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Le corps de Jamie

Par Pas Cale

Cette analyse s’appuie sur la confrontation entre les épisodes de la série et les livres de Diana Gabaldon. Les références aux livres et les citations se basent sur les éditions françaises et ne correspondent de fait pas à la pagination en anglais. 

 

J’ai voulu, pour changer, un billet thématique plutôt que sur un épisode ; quoi de mieux que le corps de Jamie, pour inaugurer ces billets thématiques que je me propose d’écrire ? King of men, héros de la série, amoureux romantique, Jamie c’est une présence époustouflante et un corps autant magnifié que supplicié. Analyse… 

 

LE CORPS MIS EN MORCEAUX : JAMIE SACRIFIE.

 

LE DOS DE JAMIE : UN ELEMENT DU PORTRAIT

Le dos de Jamie est scarifié et les multiples références à ces marques contribuent à dresser le portrait de notre farouche Highlander; il ne connaît pas l’étendue de ses blessures, mais refuse de le montrer (ainsi Jamie refuse qu’Alec voie son dos et ressente de la pitié, alors que la compassion de Claire débouche sur leur immédiate confiance mutuelle) :

«-  Euh… c’est que… je ne voulais pas ôter ma chemise devant Alec. […] 

Je ne sais pas si vous pouvez comprendre… ce qui m’est arrivé fait partie de moi au même titre que mes cheveux roux ou ma façon de marcher. Les gens le savent mais n’y pense pas, cela ne change en rien leur façon de me traiter. 

Il leva les yeux vers moi pour s’assurer que je suivais bien. 

- Mais s’ils voyaient de leurs propres yeux les séquelles de la flagellation ce serait… 

Il hésita. 

- … plus intimidant, peut-être. Je crois que… si Alec voyait les cicatrices, il ne pourrait plus me voir sans penser à mon dos ». (Le Chardon et le Tartan, p.193-194)

 

En effet, dès l’épisode 2, Leoch, Jamie est celui qui a été sauvagement fouetté. Son dos est mutilé depuis les épaules jusqu’au bas des reins. Cette particularité va devenir une forme d’identité pour Jamie qui va se définir dès le début de la saga comme la victime de la sauvagerie de Black Jack Randall, et va établir une forme d’intimité entre Claire et Jamie qui viennent à peine de se rencontrer :

 « En fait, l’autre nuit, je n’avais vu qu’une épaule. En fait les cicatrices couvraient la totalité du dos de la nuque à la taille. La plupart s’étaient estompées pour ne laisser qu’une mince raie blanche. Mais les plus profondes formaient des boursouflures claires en travers des muscles. Je songeai avec regret qu’il avait dû avoir un dos superbe. La peau était douce et lisse, les os et les muscles projetaient des ombres gracieuses. Sous les épaules larges et carrées, les omoplates dessinaient un sillon net et vallonné. » (Le Chardon et le Tartan, p.194-195)

 

Ce qui est frappant, c’est la disproportion de la peine (une double flagellation à une semaine d’écart) par rapport au crime reproché. Le dos de Jamie, c’est à la fois le témoin des relations existant entre Jamie et son bourreau, mais aussi celui de son courage, de son sens de l’honneur, et le symbole de toute une nation opprimée par l’envahisseur anglais.

 

Petite anecdote : il faut près de cinq heures aux maquilleurs pour poser puis déposer la prothèse figurant le dos scarifié de Jamie. Les sessions de tournage sont organisées de manière telle que Sam Heughan tourne les épisodes où l’on voit son dos une fois le maquillage posé, ce qui signifie qu’il a dû porter la prothèse plusieurs jours d’affilée… ce qui limite le temps de maquillage !

