de verre pilé, je suis à moitié trempée et couverte de boue jusqu’aux genoux et l’homme qui te cherche assidûment depuis tout à l’heure va faire irruption entre les buissons, d’un instant à l’autre, avec une meute sur les talons, déclarai-je avec une certaine aspérité dans la voix. Es-tu en train de me proposer de me rouler dans les feuilles mouillées avec toi ? Parce que si c’est le cas…

 – Non, non, dit-il précipitamment. Je ne voulais pas dire maintenant. Je me demandais simplement si… 

 Il se leva brusquement, enlevant les morceaux de feuilles mortes de son kilt avec une vigueur exagérée. Je repris en articulant posément :

 – Si, par ta faute, je tombe enceinte, Jamie Fraser, je jure de te faire bouffer tes propres couilles en brochette. Quant à partager ta couche…

 Il se raidit et me regarda. Je lui souris, mes pensées clairement lisibles sur mon visage.

 – … dès qu’on aura un vrai lit, je te promets d’être toute à toi. 

– Ah.

 Il poussa un bref soupir, l'air soudain soulagé 

– Parfait, dit-il. C’est juste que… je me posais des questions, c’est tout.

 

Chapitre 13 p170 

 En me redressant, j’aperçus Jamie qui se tenait toujours là, m’observant avec une expression étrange et tendre, presque intimidée.

– Ai-je jamais pensé à te remercier, Sassenach demanda-t-il d’une voix un peu rauque. 

 – Pour quoi ? répondis-je, surprise.

 – Pour mes petits, chuchota-t-il. Pour les enfants que tu m’as donnés. 

– Ah… (…) … tout le plaisir était pour moi.

 

Chapitre 14 p202 

 Brianna le regarda en lui souriant, les yeux remplis d’amour. Il lui retourna son sourire, cligna des yeux, se racla la gorge et serra ma main un peu plus fort. Me souvenant de mes propres mariages, j’avais moi-même la gorge nouée en les écoutant prononcer leurs vœux. (…)

 – Moi, Roger Jeremiah, te reçois, Brianna Ellen, comme épouse… (…) … dans le bonheur et les épreuves… dans la joie et la douleur… dans la maladie et la santé… (…)

 Jamie se serra un peu plus contre moi, nos doigts s’entrelaçant. Relevant les yeux vers lui, je lus dans les siens la même promesse que celle qui résonnait dans ma tête : 

 –… tout au long de notre vie. 

 

Chapitre 15 p 218 

 Il tint Claire blottie contre lui, sa main contre son bas-ventre. Elle soupira, avec une petite note de douleur, puis se cala plus confortablement, ses fesses se nichant contre le creux de ses cuisses. Elle commençait à se fondre en lui tout en se détendant. Lui sentait venir cette étrange fusion de leurs chairs. Les premiers temps, cela n’était arrivé que lorsqu’il possédait, et uniquement vers la fin. Puis, de plus en plus tôt, jusqu’à ce que sa main sur lui soit alors une invitation et un achèvement, une inévitable reddition, une offre et une acceptation. Il y avait parfois résisté, uniquement pour s’assurer qu’il le pouvait, craignant soudain de se perdre lui-même. Il avait pensé qu’il s’agissait d’une passion traîtresse, comme celle qui soulevait une foule d’hommes en colère, les liant les uns aux autres par une furie aveugle. À présent, il savait que c’était bien. La Bible le disait, Vous ne formerez qu’une seule chair et Ce que Dieu a uni, un homme ne peut le défaire. Il avait déjà survécu à une telle déchirure, une fois. Il pourrait y survivre une deuxième fois. Plus bas, les sentinelles s’étaient construit un abri en toile près de leur feu. Les flammes vacillantes faisaient scintiller le tissu clair comme un battement de cœur. Il n’avait pas peur de mourir avec elle, par le feu ou tout autre moyen, seulement de devoir vivre sans elle. 

 Le vent tourna, portant sur ses ailes un rire à peine audible qui provenait de la tente des jeunes mariés. Il sourit. Il espérait que sa fille trouverait dans le mariage la même joie que lui. 

(…)

 Il la voulait depuis des jours, son envie ayant été refoulée par la frénésie du gathering. Le tiraillement sourd dans son bas-ventre faisait sans doute écho à sa douleur à elle. Il l’avait prise  à  plusieurs reprises tandis qu’elle vaquait à ses occupations, quand l’un comme l’autre en avaient eu trop envie pour attendre plus longtemps. Il avait trouvé ces ébats brouillons et troublants, mais aussi excitants. Ils lui laissaient un vague sentiment de honte qui n’était pas entièrement déplaisant. Bien sûr, le moment et le lieu étaient mal choisis, mais le souvenir d’autres occasions et d’autres lieux le firent bouger. Il s’écarta à peine d’elle pour ne pas la déranger avec la preuve physique de ses pensées. Pourtant, ce qu’il ressentait n’était pas tout à fait du désir. Ce n’était pas non plus le besoin d’elle ou l’envie d’obtenir la compagnie de son âme. Il voulait la couvrir de son corps, la posséder, afin de se convaincre qu’elle était en sécurité. S’ils ne formaient plus qu’un seul corps, il aurait l’impression de la protéger, même si tout cela n’était qu’illusion. (…) Il pencha la tête, approcha ses lèvres derrière son oreille et chuchota :

 – Tant qu’il y aura encore un souffle dans mes poumons, il ne t’arrivera rien, a nighean donn. Rien. 

 – Je sais, répondit-elle. (…)

Il resta réveillé, raide, longtemps après que la pluie eut éteint le feu des sentinelles.

 

Chapitre 16 p226 

 Jamie comprenait malgré lui l’énervement de sa monture. Impatient d’arriver chez lui et s’efforçant d’avancer, tout ce qui entravait sa course l’irritait. Pour le moment son principal obstacle était Claire, qui avait – maudite bonne femme ! – arrêté sa jument au beau milieu du chemin pour aller arracher encore des touffes de végétation dans les bas-côtés. Comme si leur maison n’était déjà pas assez pleine d’herbes du sol au plafond ! (…) En entendant le vacarme, Claire avait fait volte-face, écarquillant les yeux. Elle regarda Jamie, puis la piste au bout de laquelle sa jument avait déjà disparu, puis de nouveau Jamie. Elle haussa les épaules d’un air navré, les mains pleines de feuilles et de racines terreuses.

 – Désolée, dit-elle. (…)

Il ravala ses reproches et ses paroles prirent un tout autre ton en sortant de sa bouche : 

 – Monte en selle, femme, dit-il, faussement bourru. Je veux mon dîner. 

 Elle éclata de rire et, remontant ses jupes, grimpa devant lui. (…) Il abaissa son chapeau sur son front et installa son épouse vagabonde plus confortablement, rabattant ses jupes entre ses cuisses et passant ses bras autour de sa taille. 

 

(p232) 

 Pris d’une soudaine inspiration, il s’enfonça de quelques pas entre les arbres et regarda autour de lui. D’ordinaire, il ne prêtait attention qu’à la végétation immédiatement comestible pour les chevaux et les hommes, aux troncs avec des veines assez rectilignes pour fabriquer des planches et des poutres, ou aux lianes et aux mauvaises herbes qui envahissaient et gênaient le passage. Mais lorsqu’il se mit à contempler la nature, il fut surpris par sa variété et son esthétique. Des tiges d’orge à moitié mûre, leurs graines disposées en rangées comme la natte d’une femme. Une herbe sèche et friable, délicate comme la bordure en dentelle d’un beau mouchoir. Une branche d’épinette, d’un vert irréel parmi les arbres nus, laissant sa sève odorante sur sa main quand il la cassa. Une poignée de feuilles de chêne, mortes et lustrées, lui rappelant la couleur des cheveux de Claire, tout en nuances d’or, de brun et de gris. Un morceau de liane rouge, ajouté pour sa couleur. Il finit juste à temps. Elle approchait du coin de la maison. Perdue dans ses pensées, elle passa à quelques mètres de lui sans le voir.

 – Sorcha, appela-t-il doucement. (…) Bienvenue à la maison, dit-il en lui tendant son bouquet. 

– Oh.

 Elle regarda l’arrangement de feuilles et de branches, puis releva les yeux vers lui. Les commissures de ses lèvres se mirent à trembler comme si elle était sur le point d’éclater de rire ou en sanglots.

– Oh, Jamie… C’est… magnifique !

 Elle se hissa sur la pointe des pieds et déposa un baiser chaud et salé sur ses lèvres. Il en aurait voulu davantage, mais elle s’éloignait déjà vers la porte de la maison, serrant son petit bouquet contre son sein, comme un objet en or pur. Il se sentait un peu sot, mais également assez satisfait de lui-même. Il avait encore le goût de sa bouche sur ses lèvres. Sorcha, murmura-t-il de nouveau. Puis il se rendit compte qu’il venait déjà de l’appeler ainsi. C’était étrange. Pas étonnant qu’elle ait eu l’air surpris. Ce mot était la traduction de son nom en gaélique, mais il ne l’utilisait jamais. Il aimait le fait qu’elle soit d’ailleurs, qu’elle soit Anglaise. Elle était sa Claire, sa Sassenach. Pourtant, au moment où elle était passée devant lui, elle avait été Sorcha, ce qui ne signifiait pas seulement Claire, mais aussi « lumière ». Il soupira d’aise. 

 

(p234) 

– Tu aurais pu me le dire, Sassenach ! 

 L’air torve, Jamie regarda son bouquet que j’avais placé dans un verre d’eau, sur la table, près de la fenêtre de notre chambre. Les tiges rouge vif du bouquet vénéneux brillaient même dans la pénombre. Il ajouta en grommelant :

– Tu aurais dû t’en débarrasser. Tu l’as gardé pour me narguer ? (…) 

 – Pas du tout. Mais si je te l’avais dit quand tu me l’as donné, tu l’aurais aussitôt repris pour le jeter. Or, c’est la première fois que tu m’offres un bouquet, et sans doute la dernière. Je tiens à le garder. 

