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.... « De grands projets pavés d’embûches »... « Malgré le coût et l'horreur de la traversée, malgré le déchirement de quitter pour toujours leurs proches et leur terre natale, ils arrivaient par milliers, portant leurs enfants dans leurs bras (ceux qui avaient survécu au voyage), tous leurs biens rassemblés dans des baluchons de guenilles, fuyant la misère et la désolation, cherchant non pas à faire fortune mais simplement à survivre, ne demandant qu'une chose : qu'on leur laisse une chance. »

... Diana Gabaldon (Tome 4 Chapitre 7)


C’est en Caroline du Nord que Jamie Fraser s’installe avec sa famille. Pourquoi ? 

Rien n’est évidemment laissé au hasard dans l’œuvre de Madame Diana Gabaldon.
La migration des Ecossais est très ancienne et s’échelonne jusqu’à nous dans cet Etat. Les Ecossais ont marqué de manière pérenne le Nord de l’Amérique. Ils partaient en groupes, en famille afin de maintenir l’esprit de clan. Les noms de famille des Écossais peuvent être trouvés dans tous les États-Unis. Il y a plus de 100 noms qui commencent par "Mac" ou "Mc"


L’un des gouverneurs royaux exceptionnels de Caroline du Nord fut Gabriel Johnston de 1734 à 1752, un Écossais des Lowlands qui avait des vues libérales. Il afficha ses sympathies vers les colons écossais, qu’ils soient des Lowlands ou des Highlands, Jacobites ou Hanovriens. Il offrit des prix bas pour les terres et persuada la législature d’exempter les Écossais des impôts.
L’émigration écossaise commença à augmenter à un rythme très rapide, grâce aux efforts et aux encouragements du gouverneur. En septembre 1739 environ 350 immigrants écossais en Caroline du Nord débarquèrent dans le port de Brunswick.


Beaucoup de progrès furent réalisés au cours de cette administration. Des lois utiles furent adoptées pour faire fructifier la région. Au cours des dix-huit années de règne du gouverneur, les exportations de la Caroline du Nord prospérèrent (goudron, térébenthine, porcs, maïs, tabac...) grâce à la population qui avait presque triplé en raison de l’immigration des Écossais. En outre, à la fin de son administration, l’Ouest de la province commença à s’ouvrir et laissa augurer une nouvelle ère d’opportunités.
Un grand nombre de ces colons écossais n’arrivèrent par choix. Certains furent déportés en tant que criminels, d'autres en tant que membres de la partie perdante dans des conflits politiques et religieux. Les hommes condamnés à la déportation furent transportés principalement au Massachusetts, au New Jersey, au Maryland, en Virginie et dans les Carolines. Ces déportations commencèrent lorsque les armées écossaises furent vaincues par les forces d'Oliver Cromwellentre 1648 et 1651. Cette migration s’accéléra après le soulèvement jacobite et l'éclatement des structures claniques qui en résultèrent. La défaite des Jacobites entraîna une nouvelle vague après Culloden qui fut particulièrement importante en Caroline du Nord après 1746.


Le gouverneur Gabriel Johnston ouvrit vers l’Ouest, l'intérieur des terres, aux Écossais des Highlands qui avaient purgé leur peine. Il offrit 50 acres par habitant à bas prix, avec une exemption de l'impôt foncier jusqu'à une décennie. La stratégie fut saluée par Londres.
Peu de politiques ont été plus efficaces pour prévenir de futures insurrections jacobites que le retrait et l’installation d'insurgés potentiels à 3 600 miles à l'ouest de l'autre côté de l'Atlantique.
Cette politique sera maintenue par les gouverneurs de Caroline du Nord qui se succèderont jusqu’à l’Indépendance.


Dans les années 1760, l'émigration des Highlanders augmenta encore en raison de la misère dans leur patrie. Un phénomène célèbre de l'histoire écossaise, à la charnière du XVIIIe et du XIXe siècle, sont les Highlands Clearances qui entraînèrent misère, mendicité, famine... et finalement migration. En effet, les terres furent confisquées et les Highlanders en furent chassés au profit des Anglais qui pratiquaient l’élevage du mouton. Ainsi naquit l’industrie lainière britannique.


On estime qu'environ 25 000 personnes arrivèrent entre 1763 et 1775. Quelques-uns se rendirent en Nouvelle-Écosse, mais la grande majorité s'installa dans les 13 colonies, dont la Caroline du Nord.
Ce fut donc des pauvres fermiers, des petits artisans écossais qui colonisèrent cet État.
Par manque de moyen et de main-d’œuvre, les fermiers développèrent une économie de subsistance à base de tabac, de vin et d’huile d’olive, de maïs, de blé, auxquels ils ajouteront l’indigo.
Quelques planteurs Virginiens s’installèrent en Caroline et y introduisirent le riz cultivé par des serviteurs écossais sous contrat. Progressivement, ces travailleurs furent libérés et remplacés par des esclaves africains mais dans des proportions moindres que dans les autres États du Sud. Cependant l’esclavage fut modéré car les moyens financiers manquaient à ces pauvres fermiers écossais.


L’élevage porcin se développa en Caroline du Nord et, au milieu du XVIIIe siècle, des dizaines de milliers de porcs furent acheminés par voie terrestre chaque année vers les marchés du Nord
Les pins étaient abondants et faciles à exploiter. Goudron, colophane, térébenthine et troncs d'arbres qui servaient de mâts étaient des matériaux inestimables pour la construction navale. Le goudron si abondant est à l’origine d’un sobriquet : les Caroliniens du Nord sont connus sous le nom de "talons de goudron".


Très vite, l’arrière-pays montagneux fut colonisé par ceux qui cherchaient plus de liberté de conscience, une ouverture d’esprit autre que celle des Puritains. Ils y trouvèrent un asile favorable loin de la côte et des Anglais.
Bientôt, l’intérieur des terres fut parsemé de petites fermes prospères mais aussi de grandes propriétés terriennes, telle celle de Peter Jefferson, père de Thomas Jefferson, 3ème président des États-Unis.
Mais la plupart était des petits pionniers, installés en bordure des régions habitées par les Indiens, leurs cabanes étaient de vraies petites forteresses.
Ils devinrent par nécessité des gens robustes.
Ces petites communautés aimaient la vie, les fêtes, on dansait , on buvait... on cuisait des porcs entiers... le fameux barbecue était né.


D’autres communautés arriveront.
Il y eut bien sûr des Anglicans venus de Virginie.
Des Quakers, des Baptistes, des Episcopaliens, des Luthériens, ..., des coreligionnaires de la Nouvelle Lumière.
Au moment de la Révolution américaine, beaucoup de colons écossais étaient des Loyalistes. Ils furent nombreux à quitter les États-Unis pour s'installer au Canada ou retourner en Écosse. Ceci s’explique très facilement. En effet, la plupart de ces familles avaient tout perdu après Culloden. Elles ne voulaient plus prendre le risque d’être à nouveau impliquées dans une révolte. L’exil vers le Canada, territoire fidèle au Roi, était une option de sécurité.


Cependant, n’oublions pas qu’en 1776, dix-neuf des cinquante-six délégués à signer la Déclaration d’Indépendance étaient écossais et que de nombreux Ecossais furent Patriotes.
Enfin, beaucoup d'entre-eux revinrent plus tard du Canada en Amérique.

Jamie et la Caroline du Nord 

Par Françoise Rochet 

Illustration Gratianne Garcia