Le dos de Jamie, c’est aussi le témoin du conflit qui l’oppose à BJR ; lors de leur première rencontre à Lallybroch, Jamie est attaché au porche et battu à coup de cravache ; puis Randall le fouettera lui-même à Fort Williams où Jamie a été envoyé après son arrestation. C’est même un sujet récurrent de discussion entre les deux hommes. Ainsi, lorsque Jamie vient récupérer Claire enlevée par les Anglais, BJR demande à voir son dos, puis, quand il est sa proie à Wentworth, il parle des cicatrices comme de sa plus belle œuvre d’art.

Mais le dos de Jamie, c’est aussi l’affirmation de sa douleur d’orphelin, cette marque indélébile de la mort de son père, puisque c’est pendant sa deuxième flagellation à laquelle Brian assiste qu’il trouve la mort, terrassé par le spectacle affreux et la crainte d’avoir perdu son fils de façon infâmante, accroché par les poignets à la potence comme un vulgaire voleur.

Le dos de Jamie est aussi un objet utilisé par Dougal, effaçant la personnalité de Jamie pour n’en faire qu’une vitrine servant ses ambitions jacobites lorsque, au moment de la levée des loyers, il exhibe son neveu pour attiser la haine des métayers du clan. Il est l’objet qui sert les ambitions de Dougal, et montre aussi à quel point l’emprise du clan est forte sur lui. Jamie est recherché, et ne doit d’avoir la vie sauve qu’à la clémence de ses oncles qui acceptent de le cacher sur les terres MacKenzie ; il paraît enchaîné à cette famille alors qu’il n’aspire qu’à fonder la sienne et qu’à regagner ses propres terres, à Lallybroch.

Paradoxalement, Jamie, s’il n’a pas honte d’avoir été fouetté et de porter les marques de cette infamie, ne veut pas se réduire à ce dos mutilé ; ainsi, il dit qu’il aurait refusé les soins de Claire en présence du vieil Alec, car il ne veut pas attirer la pitié sur lui, et continuer à être considéré comme un homme.

 

LA PASSION DE JAMIE 

 

L’épisode 16 de la saison 1, To ransom a man’s soul (La rançon d’une âme) est généralement considéré comme l’épisode le plus insupportable de tous, mettant en scène le viol de Jamie par l’ignoble Black Jack Randall. Constituant un diptyque avec l’épisode 15, il met en scène Jamie confronté à des souffrances extrêmes l’amenant aux confins de la folie.

Il est rare que le viol d’un homme soit représenté et montré de façon aussi crue, et l’épisode ne nous épargne aucun détail. La déviance de BJR, sa dureté, sa violence, son absence de compassion sont portées magistralement par Tobias Menzies pendant que Jamie, l’indestructible, le titan, est un jouet entre ses mains.

Visuellement, cet épisode est d’une grande force, faisant appel à notre culture commune et aux représentations que l’on se fait du sacrifice humain, incarné dans la personne du Christ, en faisant clairement appel aux images habituelles de la crucifixion.

 

Du clou de la Passion…. 

Tout commence par la  crucifixion ; enfin, crucifixion, le mot est usurpé… puisqu’il n’est pas question de croix à proprement parler, mais de supplice des clous, ou clous de la Passion.  Jouons un peu ici sur les mots. Passion : étymologiquement, la passion est synonyme de souffrance (physique, et par extension morale) ; c’est la même racine que dans le terme « patient » (celui qui est soigné pour ses souffrances), et le même terme que pour parler d’un amour immense… Or que fait Jamie si ce n’est se sacrifier et se résoudre aux pires souffrances par amour, et épargner  Claire ?

Le clou ici a un sens double : il marque Jamie comme étant supplicié, mais aussi et peut-être surtout le clou l’assujettit à la table, le rend prisonnier de BJR, empêchant toute potentielle fuite. Cette main gauche (celle du cœur) est broyée et enchaînée à la table de son bourreau.