Il rit puis s’assit sur le lit pour ôter ses bas.

 

(p237) 

 En observant Jamie se promener nu dans la pièce sans la moindre gêne, je me dis qu’il tenait autant de l’éponge que son petit-fils. Il était capable de faire face à tout ce la vie mettait sur son chemin et en absorbait tous les éléments, même ceux auxquels son passé ne l’avait pas préparé. Étalons maniaques, prêtres kidnappés, servantes en âge de se marier, filles opiniâtres, gendres païens… Moi, j’étais le coquillage. Arrachée à ma niche rocheuse par un courant d’une puissance inattendue, aspirée et engloutie par Jamie et sa vie. Prisonnière à jamais des forces étranges qui agitaient cet environnement étranger. Je n’avais pratiquement aucun regret. J’avais choisi d’être ici, je voulais être ici. Pourtant, de temps à autre, des petits détails, telle notre conversation sur l’immunité, me rappelaient tout ce que j’avais perdu – ce que j’avais eu, ce que j’avais été. Cette pensée entraînait chez moi une sensation de vide.

 

(p243) 

 

L’une des mains de Jamie était toujours dans la mienne, tandis que l’autre lâcha mes doigts et alla se promener ailleurs, très délicatement, me faisant perdre le fil de mes pensées. (…)

 – Des pilules, c’est bien ça ? demanda-t-il. C’est bien la méthode moderne ? (…) Tu n’en as pas apporté avec toi quand tu es revenue ?

 J’inspirai profondément, puis expirai, me sentant prête à m’évanouir.

– Non, répondis-je faiblement. (…)

 – Pourquoi ?

 – Eh bien… c’est que… il faut en prendre tout le temps. Je n’aurais pas pu en apporter suffisamment. En revanche, il existe une méthode permanente, une petite intervention chirurgicale, qui est relativement simple et qui rend définitivement stérile.

 Je déglutis, gênée par la tournure de la conversation. (…) Jamie était immobile, les yeux baissés.

– Claire, dis-moi ce que tu as fait, dit-il à voix basse. (…) 

 – Jamie, si j’avais fait quoi que ce soit, je te l’aurais dit. Tu… aurais voulu que je me fasse opérer ?

 Son autre main me quitta, vint se poser dans mon dos et m’attira à lui, tout doucement. Sa peau contre la mienne était brûlante.

 – J’ai suffisamment d’enfants. Mais je n’ai qu’une seule vie, et c’est toi, mo chridhe. 

 

 (…)   J’y avais songé et j’avais été à deux doigts de demander à un chirurgien de me stériliser. C’était la décision de la raison : prendre des risques inutiles ne me servait à rien. (…) Néanmoins, après l’avoir quitté depuis si longtemps sans savoir si je le reverrais un jour… je n’avais pu me résoudre à détruire cette possibilité. Je ne voulais pas un autre enfant. Mais, si je le retrouvais, et s’il le désirait… alors j’étais prête à courir ce risque pour lui. Je le touchai doucement. Il gémit et enfouit son visage dans mes cheveux, me serrant contre lui. Chaque fois qui nous faisions l’amour, il y avait un élément de risque et de promesse, car ma vie était entre ses mains et son âme entre les miennes, et il le savait.

 – Je pensais… que tu ne verrais jamais Brianna. J’ignorais l’existence de Willie. Je n’avais pas le droit de t’ôter ta chance d’être à nouveau père… pas sans te le dire avant.

 « Tu es le sang de mon sang, les os de mes os », lui avais-je dit. C’était la vérité et cela le resterait, que nous soyons parents ou pas. 

 – Je ne veux pas d’autre enfant, chuchota-t-il. Je ne veux que toi. (…)

– Ne t’inquiète pas pour Brianna. Si Roger a cueilli ces plantes pour elle, c’est parce qu’il sait ce qu’elle veut. (…)

 – Moi aussi je sais ce que je veux, dit-il dans mes cheveux. Je te cueillerai un autre bouquet dès demain. 

 

Ch26 p344 Le feu : tête ou pieds ? 

– Qu’en dis-tu, Mac Dubh ? La tête ou les pieds ? 

Jamie essuya ses lèvres sur le revers de sa manche. Aussi velu que ses compagnons, il avait l’air d’un vrai viking, la lueur du feu rehaussant les reflets roux, dorés et argentés de sa barbe et de ses cheveux dénoués.

 – Ne vous en faites pas pour moi, les gars. Quelle que soit la position dans laquelle je couche, je dormirai au chaud. 

 Il inclina la tête dans ma direction, soulevant une nouvelle vague d’hilarité, ponctuée de quelques remarques en gaélique à la limite du bon goût de la part des compagnons de Fraser’s Ridge. D’une manière instinctive, une ou deux nouvelles recrues me jaugèrent, mais elles détournèrent très vite le regard après un coup d’œil à la taille, à la largeur d’épaule et à la mine aimablement féroce de Jamie. Mes yeux croisèrent ceux d’un homme et je lui souris. Il parut surpris et me rendit la pareille en baissant la tête d’un air timide. Comment Jamie se débrouillait-il pour arriver à un tel résultat ? D’une seule plaisanterie grivoise, il avait publiquement affirmé sa propriété sur ma personne, m’avait mise à l’abri des avances indésirables et avait réaffirmé sa position de chef. 

 – On dirait une vraie troupe de babouins ! marmonnai-je entre mes dents. Et je dors avec le mâle dominant ! (…)

 – Les babouins ne sont pas ces espèces de singes sans queue ?

– Tu sais très bien ce que c’est.

 Je surpris son regard et le vis réprimer un sourire. Je devinais à quoi il pensait, et il le savait.

 

Chapitre 29 p409 

 Je caressai avec douceur les cheveux de Jamie. Un coin de ses lèvres se releva subitement, faisant naître un sourire d’une tendresse surprenante. Mais il disparut aussi vite qu’il était apparu. Je le contemplai, stupéfaite. Il dormait, son souffle restant rauque mais régulier, ses longs cils roux projetant des ombres noires sur ses joues. Alors que je recommençais mes caresses, son sourire revint et repartit comme le vacillement d’une flamme. Après un soupir profond, il enfouit un peu plus son visage dans mes jupes, se détendit, les membres complètement mous. Les larmes noyèrent mes yeux. 

 – Oh, Jamie, murmurai-je. 

 Cela faisait des années que je ne l’avais pas vu dormir ainsi. Pas depuis les premiers temps de notre mariage, plus précisément, depuis Lallybroch. « Il faisait toujours ça quand il était petit, m’avait alors expliqué sa sœur Jenny. Je crois que ça veut dire qu’il est heureux. » Mes doigts s’enroulèrent autour des boucles douces et épaisses à la base de sa nuque, sentant la courbe solide de son crâne, la chaleur de son cuir chevelu, le mince bourrelet d’une vieille cicatrice

 – Moi aussi, lui chuchotai-je. 

 

Chapitre 32 p439 

Il se mit à rire.

– Tu ne peux pas être saoule, Sassenach. Pas après avoir bu trois verres de cidre.

 – Alors, ce doit être la fatigue. J’ai l’impression que ma tête est un ballon de baudruche au bout d’un fil. Comment sais-tu exactement ce que j’ai bu ? Tu me surveilles ? (…)

 – J’aime bien t’observer, Sassenach. Surtout en société. Quand tu ris, tes dents brillent d’une manière ravissante. 

– Flatteur !

 J’étais néanmoins sincèrement flattée. Étant donné que je ne m’étais même pas débarbouillée depuis plusieurs jours, sans parler de me laver ou de changer de vêtements, ma dentition était la seule chose qu’il pouvait encore admirer. Toutefois, il était réconfortant qu’il s’en donne la peine. 

 

(p445) Adopter le nouveau-né ? 

 – Finalement, ce n’était pas ma dernière question, repris-je. C’est la dernière : pourquoi me fais-tu cette proposition ?

 – Eh bien… j’ai pensé que…

 – Tu te souviens de ce que tu m’as dit en revenant du gathering ? Que tu aurais pu choisir la sécurité de la stérilité… mais que tu ne l’avais pas fait, pour moi. Alors…

 Il (…) prit une grande inspiration et poursuivit parlant au vide devant lui, comme s’il s’adressait

à un tribunal :

 – Pour moi, je n’ai pas voulu que tu aies un autre enfant, Sassenach. J’aurais eu trop peur de te perdre. J’ai déjà des fils et des filles, des nièces et des neveux, des petits-enfants… (…) Mais je n’ai qu’une vie, Claire, et c’est toi. 

 Il déglutit péniblement avant de reprendre :

 – Alors, j’ai pensé que… si tu voulais un autre enfant je pourrais peut-être encore t’en donner un. 

 Les larmes me brûlaient les yeux. Je cherchai sa main à tâtons et la serrai.

(…). Je n’avais pas besoin d’y réfléchir davantage, car la décision s’était prise d’elle-même.

 (…) Peut-être étais-je née avec un quota secret inscrit dans mon corps, ou alors je devais désormais donner acte d’allégeance ailleurs… Je savais. En tant que mère, je ressentais la légèreté de l’effort abouti, de l’honneur satisfait. Ma mission était accomplie. J’appuyai mon front contre son torse et murmurai :

 – Non. Mais, Jamie… je t’aime tant. 

 

 Chapitre 35 p485 Spermatozoïdes et microscope 

 – Merveilleux ! confirma-t-il. Regarde-les. Comme ils s’activent ! Ils se poussent et se bousculent… Qu’est-ce qu’il y en a !

 Il les examina encore un moment, s’exclamant dans sa barbe, puis releva la tête, en la secouant d’un air sidéré.

 – Je n’avais jamais rien vu de pareil, Sassenach. Tu m’en avais déjà parlé, mais je n’aurais jamais imaginé les microbes ainsi ! Je les voyais avec des petites dents, qu’ils n’ont pas, mais… je ne pensais pas qu’ils auraient de si jolies queues frétillantes ni qu’ils se déplaceraient en si grand nombre !

 Je regardai dans l’oculaire à mon tour, tout en expliquant :

 – C’est le cas de certains micro-organismes. Mais ces bestioles-là ne sont pas des microbes, ce sont des spermatozoïdes. (…) Des cellules reproductives masculines. Tu sais, celles avec lesquelles on fait des bébés.

 Je crus qu’il allait s’étrangler. Il ouvrit la bouche et son teint rosit.

 – Tu veux dire… de la semence ? Du foutre ? (…) Des spermatozoïdes, marmonna-t-il. Des spermatozoïdes…

 Pris d’un terrible doute, il se tourna vers moi avec suspicion.

– À qui sont-ils ?

 – Euh… eh bien, à toi, naturellement ! À qui d’autre veux-tu qu’ils soient ?

Par réflexe, il mit machinalement une main protectrice devant son sexe.

– Comment les as-tu obtenus ?

 – Qu’est-ce que tu crois ? J’en avais une petite réserve en moi, ce matin au réveil.

 Sa main se détendit, mais il grimaça, mortifié. Il but le thé d’une seule traite, sans même remarquer qu’il était brûlant.

 – Je vois. Suivit un profond silence. (…) Ces… euh… spermatozoïdes… (…) On ne peut pas les sortir de là et leur donner une sépulture décente ou quelque chose comme ça ?

 Je me cachai pour sourire derrière ma tasse de thé.

 – Ne t’inquiète pas, je prendrai bien soin d’eux, lui promis-je. Ne l’ai-je pas toujours fait ?

 

Chapitre 39 p512 Mariage de Jocasta et Duncan Innes 

 Le futur marié devait être encore plus nerveux que je ne l'imaginais. Répondant à Hamilton qui venait de lui murmurer une remarque à l'oreille, Jamie déclara :

 – Cela ne devrait pas surprendre ma tante, étant donné qu'elle a déjà eu trois maris avant lui. En revanche, c'est le premier mariage de Duncan. C'est toujours un choc pour un homme. Je me souviens de ma première nuit de noces comme si c'était hier ! 

 Il m'adressa un petit sourire en coin qui me fit monter le rouge aux joues. Je m'en souvenais aussi très clairement. J'ouvris mon éventail d'un coup sec et agitai l'arc de dentelle ivoire devant mon visage.

 – Vous ne trouvez pas qu'il fait un peu chaud ?

 – Vraiment ? dit Jamie d'un air narquois. 

 

(p533) 

 Il suivit le tracé d'une boucle dans mon dos et je fis docilement glisser mon châle plus bas sur mes épaules. Avec une dextérité due à une longue pratique, il remit la boucle en place dans ma coiffure, puis déposa un baiser dans ma nuque, me faisant frissonner. Lui non plus n'était pas insensible aux vibrations de l'air printanier.

 – Je suppose qu'il faut que je continue à chercher Duncan, dit-il avec une pointe de regret dans la voix. (…) Cela dit, une fois que je l'aurais retrouvé... on pourrait peut-être dénicher un petit coin tranquille dans les parages.

 Au mot « tranquille », je m'adossai contre lui en regardant lascivement vers la berge où un groupe de saules pleureurs abritait un banc en pierre. On ne pouvait espérer endroit plus calme ni plus romantique, surtout après la tombée du soir. (…)

 – Je vais le chercher, annonça-t-il. Remonte à la maison, Sassenach, et surveille ma tante et le curé. Ne les laisse pas t'échapper avant que le mariage ne soit prononcé.

 Jamie traversa le parc en direction des saules pleureurs, répondant d'un air distrait aux salutations des amis et des connaissances sur son passage. En vérité, son esprit était plus accaparé par sa femme que par les noces imminentes. Il était conscient de sa chance d'avoir une épouse aussi belle. Même dans sa robe de tous les jours en grosse toile, pataugeant jusqu'aux genoux dans la boue de son jardin ou maculée du sang de ses patients, les courbes de son visage le faisaient toujours autant frémir et ses yeux couleur whisky l'enivraient d'un seul regard. Et puis sa masse de cheveux éternellement rebelles l'amusait. 

 (…)

 Ce fut plus fort que lui. Il se retourna pour admirer Claire, mais n'entr'aperçut que le sommet de son crâne se faufilant dans la foule, sur la terrasse. Bien entendu, elle s'obstinait à ne pas porter un bonnet convenable, préférant s'épingler sur la tête une coquetterie tout en dentelles et en rubans, piquée de cynorhodons. Réprimant une envie de rire, il se laissa de nouveau captiver par les saules, un immense sourire aux lèvres. Ce devait être sa nouvelle robe qui le mettait dans cet état. Depuis des mois, il ne l'avait pas vue habillée ainsi, en grande dame, sa taille fine prise dans la soie, ses seins blancs, ronds et doux débordant de son décolleté comme des poires d'hiver mûries à point. Elle était une autre femme, à la fois intimement familière et néanmoins d'une 

étrangeté excitante. Ses doigts le démangèrent au souvenir de la longue mèche rebelle retombant en spirales dans son dos, du contact de sa nuque, de la courbe ronde et chaude de sa croupe à travers sa jupe, se pressant contre sa cuisse. Avec tout ce monde autour d'eux, il n'avait pu la posséder depuis plus d'une semaine, et ce manque se faisait cruellement sentir. Depuis qu'elle lui avait montré ses spermatozoïdes, il avait la sensation désagréable d'un dangereux surpeuplement dans ses bourses, un fourmillement surtout perceptible dans ce genre de situation. Il savait très bien qu'il n'y avait aucun danger de rupture ou d'explosion, mais il ne pouvait s'empêcher de penser aux bousculades qui avaient lieu dans son entrejambe. Être emprisonné dans une foule grouillante sans aucune issue de secours correspondait à sa propre vision de l'enfer. Aussi, il s'arrêta un instant derrière l'écran de saules pour rassurer ses chers petits d'une légère pression de la main, espérant ainsi calmer l'émeute pendant un bout de temps. Il s'assurerait que Duncan soit bien marié, puis le laisserait se débrouiller tout seul. À la nuit tombée, s'il ne trouvait rien de mieux, un simple buisson ferait l'affaire.

 

Chapitre 43 p575 Wylie 

 Avec une épingle, je remis en place une mèche qui s'était échappée de ma coiffure et fis tomber quelques brins de paille de ma robe. Heureusement, je ne l'avais pas déchirée. En un tour de main, je fus de nouveau décente.

– Tout va bien, Sassenach ? 

 (…)    Je fis volte-face, l'adrénaline irradiant ma poitrine comme une décharge électrique, et découvris Jamie à mes côtés, qui m'observait les sourcils froncés.

 – Qu'étais-tu en train de faire, Sassenach ?

 Mon cœur encore affolé, je m'étouffais. Je parvins néanmoins à articuler quelques mots sur un ton que j'espérai dégagé. (…) Il me regardait bizarrement. (…) Je me tâtonnai l'arrière du crâne, remettant de l'ordre dans ma coiffure, et profitai de l'occasion pour me détourner légèrement, évitant ainsi de croiser le regard de Jamie. (…) Son visage se rembrunit. (…)

 – Voulais-tu me dire autre chose ?

 Il émit un sifflement semblable à celui d'une bouilloire électrique atteignant le point d'ébullition, signe chez lui d'une impatience rare.

 – Zut, je l'avais presque oubliée ! Une des esclaves a été empoisonnée... Enfin, je crois. Je laissai retomber mes mains et me tournai vers lui, stupéfaite.

 – Quoi ? Qui ? Comment ? Pourquoi tu ne m'as rien dit ?

 – Je suis en train de te le dire, non ? Ne t'inquiète pas, Sassenach, sa vie n'est pas en danger. Elle n'est qu'ivre morte. (…)

 – Le fait est que l'alcool est un poison, même si personne ne semble s'en soucier par ici. Néanmoins, il y a une différence entre être soûle et avoir été délibérément empoisonnée. Que veux-tu dire par...

 – Sassenach ? m'interrompit-il. (…) Qu'est-ce que tu fichais dans l'écurie, nom de Dieu ! 

 Je le dévisageai, interloquée. Son visage était devenu de plus en plus rouge à mesure que nous parlions (…). La dangereuse lueur bleutée au fond de son regard m'indiqua qu'un élément plus personnel entrait, sans doute, en ligne de compte dans sa réaction. (…) Il pinça les lèvres et tendit l'index vers un point près de ma bouche. Il le toucha très délicatement, puis il me montra le bout de son doigt. Un petit objet noir y était posé : le faux grain de beauté en forme d'étoile de Phillip Wylie. 

 – Oh, ça ! Euh...

 Mes oreilles se mirent à bourdonner. La tête me tourna et de minuscules points blancs se mirent à danser devant mes yeux.

 – Oui, ça ! Bon sang, Claire ! Je m'échine entre les bêtises de Duncan et les plaisanteries de Ninian et... (…) J'en ai par-dessus la tête des majors, des Régulateurs, des servantes alcooliques ! En plus de cela, je te surprends à bécoter ce muscadin ! 

Mon sang bouillit dans mes veines et me brûla les yeux. Je serrai les poings, réprimant mon envie de le gifler.