On ne peut évidemment pas ici ne pas penser au supplice du Christ sur la croix, par exemple avec ce détail du Retable d’Issenheim peint par Grünewald (vers 1510-1515, musée de Colmar): paume ouverte vers le ciel, transpercée par le clou, doigts écartés, tordus et tendus sur le bois…

Ainsi mutilé, Jamie devient la propriété de son bourreau. La main broyée, mutilée, transpercée, restera un handicap pour le restant de ses jours, et tout le ramènera sans cesse à cette blessure : des coups de marteau, il conservera la raideur des doigts, des difficultés à tenir son épée, à écrire, qui le conduiront finalement à l’amputation.

 

… A la piétà 

Pietà, El Greco  

 

(1571-1576, musée de Philadelphie) 

Autre référence christique, la scène de Pietà (ou déploration) ; visuellement, la nudité de Jamie, qui s’oppose au vêtement de BJR (noter ici la couleur, la Vierge portant une robe rouge dans les Pietà comme celle du Greco ci-dessous), l’auréole des cheveux épars autour du visage aux yeux clos, la position alanguie contre la raideur, la souffrance du supplicié, la main mutilée… tout nous renvoie à cette image de mort. Le corps est blanc, le visage livide ; l’accent est mis sur le torse nu. 

 

Cette référence ne fait qu’accentuer  l’idée que Jamie est l’agneau supplicié, qui a choisi de se sacrifier par amour pour l’Humanité, réduite ici à la seule personne de Claire.

Sauf que… Jamie n’est pas mort, BJR ne le pleure pas, l’amour n’est pas maternel mais perversion. La pureté de Jamie contraste fortement avec l’horreur que nous inspire BJR sur le plan émotionnel et pas seulement visuel. Cette image est donc d’autant plus insupportable pour les spectateurs car elle ne contient que violence et perversion.

 

… En passant par la blessure au flanc. 

Evidemment, il ne s’agit pas ici de transfixion au sens biblique du terme, pas plus que le clou planté dans la main pourrait être directement l’une des cinq plaies infligées à Jésus lors de la crucifixion. Néanmoins, un rapprochement s’impose ici, au vu des images et de la portée symbolique, avec le sacrifice christique.

Tout d’abord, il ne s’agit pas d’une transfixion au sens strict puisque Jamie n’a pas les chairs transpercées ; il est plutôt marqué au fer, comme un esclave, ce qui ferait de lui la propriété de BJR. D’autre part, il s’inflige cette blessure lui-même, certes sous la pression de Randall, mais il en est l’auteur. Enfin, c’est sur le flanc gauche qu’il se marque, et non à droite comme la blessure de Jésus. Une marque sous le cœur… je vous laisse apprécier la symbolique…

Ces références à Jésus ne doivent pas pour autant nous inciter à voir Jamie comme un prophète, même s’il deviendra le porte-parole des opprimés écossais à de nombreuses reprises : chef de son clan, leader de la bataille de Culloden, porte-parole des prisonniers à Ardsmuir, imprimeur rebelle et traître à la couronne à Edimbourg et réclamant justice pour l’Ecosse, propriétaire terrien en Caroline, puis de nouveau chef de guerre pendant la révolution américaine…

 

JAMIE, A LA FRONTIERE ENTRE DOULEUR ET PLAISIR 

AVERTISSEMENT : Je sais que je m’aventure là, en évoquant ici l’épisode du viol, sur un chemin glissant et dangereux. Que ceux qui ne sont pas prêts passent leur chemin… Cette partie ne contient que des remarques et des hypothèses formulées à partir de ma lecture des livres et de mon visionnage de la série. Ce ne sont aucunement des réflexions reflétant ma pensée sur un sujet que tout le monde abhorre et condamne. 

 

LA DOULEUR ET LA JOUISSANCE  

On sait depuis l’épisode 9, The reckoning (Une bonne correction) que Jamie (comme Claire, d’ailleurs) prennent du plaisir dans la douleur. L’expérimentation de l’abolition de la frontière entre souffrance et plaisir intervient tôt dans la relation entre nos deux amoureux, et la sexualité de Jamie se construit dans ce rapport complexe à la douleur. Leur réconciliation avec l’épisode de la fessée est très éloquente sur le sujet :

« Il écarta mes cuisses de son genou et se glissa en moi d’un seul coup de reins. Il émit un son qui était presque un râle et m’agrippa encore un peu plus fort. 

- Tu es à moi, mo duinne, dit-il doucement. A moi seul, aujourd’hui et pour toujours. A moi et tu n’y peux plus rien. 

Je tentai de m’écarter pour reprendre mon souffle, mais il pénétra encore plus profondément en moi. 

- Je veux te posséder, Sassenach, murmura-t-il, corps et âme. 

Il me martelait les reins  en un va-et-vient inexorable dont chaque assaut me déchirait les entrailles. 

- tu m’appelleras « maître », Sassenach. 

Sa voix douce était chargée d’une menace de vengeance pour ce que je venais de lui faire subir. […] 

- Non ! haletai-je. Arrête ! Je t’en prie, tu me fais mal ! […] 

Il m’emportait au-delà de la douleur, dans un univers de pures sensations. 

- Oui ! m’écriai-je. O mon Dieu Jamie, oui ! 

Il m’agrippa les cheveux et me força à le regarder, triomphal. 

- Oui, Sassenach, grogna-t-il, répondant à mes mouvements plutôt qu’à mes paroles. Vois comme je te chevauche ! 

Ses mains tombèrent sur mes seins et les pétrirent sans douceur. Tout son poids reposait sur mes hanches tandis qu’il cambrait les reins pour me pénétrer plus encore. Je poussai un cri qu’il étouffa en écrasant ses lèvres sur les miennes. Ce n’était pas un baiser mais une autre forme d’assaut, me forçant à ouvrir la bouche, tordant mes lèvres, raclant ma peau avec les poils drus de sa barbe il rua plus fort et plus vite, comme s’il voulait pénétrer mon âme aussi bien que mon corps. Corps et âme. Il atteignit son but et une passion furieuse surgit des cendres de la reddition. Je me hissai soudain et mordis ses lèvres, goûtant son sang. 

Je sentis ses dents dans mon cou et enfonçai mes ongles dans son dos. Je le lacérai de la nuque aux fesses, l’éperonnant pour qu’il hurle à son tour. Nous nous déchirâmes, pris d’un désir désespéré, nous griffant, nous mordant, chacun tentant d’attirer l’autre en soi, consumés par le désir de ne faire plus qu’un. » (Le Chardon et le tartan, p. 484-485)

 

Et lors de leurs retrouvailles dans l’épisode A. Malcolm (saison 3), après 20 ans de séparation, Claire lui demandera de ne pas être doux avec elle : « Do it now, et don’t be gentle », dans un besoin de sentir son corps vivre intensément. Ce qui ne veut pas dire pour autant que l’acte sexuel entre Claire et Jamie est forcément sadique… : « De fait, il fut on ne peut plus doux, me dorlotant comme un œuf de caille […]. Il savait se montrer doux […]. Il jouit dans les bras, se retenant pour ne pas me faire mal. » 

(Le Chardon et le Tartan, p.387)

 

Chez Claire et Jamie, la violence est une donnée dans le recherche de l’extase, mais elle n’en est pas le moteur ni la finalité. Elle permet l’exultation du corps et la jubilation de l’esprit dans des circonstances données, mais reste loin d’être systématique.

 

LE VIOL        

 

Cet épisode 16, To ransom a man’s soul (La rançon d'une âme), est, pour beaucoup de spectateurs, difficile, voire impossible à regarder, et, une fois n’est pas coutume, la série va plus loin que l’auteur dans son livre. D’ailleurs, il a été éprouvant pour les acteurs, Sam Heughan en premier, bien plus que pour Tobias Menzies qui serait à l’origine, d’après les médias, de côté extrême de ces scènes. Le viol de Jamie par BJR est montré sans complaisance ni retenue, de façon visuelle en faisant référence largement aux images chrétiennes de la Passion comme nous l’avons dit plus haut.