 – On ne se bécotait pas, tu le sais très bien ! Ce crétin essayait simplement de me faire du gringue, sans plus.

 – Du gringue ? Tu veux dire qu'il t'a baisée ? J'avais vu juste ! 

 – Mais ça va pas, non ?

– Ah oui ? Tu lui as réclamé sa mouche en guise de porte-bonheur, alors ? 

 Il agita la minuscule tache noire sous mon nez. Avec brutalité, je repoussai sa main, me souvenant trop tard que, dans sa bouche, « baiser » n'était pas forcément synonyme de forniquer. Je crispai les mâchoires.

– Il m'a embrassée, sans doute une mauvaise plaisanterie de sa part. J'ai l'âge d'être sa mère !

 – Dis plutôt sa grand-mère ! Si tu ne voulais pas qu'il t'embrasse, il te suffisait de ne pas l'encourager !

 Sa muflerie me laissa bouche bée. Je me sentais doublement insultée.

– L'encourager ? Pauvre crétin ! Tu sais pertinemment que je n'ai rien fait de la sorte !

 – Ta propre fille t'a aperçue, entrant dans l'écurie seule avec lui ! Tu n'as donc aucune dignité ? Avec tout ce que j'ai déjà sur les bras, il faut en plus que j'aille chercher ce goujat pour le confondre ? 

 J'eus un petit scrupule en pensant à Brianna, mais un plus gros en imaginant Jamie en train de provoquer Wylie en duel. Il ne portait pas son épée, mais il l'avait mise dans ses bagages. Je chassai énergiquement ces deux pensées de ma tête. 

 – Ma fille n'est ni une sotte ni une commère mal intentionnée, dis-je en me drapant dans une immense dignité. Si elle me voit admirer un cheval, elle pensera que je suis en train d'admirer un cheval, rien de plus. Pourquoi croirait-elle autre chose ?

 Il expira bruyamment entre ses lèvres pincées, me jetant un regard assassin. 

 – En effet, pourquoi ? Peut-être parce que tout le monde t'a vue flirter avec lui de manière éhontée sur la pelouse. Parce que tout le monde a remarqué qu'il te suivait partout, comme un chien derrière une chienne en chaleur ? 

 Il dut voir mon expression se transformer dangereusement, car il toussota dans le creux de sa main, le débit de ses remontrances se précipita :

 – Plusieurs personnes ont jugé bon de m'en informer. Tu crois que ça me fait plaisir d'être la risée de tous, Sassenach ? 

 – Espèce de... de...

 La fureur m'étouffa. J'avais une envie folle de le frapper, mais j'apercevais déjà quelques têtes tournées vers nous avec grand intérêt.

 – « Une chienne en chaleur » ? sifflai-je entre mes dents. Comment oses-tu, sale... sale... con ! Il eut la décence de paraître un peu décontenancé, tout en continuant de fulminer :

 – Bon, d'accord... Ce n'était peut-être pas le terme le plus approprié, mais tu ne peux nier l'avoir suivi de ton plein gré, Sassenach ! Comme si je n'avais pas assez de soucis ! Il faut que ma propre femme... Si tu étais allée trouver ma tante ainsi que je te l'avais demandé, rien de tout cela ne serait arrivé. Te rends-tu seulement compte de ce que tu as fait ? 

 J'avais changé d'avis. Finalement, un duel était peut-être une bonne idée. Avec un peu de chance, Jamie et Philip Wylie s'entretueraient rapidement, publiquement, dans un bain de sang. Après tout, je me fichais pas mal de savoir qui nous observait. Je plongeai vers lui, tentant très sérieusement de le castrer, mais il agrippa mes poignets juste à temps.

 – Bon Dieu, Sassenach ! On nous regarde !

 Je tentai de libérer mes mains, haletant :

– Je... m'en... contrefous... ! S'ils veulent du spectacle, je vais leur en offrir !

Bien que je n'aie pas quitté son visage des yeux, j'étais consciente de la formation d'un petit attroupement sur la pelouse. Lui aussi. Il rapprocha ses sourcils un instant, puis, soudain, il prit sa décision :

 – Soit ! Qu'ils regardent !

 Il m'attrapa par la taille, m'écrasa contre lui et m'embrassa à pleine bouche. Incapable de lui échapper, je cessai de me débattre, me raidissant de fureur. J'entendais des rires et des cris d'encouragement au loin. Ninian Hamilton lança une boutade en gaélique, plaisanterie que j'eus la chance de ne pas comprendre. Il détacha enfin ses lèvres, me serrant toujours fort contre lui, puis baissa très lentement la tête, pressant sa tempe contre la mienne. Sa joue était fraîche et ferme. Son corps était ferme, lui aussi, mais loin d'être frais. Sa chaleur traversait au moins six couches de vêtements avant de brûler ma peau : chemise, gilet, veste, robe, corset et chemise. Que ce soit à cause de la colère, de l'excitation ou des deux, il était chargé à bloc et en feu. Enfin, il déclara dans un souffle qui chatouilla mon oreille :

 – Pardon. Je n'aurais pas dû t'insulter. Sincèrement. Une fois que je l'aurais tué, désires-tu que je me trucide aussi ? 

 Je me détendis un peu. Mon bassin était toujours fermement pressé contre lui et, à travers les couches de tissu, l'effet produit était rassurant.

 – Ça peut sans doute attendre un peu, déclarai-je.

Toutes ces émotions m'avaient étourdie et j'inspirai profondément pour me ressaisir.

 

Chapitre 46 p592 

 Ce dont il avait vraiment envie, c'était de sa femme. Il était encore tôt, mais le soir tombait déjà et une atmosphère d'insouciance festive régnait dans la maison et sur la terrasse. Il faisait frais et, le bon vin aidant, il se souvenait de Claire, du contact de sa peau chaude sous sa jupe, plus tôt dans le bosquet, douce et succulente comme une pêche fendue en deux dans le creux de sa main, mûrie au soleil et bien juteuse. Il la désirait ardemment. Elle était là-bas. À l'autre bout de la terrasse, la lueur des torches faisait briller ses cheveux relevés au-dessus de ce ridicule carré de dentelle. Son désir le tenaillait. Dès qu'il l'aurait coincée seule, il lui ôterait ses épingles une à une et remonterait sa chevelure sur le sommet de sa tête pour le simple plaisir de la voir retomber librement dans son dos. Un verre à la main, elle riait des paroles de Lloyd Stanhope. Le vin avait à peine rougi son teint. À cette vision, un agréable frisson d'anticipation parcourut Jamie. Faire l'amour avec elle était tantôt tendre, tantôt une épreuve de force, mais la prendre quand elle était un peu grise était toujours un délice particulier. Ivre, elle faisait moins attention à lui qu'à l'accoutumée. S'abandonnant entièrement à son propre plaisir, elle lui ratissait le dos de ses ongles, le mordait, le suppliait de continuer. Il aimait cette sensation de pouvoir. Il ne dépendait que de lui de la rejoindre dans le même élan de pulsion bestiale ou de se retenir, le plus longtemps possible, afin de la soumettre à tous ses caprices. 

 (…) Le délicieux paradoxe de la faire boire était de la voir cesser de se protéger, s'ouvrant complètement à lui, le considérant comme l'agent unique de ses sensations. Il pouvait la titiller et la caresser, ou la pétrir comme de la pâte à pain, la conduisant progressivement vers un état d'inertie, haletante et écartelée sous lui, entièrement à sa merci. 

 

(p597)  

Ayant quitté Stanhope et ses acolytes, Claire se tenait près du buffet et examinait les mets exposés en fronçant les sourcils, indécise devant tant de choix. Il vit Gérald Forbes la contempler d'un œil spéculatif et s'avança, comme par réflexe, pour s'interposer entre sa femme et lui. En imaginant les yeux de l'avocat dans son dos, il sourit en pensée. « Bas les pattes, paltoquet ! » ricana-t-il intérieurement. 

 – Tu n'arrives pas à te décider, Sassenach ? 

 

(p600) 

Jamie était effectivement un excellent joueur. C'était aussi un tricheur aguerri. Toutefois, il était difficile, voire impossible, de tricher au whist, et Phillip Wylie avait la réputation d'être excellent joueur lui aussi, tout comme Stanhope. (…) Il fit volte-face, l'air mauvais.

– Tu crois que je vais laisser ce petit gandin piétiner mon honneur et m'insulter en public ?

 – Je suis sûre qu'il n'a pas voulu...

 Je ne poursuivis pas. Il était clair que Wylie n'avait pas cherché à l'insulter directement, mais il lui avait néanmoins lancé un défi, ce qui, pour un Écossais, revenait au même.

– Mais tu n'as pas besoin de répondre !

 J'aurais eu plus de chance en discutant avec le mur en brique du jardin potager.

 – Oh que si ! dit-il en se raidissant. J'ai ma fierté. Exaspérée, je me passai une main sur le visage.

 – Oui, et Phillip Wylie en est pleinement conscient ! On ne t'a jamais dit que l'orgueil mal placé était un signe de déchéance ?

 – Je n'ai aucune intention de déchoir, m'assura-t-il avec dignité. Donne-moi ta bague en or.

J'en restai abasourdie.

 – Pardon ?

 Mes doigts se refermèrent inconsciemment sur mon annulaire droit et sur l'alliance lisse de Franck. Il me dévisageait avec attention. (…)

 – J'ai besoin d'une mise, dit-il calmement.

– Tu peux toujours courir ! (…)

 – Je ne la perdrai pas, annonça Jamie derrière moi. (…) Ou... si je la perds, je la récupérerai, d'une manière ou d'une autre. Je sais à quel point tu y tiens. (…)

 Mon cœur battait à tout rompre. Mon visage était moite et brûlant, comme si j'étais sur le point de tourner de l'œil. Il ne dit plus rien, ne bougea pas d'un pouce. Il se contenta d'attendre.

– Celle en or ? demandai-je enfin. Pas celle en argent ?

Non, pas "sa" bague, pas "son" symbole de propriété. 

 – Celle en or a plus de valeur...

Après une brève hésitation, il ajouta :

 – Sur le plan financier. 

– Je sais. (…) Je voulais dire : pourquoi ne pas prendre les deux ?

 Mes doigts étaient glacés et trempés de sueur. L'alliance en or glissa facilement. Celle en argent était plus serrée, mais je parvins à lui faire franchir l'articulation. Je pris sa main et y laissai tomber les deux anneaux.

 

Chapitre 48 Nuit chez Jocasta 

 – Viens ici, m'interrompit-il. Il parlait à voix basse, sur un ton rauque chargé de sommeil et de whisky.

 Il ne me laissa pas le temps de répondre ni même d'acquiescer. Il me prit par le bras et m'attira à lui, me soulevant de la dernière marche, m'écrasant contre lui et m'embrassant goulûment. Ce baiser était déconcertant, comme si, connaissant trop bien ma bouche, Jamie était déterminé à me donner du plaisir de force, indépendamment de mes désirs. (…) Sa bouche avait un tel goût de whisky que ma tête tourna légèrement, comme si l'alcool dans son sang se diffusait directement dans le mien par tous les pores de notre peau. Mais il me transmettait bien plus...

 En moi suintait un désir incontrôlable, aussi aveugle que dangereux. Je voulus le repousser, avant de me rendre compte que je n'en avais pas vraiment envie. De toute manière, cela n'aurait rien changé. Il n'avait aucune intention d'arrêter.

 (…)

 Les écuries.

Il poussa la porte du pied et m'entraîna avec lui dans les ténèbres chaudes, me plaquant contre un mur. 

– Si je ne te prends pas tout de suite, j'en mourrai ! haleta-t-il. 

 Sa bouche s'écrasa de nouveau contre la mienne, son visage rafraîchi par l'air froid du petit matin, son souffle se condensant dans le mien. Il s'écarta brusquement et je chancelai (…).

 – Donne-moi tes mains, dit-il. (…) Tes mains. Donne-les-moi. 

 Perplexe, je les tendis, et il prit la gauche. Dans la faible lueur qui filtrait par l'entrebâillement de la porte, je vis luire mon alliance en or. Puis, il s'empara de ma main droite et glissa à mon doigt l'anneau en argent encore imprégné de la chaleur de son corps. Il porta ma main à ses lèvres et la mordit.

 (…)

 Il retroussa ma chemise au-dessus de mes hanches, et mes fesses nues battirent en rythme contre la pierre brute. Je ne ressentais pourtant aucune douleur. Je m'agrippai à ses épaules et tins bon. Sa main se glissa entre nous, ses doigts écartant fébrilement les derniers morceaux de tissu qui nous séparaient. Puis j'écrasai mon bassin contre lui, l'invitant. Son souffle chaud caressa mon oreille.

 – Baisse les yeux, murmura-t-il. Regarde ! Je veux que tu me voies te prendre. Regarde, bon sang ! 

 Sa main pressa ma nuque, me forçant à courber la tête pour apercevoir, dans la pénombre, la réalité crue de ma pénétration. Je cambrai les reins et me laissai posséder, mordant la couture de sa veste pour m'empêcher de crier. Sa bouche se referma sur mon cou et s'y accrocha, tandis qu'il se vidait convulsivement en moi. Nous étions enlacés dans la paille, observant la lueur du jour se glisser dans l'écurie et avancer sur les tomettes. Les battements de mon cœur résonnaient toujours aussi fort dans mes oreilles, le sang picotant mes tempes, mes cuisses et mes doigts. Pourtant, je me sentais irréelle, détachée de mon propre corps, comme si ces sensations appartenaient à une autre, et légèrement choquée.

(…)

 Jamie se retourna.

– Ça va, Sassenach ? 

 – Oui, oui. Tout va bien. J'ai juste... Tout va bien. Et toi ? (…)

 Il soutint mon regard un instant, puis il se détourna et déglutit. (…) Se levant, il vint se placer devant moi. (…)

 – Tu ne me détestes pas ? demanda-t-il.

Prise de court, je me mis à rire. 

– Non, répondis-je. Je devrais ? (…)

 – Euh... Peut-être. En tout cas, je suis heureux qu'il n'en soit rien. 

 Il prit mes mains avec douceur, son pouce caressant les entrelacs ciselés sur mon anneau d'argent. (…)

– Pourquoi veux-tu que je te déteste ? À cause des alliances ? (…)

 – Oui, d'abord pour cette raison, répondit-il. Ça faisait longtemps que je ne m'étais pas laissé dominer par mon orgueil, mais je n'ai pas pu m'en empêcher, avec ce Wylie qui te tournait autour, les yeux constamment fixés sur tes seins… 

 – Vraiment ?

 – Vraiment.

 Cette seule évocation ralluma un instant un feu assassin dans son regard, puis il chassa Wylie d'un geste dédaigneux de la main et reprit le catalogue de ses péchés : 

 – Et puis pour t'avoir traînée hors de la maison en chemise et t'avoir assaillie comme une bête en rut... 

 Il effleura la marque rouge de ses dents dans mon cou. Je sentais encore sa morsure.

 – Ah ! Euh... À vrai dire, ça ne m'a pas franchement déplu. (…)

– C'est vrai ? 

– Oui, sauf que je dois avoir les fesses toutes bleues.

 – Oh !

 – J'en suis désolé. À la fin de la partie de whist, je n'avais qu'une idée en tête, te trouver, Sassenach. J'ai monté et descendu les escaliers une bonne dizaine de fois, allant jusqu'à ta porte puis rebroussant chemin. (…) Sachant que je ne pourrais pas dormir, j'ai décidé d'aller faire un tour dans le parc, mais, sans m'en rendre compte, je me suis de nouveau retrouvé devant ta porte, me demandant comment arriver jusqu'à toi ou de quelle manière te faire sortir. 

Cela expliquait sans doute mes rêves équestres. (…) Comble de l'ironie, où m'avait-il emmenée ? Dans une écurie, bien sûr ! Un vrai roi d'Irlande ! Il serra délicatement ma main.

 

Chapitre 52 p644 Escapade nocturne jusqu’au cadavre de Betty 

 Jamie lui-même était loin d'être à l'aise, même s'il s'efforçait de paraître détendu. La mort lui était familière et ne lui faisait pas peur outre mesure. Toutefois, catholique et celte, il croyait fermement en un autre monde invisible s'étendant au-delà de la dissolution des corps. Il acceptait implicitement l'existence des tannasgeach – les esprits – et ne tenait pas à en croiser un. Néanmoins, puisque j’étais déterminée, il braverait l'au-delà pour moi. Il serra fort ma main et ne la lâcha plus. Je lui étais très reconnaissante d'être présent à mes côtés. Outre la question discutable de ce que penserait de mes intentions le fantôme de Betty, je savais que l'idée d'une mutilation délibérée le perturbait profondément, même s'il était tout à fait conscient qu'un corps sans vie n'était ni plus ni moins qu'un amas de glaise. 

  

Chapitre 54 p683 Explication musclée avec Wylie  

Jamie le dévisagea longuement.

 – Peut-être, déclara-t-il enfin. Mais, dans ce cas, que veniez-vous faire dans la remise au beau milieu de la nuit, si ce n'était pas pour contempler le visage de votre victime ?

 – Ma victime ! éructa de nouveau Wylie en bondissant sur ses pieds. Ce n'était pas moi dans la remise qui avait les bras enfoncés dans ses tripes jusqu'aux coudes. « Ma » victime ! Figurez-vous, madame, que la profanation d'un cadavre est un acte passible de la peine capitale. J'en ai entendu des choses à votre sujet, madame Fraser ! Oh que oui, et quelles choses ! À mon avis, c'est vous qui avez causé la mort de cette malheureuse, et ce, dans le seul but d'obtenir...

 Il n'acheva pas sa phrase. Jamie attrapa son col et le tordit autour de son cou. Puis il lui envoya un coup de poing dans le ventre. Le jeune homme se plia en deux, toussant et recrachant un mélange de café, de bile et de plusieurs autres substances désagréables sur le sol, sur ses vêtements et sur Jamie. Je soupirai d'un air las. (…) Jamie lâcha Wylie et commença à ôter ses vêtements souillés. Je le fixai d'un regard réprobateur.

 – Ce genre de réaction ne va pas vraiment nous aider, lui dis-je. Même si j'apprécie que tu défendes mon honneur. (…) 

 – Tu crois peut-être que j'allais laisser ce freluquet t'insulter ! 

 – Je doute qu'il recommence, dit Roger. (…) C'est vrai ce qu'il a dit au sujet de la peine de mort ? (…)

 – Je ne sais pas, répondit-il. Mais peu importe, parce qu'il ne dira rien à personne. Dans le cas contraire, je le découperai en morceaux et donnerai ses couilles et sa langue de menteur à manger aux cochons.

 Il posa la main sur le manche de son coutelas, comme pour s'assurer qu'il était bien là, au cas où. Puis, se tournant vers Wylie, il reprit la conversation avec une extrême courtoisie :

 – Mais je suis sûr que vous ne proféreriez jamais d'accusations mensongères à l'encontre de mon épouse, n'est-ce pas, monsieur ? 

Je ne fus pas surprise de voir Wylie, toujours incapable de parler, faire non de la tête. Jamie émit un grognement satisfait et ramassa sa cape par terre. Encore étourdie par cette manifestation d'honneur viril, je m'assis sur le seau. 

 – Bien ! soupirai-je. Maintenant que tout est rentré dans l'ordre, où en étions-nous ?