Néanmoins, ces épisodes 15 et 16 de la saison 1 sont plus complexes, montrant tout à la fois la personnalité perverse de BJR que celle, complexe, de Jamie. Je ne m’attarderai pas ici sur BJR, puisque ce n’est pas mon propos, mais sur Jamie, et le rapport complexe qu’il entretient avec la douleur et le plaisir, la dissociation entre le corps et l’esprit.

Mais revenons-en à l’épisode du viol.

 

Lorsque Jamie évoque, à Lallybroch (épisode 9, saison 1), la façon dont il a été fouetté et pourquoi la deuxième fois, il semble admettre l’idée de la sodomie sur le plan physique, disant qu’il s’en serait remis, mais que son honneur s’y refusait.

Je ne reviendrai pas sur les sévices subis, mais j’ai été interpelée par le fait que Jamie a ressenti du plaisir non pas dans le viol lui-même mais dans la sodomie infligée par BJR. Grand pervers manipulateur, BJR conduit Jamie à l’abolition de la frontière entre la douleur et la jouissance, se substituant dans l’esprit de Jamie à Claire. Or nous avons vu que pour notre couple de héros, la frontière est ténue entre ces deux sensations.

Si Jamie finit par supporter ce que BJR lui fait subir, c’est qu’il parvient à scinder en deux univers imperméables ce que son corps ressent et ce que son esprit refuse.

Jamie sera d’ailleurs plus traumatisé par le fait d’avoir pu prendre du plaisir avec BJR que par le fait d’avoir été violé par lui. Le corps, ce n’est qu’un détail, l’honneur est bien plus grand et bien plus important. Or, en éprouvant du plaisir, Jamie a le sentiment d’avoir trahi Claire :

 

« - La… la première fois, il a été très doux. Il m’a enduit d’huile, la faisant pénétrer lentement dans ma peau, me massant tout le corps… me massant doucement. Je ne pouvais pas m’empêcher d’être excité. Je ne voulais pas penser à toi, Claire. C’était… un blasphème. […] 

Il me faisait souffrir, puis s’arrêtait jusqu’à ce que je sois de nouveau excité… puis tout d’un coup, il m’infligeait une douleur atroce et me pénétrait brutalement. Et pendant tout ce temps, il me parlait de toi, pour que je te garde constamment présente à l’esprit. J’ai lutté, mentalement, pour m’éloigner de lui, pour séparer mon esprit de mon corps, mais chaque fois la douleur me rattrapait, encore et encore, écrasant tous les obstacles mentaux que je dressais sur son chemin. Mon Dieu, j’ai essayé si fort, Claire, mais… […] C’est que tout est lié désormais dans ma tête. Claire, je ne peux plus penser à toi, ni même t’embrasser ou te toucher la main, sans être envahi de nouveau par la peur, la douleur ou la nausée. Je reste là à penser que je vais mourir sans tes caresses, mais dès que tu me touches, j’ai envie de vomir de honte et de dégoût de moi-même.[…] 

- Je t’aimerai toute ma vie, reprit-il enfin. Mais je ne peux plus être ton mari et je ne saurais être autre chose pour toi. Je te désire tellement que j’en tremble mais… mon Dieu, aidez-moi… j’ai peur de te toucher ! 

Je voulais aller vers lui, mais il m’arrêta d’un geste. Son menton tremblait et il faisait un effort surhumain pour se contenir.» 

(Le Chardon et le Tartan, p.812-813)

Je vous invite à lire l’interview de Sam Heughan en lien : Interview 

 

Le salut de l’âme de Jamie ne viendra que dans la prise de conscience que l’amour avec Claire, même s’il peut se faire sans douceur, est un acte d’amour, pendant que le supplice infligé par BJR n’est pas de l’amour, mais de la perversion. Ce n’est donc pas dans la même approche que la violence se fait jour dans la relation entre BJR et Jamie : elle est une recherche de la domination du corps et d’avilissement de l’esprit. C’est un acte égoïste et destructeur, pendant que dans le couple Claire et Jamie elle contribue à cimenter l’intimité.

 

CORPS HEROÏSÉ, CORPS EROTISÉ 

 

Jamie, c’est l’amoureux débutant. Il fait auprès de Claire ses premières expériences sexuelles, et il faut reconnaître qu’il est loin d’être ridicule malgré ses maladresses qui nous le rendent plus attachant encore. Mais surtout, il est à de nombreuses reprises mis en avant pour le caractère exceptionnel de son physique. Il est roux, comme pas mal de membres de sa famille, grand, très grand, musclé. S’il a le nez un peu long, il a des yeux extraordinaires et une prestance hors du commun ; je ne ferai pas l’inventaire des admirations de Caire sur le corps de Jamie, mais me contenterai ici de vous faire découvrir le portrait dressé par Diana au moment du mariage :

« Soudain, la porte de l’auberge s’ouvrit et le soleil entra dans la pièce en la personne de Jamie. Si je faisais une belle mariée, mon futur époux était, lui, carrément resplendissant. J’en eus le souffle coupé. 

Un Highlander en tenue d’apparat est déjà un beau spectacle en soi, même s’il s’agit d’un vieux pépé ratatiné et boiteux. Un jeune et grand Highlander se tenant bien droit et vu de près était une vision renversante. 

Son épaisse tignasse dorée était brossée et tombait en boucles sur le col de sa chemise en batiste. Il portait un plastron, des manches bouffantes, de longs poignets retournés et un jabot en dentelle, rehaussé d’une épingle en rubis. 

Son tartan cramoisi et noir éclatait de couleur au côté de ceux, vert et blanc des MacKenzie. Le tissu flamboyant, fixé à l’épaule par une broche ronde en argent, formait un gracieux drapé retenu par une ceinture aux incrustations d’argent, avant de retomber jusqu’à ses bottes noires à la boucle d’argent. Une épée, une dague et un sporran en blaireau complétaient l’attirail. 

Avec sa grande taille, ses épaules carrées et son beau visage lisse, il n’avait plus grand-chose à voir avec le cavalier crotté auquel je m’étais habituée et il en était pleinement conscient. »

(Le Chardon et le Tartan, p.316)

 

Arrêtons-nous un instant sur cette description. Si Jamie était un « dos » dès le début de la saga, il revêt ici un tout autre aspect ; Claire le découvre au sens strict du terme, et est renversée par le physique de l’homme qu’elle découvre devant elle. Il y a d’ailleurs une forme de complaisance dans cette description : aspect général d’abord, habillement, puis physique, et enfin fierté de Jamie à se sentir si beau et si renversant. Il surpasse tous les autres en tout ; il est le soleil… A noter que dans la série, ce sera Claire le soleil de Jamie dans ce passage magnifique du mariage : Jamie dira à Claire qu’en sortant de l’église, il a été ébloui comme si le soleil illuminait tout un jour nuageux laissant percer ses rayons…

Jamie est beau ; dont acte. Mais il n’est pas qu’un bel objet, et jouit de qualités humaines et guerrières propres à le rendre totalement irrésistible. Sa force et sa puissance contribuent donc largement à son érotisation. Héros dans toute splendeur, il est brave et courageux ; il est celui que Claire appelle dès le début « Soldier » (soldat) avant même de connaître son prénom, en héros prêt à défendre les siens, comme lors de l’attaque par les Grant :

« Si le glaive était sombre et sinistre, en revanche l’épée était superbe. Beaucoup moins lourde, elle était tout aussi mortelle. Des arabesques ornaient le métal bleu de la lame. Sa garde finement ciselée était incrustée de pierres rouges et bleues. J’avais vu Jamie s’entraîner au combat, d’abord de la main droite avec l’un des hommes de Dougal, puis de la main gauche avec Dougal lui-même. Il était magnifique à voir, rapide, agile et sûr de lui, avec une grâce que sa grande taille rendait plus impressionnante encore. […]

- Tu as fait du beau travail ce soir, je suis fier de toi. 