  

Chapitre 60 p724 

Il hésita un instant, puis déclara prudemment :

 – Je ne te pose jamais la question, parce que, si la réponse est « oui », je ne pourrais pas y faire grand-chose, mais... regrettes-tu souvent l'autre époque ? 

 J'attendis un laps de trois battements de cœur avant de répondre. Je les perçus distinctement, battant avec lenteur dans sa cage thoracique contre mon oreille. Puis je fermai ma main gauche, sentant le métal lisse de mon alliance en or.

 – Non, répondis-je enfin. Mais je m'en souviens.

 

Chapitre 85 p938 

La lumière dansait sur les murs blanchis à la chaux et le lit était rempli d'ombres.

 – Tu es belle, me murmura-t-il.

– Si tu le dis...

 – Tu ne me crois pas ? T'ai-je déjà menti ?

 – Ce n'est pas ça. Je voulais dire que, à partir du moment où tu le dis, ça devient vrai. C'est ton regard qui me rend belle. 

 Il soupira et s'installa plus confortablement. (…)

 – Tu le penses aussi de moi, Sassenach ? demanda-t-il soudain. 

Son ton embarasséme fit tourner la tête vers lui, surprise 

 – Penser quoi ? Que tu es beau ? (…)

– Eh bien... non, mais... Tu es encore capable de me regarder ? (…)

 – Tu es beau à mes yeux, Jamie, dis-je doucement. Si beau que tu me brises le cœur. 

 

(p942) 

Il prit une profonde inspiration, et je sentis sa poitrine se soulever.

 – Elle n'avait pas un cheveu blanc, Sassenach. Pas un seul.

 Ellen Fraser était morte en couches à l'âge de trente-huit ans. La mienne était morte à trente-deux. Je portais en moi toute la richesse de ces longues années qu'elles n'avaient pas vécues. Et plus encore.

 – Voir les années s'inscrire sur ton corps et ton visage me procure une joie immense, Sassenach. Parce qu'elles signifient que tu vis. (…) Mo nighean donn, chuchota-t-il. Mo chridhe. Ma brune, mon cœur. Viens à moi, couvre-moi, abrite-moi, a bhean, guéris-moi. Brûle avec moi comme je brûle pour toi. 

 Je me couchai sur lui, le couvris, ma peau contre ses os, et toujours – toujours ! – ce noyau lumineux et ardent, ce muscle palpitant qui nous unissait. Mes cheveux retombèrent sur nous et, dans cette grotte brûlante et sombre, je chuchotai à mon tour :

 – Jusqu'à ce que nous soyons réduits en cendres. 

 

Chapitre 90 p975 Roger, observateur attentif du couple amoureux 

 À   la recherche de Claire, il était entré dans la laiterie et l'avait trouvée en compagnie de Jamie, tous deux entièrement vêtus, chacun dans son coin. Cependant, l'air était tellement chargé du musc du désir et de la semence mâle que Roger en était devenu cramoisi, tous les poils de son corps hérissés. Sa première réaction avait été de tourner les talons, mais il n'avait aucune excuse. Il avait donc délivré son message à Claire, conscient du regard de Fraser sur lui. Conscient 

également de la communication silencieuse entre eux, un courant invisible dans l'air, comme deux perles sur un fil tendu. Jamie avait attendu qu'il s'en aille pour sortir à son tour. À cet instant, Roger avait perçu du coin de l'œil un léger mouvement, un discret effleurement de sa main sur celle de Claire, geste qui, même avec le recul, lui nouait les entrailles. 

 Il souffla lentement pour soulager la sensation d'oppression sur sa poitrine, puis s'étira sur le sol, laissant le soleil chauffer ses paupières closes. (…) Les pensées de Roger dérivèrent de nouveau sur l'incident gênant de la laiterie. Loin d'être lubrique, ni même curieux, il se surprenait souvent à les épier. Il les voyait depuis la fenêtre de sa cabane, marchant côte à côte le soir, Jamie penchant la tête vers elle, les bras dans le dos. Claire parlait avec les mains, les agitant haut devant elle, comme si elle essayait d'attraper le futur et de lui donner forme, comme si elle voulait déposer ses pensées dans les mains de Jamie, lisses et polies, des morceaux d'air sculpté. Après avoir pris conscience de son geste, Roger s'était mis à les observer délibérément, écartant tout sentiment de honte devant cette intrusion, au demeurant mineure. 

Sa curiosité était motivée par un objectif bien précis. Il devait absolument savoir quelque chose, au point de mettre en sourdine ses bonnes manières. Comment un mariage fonctionnait-il ? Il avait été élevé dans la maison d'un célibataire. Son oncle, le révérend, et la vieille gouvernante de celui-ci lui avaient donné toute l'affection dont il avait eu besoin enfant, mais, parvenu à l'âge adulte, il ignorait tout des caresses et des paroles qui unissaient un couple marié de longue date. Pour le moment, il pouvait se fier à son instinct, mais... Si un amour comme le leur pouvait s'apprendre... 

 

Chapitre 93 p1014 La morsure du serpent et la mort imminente 

– Sassenach.

 – Quoi ?

 – Je voudrais que tu me touches... sans me faire mal. Rien qu'une fois avant que je m'endorme. Ça t'ennuierait ? 

 Je me figeai, déconcertée. Il avait raison. Entre l'urgence de la situation et mon inquiétude, tout ce que je lui avais fait subir depuis ce matin était douloureux, gênant, ou les deux. Marsali, Brianna, Roger, Jemmy... ils l'avaient tous ému par leur gentillesse, lui offrant sympathie et réconfort. Pour ma part, terrifiée par ce qui pouvait arriver, par Ia contrainte d'une possible opération, je n'avais pas pris le temps de lui témoigner ma tendresse. Je détournai le visage, cachant mes larmes. Une fois ressaisie, je m'approchai du lit, me penchai sur lui et l'embrassai, tout doucement. 

 

(p1020) La mort de près 

 Il me jeta un coup d'œil en biais, en souriant timidement. Il avait su aussi ce qui l'attendait plus loin et, dès cet instant, s'était rendu compte que le choix lui appartenait. Avancer ou rebrousser chemin.

– C'est à ce moment que tu m'as demandé de te toucher ?

 – Tu étais la seule chose qui pouvait me faire revenir, dit-il simplement. Tout seul, je n'en avais pas la force. 

 J'avais la gorge nouée. Incapable de parler, je serrai sa main de toutes mes forces.

– Pourquoi ? demandai-je enfin. Pourquoi as-tu... choisi de rester ?

 – Parce que tu as besoin de moi, dit-il dans un souffle. 

 – Pas parce que tu m'aimes ?

 – Sassenach, je t'aime maintenant et je t'aimerai toujours, que je sois mort ou que tu le sois, que nous soyons ensemble ou séparés. Tu le sais. (…) Je sais que c'est vrai pour toi aussi. 

 

Chapitre 94 p1040 Dans la forêt avec Roger, fiévreux et pensant mourir 

 Se réveillant soudain de sa stupeur fébrile, Jamie avait agrippé le bras de Roger avec une force surprenante, les yeux ardents.

 – Si je meurs, elle doit partir. Renvoie-la. Force-la à repartir. Si le petit peut faire la traversée, vous devriez tous rentrer. Mais elle, elle doit absolument retraverser les pierres. 

 – Pourquoi ? avait demandé Roger. La traversée peut être très dangereuse.

– C'est très dangereux ici aussi pour elle, sans moi.

 Son regard s'était brusquement brouillé et ses traits s'étaient affaissés. Épuisé, il était retombé sur sa couche, puis, tout à coup, s'était de nouveau raidi :

 – C'est une Ancienne, avait-il haleté. S'ils l'apprennent, ils la tueront. 

 Puis il avait fermé les yeux et n'avait plus dit un mot jusqu'à ce que les autres les retrouvent au petit matin. À présent, dans la lumière limpide de cette belle journée d'automne, loin du vent gémissant et des flammes dansantes, Roger était raisonnablement sûr que Fraser avait été en proie à un délire, son inquiétude pour sa femme se mêlant aux fantômes distillés par le poison dans son sang. Depuis, cependant, cela n'avait cessé de le turlupiner. « C'est une Ancienne. » Dommage que Fraser ne se soit pas exprimé en gaélique, le sens aurait été plus clair. S'il avait qualifié son épouse de bansidhe, Roger aurait tout de suite compris s'il la considérait comme appartenant au monde des fées ou uniquement comme une sage bien ancrée dans le monde des humains. Il ne pouvait tout de même pas... quoique. À l'époque de Roger, la croyance en « l'Autre Peuple » demeurait encore forte dans les Highlands, même si on l'admettait moins ouvertement. Fraser ne cachait pas qu'il croyait aux fantômes, sans parler des saints et des anges. 

 

(p1065) (juste pour la critique humoristique de Jamie) 

Je le poussai du coude.

– Continue !

 – Mmphm. Il dit s'être rendu à la fosse d'aisances, sans doute pensant y retrouver Cameron, mais il n'y avait personne et ça ne sentait pas la... euh... bref, personne ne l'avait utilisée récemment.

 – Tu n'as pas besoin d'être délicat avec moi, le rassurai-je.

 – Je sais. Mais en dépit de ma longue association avec toi, Sassenach, ma propre sensibilité ne s'est pas encore émoussée. Aïe !

 Il se frotta le bras, là où je l'avais pincé.

 – Ne me fais pas rire avec ta sensibilité. Si tu en avais eu une, tu ne m'aurais pas épousée ! Maintenant, peut-on essayer de savoir où était passé Cameron ?