Je me tournai  contre lui et l’enlaçai. 

- Mais pas tant que moi. Tu étais magnifique Jamie. Je n’avais jamais rien vu de pareil. 

- Bah, ce n’était qu’une petite attaque surprise, Sassenach. Je connais ça depuis que j’ai quatorze ans. C’était une bagatelle. C’est très différent quand les attaquants en veulent réellement à ta peau. 

- Une bagatelle ! 

Ses bras se refermèrent sur moi et l’une de ses grandes mains descendit dangereusement bas, cherchant à s’immiscer sous mes jupes. De toute évidence, la fièvre du combat était en train de se transformer en un tout autre genre d’excitation. […] 

Il roula sur moi. Son genou remonta entre mes cuisses et entama un va-et-vient insistant. Malgré moi, mes jambes commençaient à s’écarter. Mes vingt-sept ans de bienséance ne faisaient pas le poids face à un instinct millénaire.» 

(Le Chardon et le Tartan, p.383-389) 

  

Claire, après quelques réticences et malgré la présence des quelques vingt hommes du camp qui les entourent, le laissera lui faire l’amour.

Héroïque et sublime, donc.

J’ai déjà évoqué le fait que Jamie me faisait penser à un héros antique, dans d’autres circonstances, lorsqu’il est pris au piège dans les filets de la destinée. Il est aussi l’Arès grec, le dieu guerrier indomptable, le fou amoureux d’une Claire-Aphrodite… et dont le destin présente quelques similitudes avec la destinée de Jamie (Arès sur Wikipédia)

 

LE CORPS ET L’HISTOIRE 

 

Le corps de Jamie, c’est son identité et son histoire : « Nous portons chacun les traces de nos propres batailles » (p.386, Tome 3, Le voyage) dit-il à Claire. C’est l’histoire des Highlands (et des origines vikings des Highlanders), ce sont les traces des conflits avec BJR (épaule blessée, dos et main mutilés, poitrine marquée au sceau, cuisse tailladée lors de leur duel ultime), blessure au flanc gauche lors du duel des McDonald, bras transpercé par Laoghaire….

Le corps de Jamie, c’est aussi et surtout sa rencontre avec Claire ; à peine est-elle arrivée en 1743 qu’elle lui remet son épaule déboitée, puis qu’elle panse sa blessure par balle. C’est par le corps que la passion débute :

« Je t’ai désirée dès que j’ai posé les yeux sur toi, mais je t’ai aimée quand tu as pleuré dans mes bras et que tu m’as laissé te consoler, la première nuit à Leoch » (Le Chardon et le Tartan, p.685).

Dans l’épisode 1, c’est donc par ses devoirs d’infirmière qu’elle entre en contact avec Jamie. Ils ne sont pas encore parlé qu’elle se retrouve collée à lui pour remettre en place son épaule luxée ; le torse est nu et la robe est déchirée. Puis le contact physique se prolonge quand ils partagent la selle du cheval de Jamie :

 « Malgré la situation ambiguë, la chaleur du corps du jeune homme me rassura. Il sentait le feu de bois, le sang et la crasse, mais la brise fraîche de la nuit se faufilait sous ma robe légère et je me blottis contre lui » (Le Chardon et le Tartan, p.93).

Le corps de Jamie sèmera désormais le trouble à chaque nouveau contact : le soin après avoir quitté la salle commune le soir où chante Gwyllin, la couverture échangée pendant la collecte quand leurs doigts se frôlent… jusqu’au mariage où le corps sera enfin découvert :

« Je déboutonnai sa chemise, glissant mes mains sous le tissu et sur ses épaules. Je ramenai lentement mes mains vers son torse, caressant les petits poils rêches et la douce protubérance des tétons. Il s’était raidi, respirant à peine. (Le Chardon et le Tartan, p.338).