 

Chapitre 99 p1100 

 Quand j'avais vingt-trois ans, je ne comprenais pas comment la simple vue d'une femme liquéfiait tous mes os tout en me donnant l'impression de pouvoir tordre une barre d'acier entre mes mains. Quand j'en ai eu vingt-cinq, je ne comprenais pas comment je pouvais à la fois chérir une femme et avoir envie de la posséder. 

 – N'importe quelle femme ?

 J'obtins ce que j'avais cherché : un sourire en coin et un regard qui m'allèrent droit au cœur. 

– Une femme, répéta-t-il. 

Il prit la main que j'avais posée sur son genou et la serra fort, de peur que je la lui retire. 

 – Une seule, dit-il encore d'une voix éraillée. (…) Je t'aime, a nighean donn. Je t'ai aimée dès le moment où j'ai posé les yeux sur toi. Je t'aimerai jusqu'à la fin des temps, et tant que tu es à mes côtés, je suis en paix avec le monde. 

 

Chapitre 102 p1121 Piéger Bonnet 

 Jamie avait attendu la dernière minute pour prendre ses dispositions, voulant s'assurer que Bonnet ne pourrait être prévenu avant la rencontre – l'embuscade. Si celle-ci réussissait, il paierait le solde de la somme fixée. Dans le cas contraire, Claire s'en acquitterait. Il eut une vision du visage de Claire, les traits pâles et tirés, hochant brièvement la tête, les lèvres pincées, quand il lui avait expliqué l'accord passé avec Duff. Ses yeux d'ambre s'étaient ensuite posés sur ce dernier avec la férocité d'un épervier prêt à éviscérer un rat. Duff avait eu un mouvement de recul devant la menace implicite. À ce souvenir, Jamie sourit. Si l'amitié et l'argent ne suffisaient pas à clouer le bec du marin, la peur de la Dame blanche s'en chargerait. 

 

Chapitre 107 p1174 Intimité nocturne 

 Je me tenais là depuis un long moment, laissant l'air frais de la nuit caresser mes jambes nues quand je m'aperçus de la présence de Jamie derrière moi. Il n'avait fait aucun bruit, mais sa présence, chaude, comme un épaississement de l'air, était palpable.

– Tout va bien, Sassenach ? demanda-t-il doucement depuis le pas de la porte. 

 – Oui. J'avais juste besoin d'un peu d'air frais. Je ne voulais pas te réveiller. (…)

 – Je me réveille toujours quand tu te réveilles, Sassenach. Je dors mal quand tu n'es pas à côté de moi. (…) Tu as du sel sur le visage et tes cils sont mouillés, Sassenach. Tu as pleuré ? (…)

– Non, c'est la transpiration... j'avais chaud. (…)

 Il s'était agenouillé, un bras autour de ma taille pour me tenir, son nez enfoui entre mes seins. D'ordinaire, je n'utilisais pas de parfum, mais j'avais une huile spéciale, envoyée des Antilles, fabriquée avec des fleurs d'oranger, du jasmin, des gousses de vanille et de la cannelle. Je n'en possédais qu'un petit flacon et ne m'en mettais qu'une goutte de temps en temps, pour des occasions que je présumais spéciales.

 – Tu me voulais, dit-il tristement. Et je me suis endormi sans même te toucher ! Je suis désolé, Sassenach. Tu aurais dû me le dire. 

 – Tu étais fatigué. (…)

 – Tu aurais pu me sortir de ma tombe, Sassenach. Je n'aurais pas dit non. 

 Il se releva, face à moi. Même dans l'obscurité, je constatai que je n'aurais pas besoin d'en arriver à des mesures aussi draconiennes.

 

Chapitre 111 p1217 Déclaration 

 La main de Jamie se resserra sur la mienne, et je levai les yeux vers lui. Il avait le regard fixé quelque part, au-delà de la cour, au-delà des montagnes et de l'orage lointain. La pression s'accentua encore, et je sentis les bords de mon alliance s'enfoncer dans ma chair. Puis, il se tourna vers moi et me dit doucement :

 – Quand le jour viendra où nous devrons nous séparer, si mes dernières paroles ne sont pas « je t'aime » ... ce sera parce que je n'aurai pas eu le temps de les prononcer. 

Le courage, lui, est cité dès le préambule : « L’honneur et le courage sont inscrits dans nos os. »

 

C’est le courage que Jamie reconnaît aux frères Beardsley lorsqu’il décide d’aider Josiah (Chapitre 27, p365)

«  – Pourquoi as-tu aidé Josiah ? demandai-je de but en blanc. (…) 

 – Je lui ai dit que s’il était déterminé à aller chercher son frère, cela le regardait. Mais que s’il décidait de venir s’installer sur Fraser’s Ridge, seul ou avec son jumeau nous devions lui enlever cette marque sur son pouce, car elle ferait jaser. (…) Il n’a pas hésité un instant, malgré ce qu’il avait enduré. Crois-moi, Sassenach, un homme peut commettre un geste désespéré par amour ou par bravoure… mais il doit posséder quelque chose de plus dans ses tripes pour recommencer, quand il sait déjà ce qu’il va ressentir. 

 (…). Il se tenait droit sur sa moulure, les épaules carrées et fières. On ne pouvait deviner les profondes cicatrices qui zébraient son dos sous sa cape en grosse toile, mais je les connaissais par cœur. C’était donc là sa raison. Tel qu’à la surface de l’eau un visage répond au visage, ainsi le cœur de l’homme est le reflet de l’homme. Or, la loi du courage était celle qu’il défendait depuis le plus longtemps. »

 

De manière plus légère, c’est aussi celui des miliciens qui se lèvent comme un seul homme lorsque Josiah croise Claire par erreur une nuit à proximité du camp (Chapitre 26 p350) : « Je vis Murdo près du feu se lever d’un bond, le mousquet dans les mains, et une ombre sombre passa en trombe devant moi. (…) Suivit une brève période chaotique où les hommes jaillirent de leur couche comme des diables à ressort, hurlant des paroles incohérentes et courant dans tous les sens. »

Puis retournent se coucher : « Il faisait froid et il était tard. L’excitation de la capture étant passée, ils commençaient à piquer du nez et à bâiller. (…) Ils retournèrent se coucher sans discuter quand Jamie le leur demanda. »

 Mais réagissent encore lorsque Josiah s’enfuit subitement : « Le garçon avait jailli hors des couvertures et parcouru la moitié de la clairière, avant que j’aie pu nettoyer mes yeux et comprendre ce qui se passait. Jamie bondit derrière lui (…), nous laissant Roger et moi, la bouche grande ouverte. Pour la deuxième fois cette nuit-là, les hommes s’extirpèrent de leurs couches, leur fusil à la main. Je commençai à me dire que le gouverneur pourrait être satisfait de sa milice. Une chose était sûre, elle était prête à entrer en action en un clin d’œil. »

 Même le bouc Hiram se voit adresser ce compliment viril lorsque Claire le trouve blessé et hésite à l’abattre (Chapitre 29 Le bouc, ce héros, p400) : « Ce serait dommage. Une bête si courageuse et galante. (…) Hiram, répéta Jamie. Et bien, Hiram. Courage mon brave*[en français]. Tu as des couilles comme des melons. »

 

Enfin, comme en écho, je ne crois pas que ce soit un hasard que la dernière scène familiale du tome se clôture sur ce thème (Chapitre 109 p 1210). Lorsque l’hérédité est abordée, avec la paternité biologique de Roger en tabou filigrane, il ne s’offusque pas de la maladresse de Jamie qui teste sans réfléchir la capacité de Jemmy à enrouler sa langue. Devant les adultes pétrifiés, Roger enfonce le clou et double à son tour la demande de Jamie à l’adresse de son fils. Jamie s’incline alors humblement devant son courage :

 «  Grand-papa a des roupettes ? 

– Oui, mon garçon, j'en ai. Mais celles de ton père sont plus grosses. Allez, viens. »

 C’est un moment particulièrement intense, parce que cette réponse adressée à Jemmy est en réalité un message bien plus solennel aux adultes présents. Comme un père qui s’efface au bénéfice de son fils, il signifie l’adoption et la reconnaissance définitives de Roger par Jamie. La domination et le doute sont passés, place à la confiance et à l’estime profonde. Roger Mac, fils de sa maison.

 

Claire et Jamie : l’ennemi, l’âge, le temps et les serments renouvelés 

 

Nous voici donc au cinquième tome de la saga, et la suite du parcours de Jamie sous l’angle de sa relation amoureuse à Claire, sur les thèmes de la possession, de l’allégeance, du consentement et de la protection.

 

Nous avons quitté Claire et Jamie à la fin des « Tambours de l’automne » sur la fabuleuse lettre de Frank. Nous les retrouvons au gathering, et Claire constate que Jamie ne cesse de chercher Stephen Bonnet.

 Jamie est un guerrier, et la protection de sa famille est sa priorité. Il ne transigera pas dessus, nous l’avons déjà vu, il y a déjà sacrifié son couple par le passé. Cette fois, pour sa fille, mais aussi pour racheter sa faute de l’avoir libéré, il le pistera sans relâche. De plus, alors que Claire est terrifiée, lui est confiant et sûr de lui. Il ne sous-estime pas Bonnet mais connaît ses propres compétences. Après le psychopathe Jack Randall, voilà le sociopathe dans sa ligne de mire, pour quelques temps encore.

 C’est d’ailleurs pour assurer ce relais protecteur qu’il enseignera le combat à Roger. Et c’est à lui encore qu’il confie la protection de Claire lorsqu’il pense mourir de la morsure de serpent dans la forêt et qu’il lui dit cette phrase intrigante : « Si je meurs, elle doit partir. Renvoie-la. Force-la à repartir. (…) Elle doit absolument retraverser les pierres. (…) C'est très dangereux ici aussi pour elle, sans moi. (…) C'est une Ancienne. S'ils l'apprennent, ils la tueront. » Un petit caillou de plus déposé par Diana ? Jamie ne fait pas simplement allusion au passage des pierres, puisque Roger et Brianna les ont passées aussi. Il évoque autre chose, et j’ai espéré en vain que Roger lui demande des précisions après son rétablissement…

 

A ce temps du récit (1770-1772), Jamie fête ses 50 ans et Claire en assume 55. 