Enfin, le corps c’est l’amour consommé, consumé même : c’est faire l’amour, encore et encore, chaque étreinte rendant le lien encore plus indéfectible et les sentiments plus profonds…

« Ça commence toujours pareil. Quand je te touche, j’ai l’impression que mon bras entier prend feu. Je ne pense plus qu’à une chose : te serrer contre moi et me consumer » (Le Chardon et le Tartan, p.370)

 

SAM HEUGHAN : LE CORPS MAGNIFIE 

 

Bon. Me voilà arrivée au moment où je vais parler de l’acteur qui incarne le sublime Jamie, Sam Heughan. J’ai été frappée à de nombreuses reprises par la difficulté à distinguer, lorsque l’incarnation est parfaite, l’acteur et le personnage à qui il donne vie, et les fans mélangent joyeusement Jamie et Sam. Ce dernier s’est d’ailleurs défendu de ressembler à Jamie qu’il juge bien plus fort et courageux que lui, et ce à de multiples reprises. Sauf que ses petits camarades de jeu trouvent eux, au contraire, qu’il y a beaucoup de Jamie en Sam Heughan…

Le fait est que pour beaucoup, Sam EST Jamie. Je ne mettrai même pas ici, dans un souci d’impartialité, ce que je peux ressentir à l’égard de Sam Heughan (quoique je l’assume parfaitement… mais ce n’est pas le propos). Il est évident que les membres de la production ne pouvaient faire de meilleur choix. Sam Heughan possède ainsi les qualités esthétiques prêtées à Jamie par Diana : grand, athlétique, beau, il en possède à la fois la douceur et la dureté.

Il est, avec Tobias Menzies (BJR / Frank) le personnage le plus dénudé de la série. Le contraste entre les deux acteurs est saisissant, tout autant qu’est saisissant le contraste entre les personnages qu’ils incarnent. La caméra lui rend amplement justice. Doté d’un physique de Dieu grec, il l’écrase par sa prestance. Frank / BJR est son contraire : imberbe, peu musclé, pâle. Cela justifie la comparaison entre les deux hommes de la vie de Claire, les deux acteurs étant le contraire l’un de l’autre. Tobias campe un Frank inexpressif et un BJR pervers, Sam un Jamie expressif et tendre. Ils ne pouvaient donc qu’être physiquement antinomiques.

La caméra aime Sam Heughan. Les jeux de lumière mettent en évidence sa musculature de Dieu antique (on y revient), la couleur de son teint, et son talent d’acteur contribue, de par l’expressivité de son visage, à rendre Jamie tout à fait renversant. La caméra s’attarde volontiers : lors de la scène du mariage, Claire lui demande de se déshabiller et on peut savourer Sam Heughan avec la lenteur d’une caresse, celle de la main de la non moins plastique Claire (Caitriona Balfe).

Mais on pourrait dire, hors champ d’Outlander, que Sam Heughan aime les caméras autant que les caméras aiment Sam Heughan. Il joue parfaitement de ces alliées, et sur les réseaux sociaux partage avec générosité sa plastique parfaite et ses divers projets, pour le plus grand plaisir de ses nombreux fans (même si le féminin serait sans doute mieux adapté).

Si le corps de Jamie raconte son histoire, que penser alors du corps de Sam Heughan ? Quelle histoire nous raconte-t-il ? Il dit être parfaitement à l’aise avec son corps et avec la nudité. Ce n’est pourtant pas lui qui est totalement nu, mais bien Tobias Menzies en BJR. Comment un acteur peut-il mettre en émoi des femmes de tous âges ? Est-ce seulement Jamie qui nous transporte ou Sam lui-même ? Ou les deux… Je vous laisse choisir votre camp !

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