Orphelin de sa mère à 8 ans, Jamie se réjouit de ce temps qui s’écoule : « Voir les années s'inscrire sur ton corps et ton visage me procure une joie immense, Sassenach. Parce qu'elles signifient que tu vis. »

 C’est le deuil de la parentalité, en renonçant à adopter la petite Brown. C’est aussi la ménopause qui s’annonce progressivement, avec les sautes d’humeur inattendues de Claire :

 «  Il m’attira à lui et se pencha pour m’embrasser. Au ton de ma voix, il s’arrêta.

 – Ce n’est pas que je n’apprécie pas ton geste, mais approche encore d’un centimètre et je t’arrache un morceau de lèvre d’un coup de dents.

 Avec l’infinie précaution d’un homme conscient que la pierre qu’il vient de ramasser est, en fait, un nid de guêpes, il se redressa et ôta très lentement ses mains de ma taille. »

 « Après avoir dormi par terre pendant deux semaines, je partagerais volontiers le lit de n’importe qui. (…) Non, repris-je, c’est juste… la fatigue. »

 « Je ne suis pas comme un robinet qu’on ouvre et qu’on ferme, dis-je un peu piquée. »

 « Si, par ta faute, je tombe enceinte, Jamie Fraser, je jure de te faire bouffer tes propres couilles en brochette. »

 

Le consentement s’exprime justement sur ce sujet plus sensible de leur intimité. Ce temps féminin a l’effet de troubler Jamie au point de donner lieu à une scène déroutante où il exprime avec une timidité désarmante ses inquiétudes conjugales (Chapitre 12) :

 «  Ce n’est pas comme si tu avais refusé de partager mon lit. J’espère, du moins, que nous n’en sommes pas là. (…) Je me demandais… Sassenach. (…) En parlant de la Bible, tu sais… (…) … oui, c’est juste que je me disais… quand les anges du Seigneur viennent trouver Abraham pour lui annoncer que sa femme Sarah aura un enfant l’année suivante, celle-ci éclate de rire et répond que c’est une plaisanterie, car elle a cessé « d’avoir ce qu’ont les femmes ». (…) Il baissa les yeux vers la grande feuille d’érable qu’il était occupé à triturer entre le pouce et l’index, mais le coin de ses lèvres frémit. (…) – Quoiqu’il en soit, elle a quand même eu l’enfant, non ? (…) Il s’éclaircit la gorge je remarquai qu’il avait rosi. (…) – Ce que je veux dire, c’est que, pour autant que je sache, à moins de s’appeler Marie et d’être visitée par le Saint-Esprit, il n’y a qu’un moyen de tomber enceinte, pas vrai ? (…) Dans ce cas, cela signifie que Sarah et Abraham couchaient encore ensemble malgré leur âge, pas vrai ? Il ne me regardait toujours pas (…) mais ses oreilles étaient cramoisies. (…) – Tu m’as rabroué tout à l’heure (…) Je me demandais simplement si… (…) Il poussa un bref soupir, l’air soudain soulagé. – Parfait, dit-il. C’est juste que… je me posais des questions, c’est tout. »

 

Les doutes s’estompent rapidement et l’épisode du mariage de Jocasta, entre l’entreprenant Wylie et leur fougue nocturne aux écuries, illustre de manière réjouissante la vivacité de leur entente. Si leur attrait mutuel ne faiblit pas, il continue de s’approfondir de différentes manières.

 

Il y a bien sûr la jalousie, constamment colorée d’humour, comme lors de la scène théâtrale devant les écuries, lorsque Jamie découvre la mouche de l’audacieux Wylie au bord des lèvres de Claire qui n’a pas mesuré sa désinvolture. Il y a la tension qui monte encore entre eux lorsque le même Wylie le provoque encore et le pousse à mettre en jeu les alliances de Claire. Mais ces disputes ne les éloignent qu’un très court temps, et stimulent même leurs retrouvailles cavalières, après une longue frustration accumulée dont ils sont l’un et l’autre peu adeptes.

Leur intimité se nourrit aussi des sujets modernes qu’ils partagent, et de la constante ouverture d’esprit de Jamie aux découvertes. Elle témoigne de son dilemme au sujet de la contraception avant de le retrouver, des pilules et de la stérilisation. Il observe ses propres spermatozoïdes au cours d’une scène à la fois hilarante et délicate. Il cherche même à copier ce qu’il croit être une galanterie de Roger en constituant maladroitement un bouquet à sa Sorcha, avant de découvrir la nature toxique de sa cueillette, et la visée contraceptive du geste de son gendre. Il vit chaque déstabilisation avec naturel et authenticité, se livrant vulnérable et sans retenue à celle qui tient son âme entre ses mains. Sa confiance est telle qu’il brave sans hésitation sa peur de l’au-delà et des esprits lorsqu’il l’accompagne pour autopsier Betty.

 

Après leur relation éprouvée en France, leur séparation deux décennies, leurs retrouvailles mouvementées et leur périple vers l’Amérique, Jamie semble profiter pleinement de ce temps presque stable, lui qui n’a toujours aspiré qu’à travailler la terre la journée et se coucher près d’elle le soir, comme il le lui disait déjà peu après leur mariage. Ils savent tous deux que la guerre viendra, plus tard, mais chaque jour ensemble est savouré.

 

Dans cette parenthèse moins trépidante, la possession reste toute aussi puissante chez Jamie, qu’il évoque de manière moins brutale. Elle prend une dimension plus fusionnelle et suscite chez lui une forme d’apaisement. « Il tint Claire blottie contre lui, sa main contre son bas-ventre. (…) Elle commençait à se fondre en lui tout en se détendant. Lui sentait venir cette étrange fusion de leurs chairs. Les premiers temps, cela n’était arrivé que lorsqu’il possédait, et uniquement vers la fin. Puis, de plus en plus tôt, jusqu’à ce que sa main sur lui soit alors une invitation et un achèvement, une inévitable reddition, une offre et une acceptation. Il y avait parfois résisté, uniquement pour s’assurer qu’il le pouvait, craignant soudain de se perdre lui-même. (…) À présent, il savait que c’était bien. La Bible le disait, Vous ne formerez qu’une seule chair et Ce que Dieu a uni, un homme ne peut le défaire. (…) Il n’avait pas peur de mourir avec elle, par le feu ou tout autre moyen, seulement de devoir vivre sans elle. »

 «  Pourtant, ce qu’il ressentait n’était pas tout à fait du désir. Ce n’était pas non plus le besoin d’elle ou l’envie d’obtenir la compagnie de son âme. Il voulait la couvrir de son corps, la posséder, afin de se convaincre qu’elle était en sécurité. S’ils ne formaient plus qu’un seul corps, il aurait l’impression de la protéger, même si tout cela n’était qu’illusion. »

 

Enfin, ce tome donne une large part à l’allégeance et aux serments renouvelés. 

A l’image de la merveilleuse formule finale, « Quand le jour viendra où nous devrons nous séparer, si mes dernières paroles ne sont pas « je t'aime » ... ce sera parce que je n'aurai pas eu le temps de les prononcer », Jamie témoigne encore et encore à Claire de son amour inconditionnel, infaillible et intemporel, pour notre plus grand plaisir de lecteurs.

 

Morceaux choisis :

«  Rien que pour l’amour, je serais prêt à marcher à nouveau dans le feu. »

 «  Tant qu’il y aura encore un souffle dans mes poumons, il ne t’arrivera rien, a nighean donn. Rien. » (hum…)

 «  Sorcha, murmura-t-il de nouveau. (…) Ce mot était la traduction de son nom en gaélique, mais il ne l’utilisait jamais. Il aimait le fait qu’elle soit d’ailleurs, qu’elle soit Anglaise. Elle était sa Claire, sa Sassenach. »

 «  Pour moi, je n’ai pas voulu que tu aies un autre enfant, Sassenach. J’aurais eu trop peur de te perdre. (…) Mais je n’ai qu’une vie, Claire, et c’est toi. »

 «  Mo nighean donn, chuchota-t-il. Mo chridhe. Ma brune, mon cœur. Viens à moi, couvre-moi, abrite-moi, a bhean, guéris-moi. Brûle avec moi comme je brûle pour toi. »

«  Tu étais la seule chose qui pouvait me faire revenir, dit-il simplement. (…) Sassenach, je t'aime maintenant et je t'aimerai toujours, que je sois mort ou que tu le sois, que nous soyons ensemble ou séparés. »

 «  Je t'aime, a nighean donn. Je t'ai aimée dès le moment où j'ai posé les yeux sur toi. Je t'aimerai jusqu'à la fin des temps, et tant que tu es à mes côtés, je suis en paix avec le monde. »

 «  Je me réveille toujours quand tu te réveilles, Sassenach. Je dors mal quand tu n'es pas à côté de moi. (…) Tu me voulais, dit-il tristement. Et je me suis endormi sans même te toucher ! Je suis désolé, Sassenach. Tu aurais dû me le dire. (…) Tu aurais pu me sortir de ma tombe, Sassenach. Je n'aurais pas dit non. »

 

Comme pour les précédents volets, je vous livre les extraits bruts, par chapitre et page, en tentant d’aller à l’essentiel, d’où les coupes mentionnées par un (…), tout en préservant les éléments de contexte qui vous situent l’émotion du moment.

 

Ces valeurs en écho chez Claire aux moments significatifs sont indiquées en italique.

 

Bonne lecture !