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L’annélation et le buttage


Outlander, tome 5 La Croix de Feu - Ch 95 «Le soleil de minuit» Extrait manquant, traduit par Lucie Bidouille :


« Le lendemain, Roger ferma la porte derrière lui et se tint un moment sous le porche, inspirant l'air frais !
Il récupéra la hachette, passa son sac en bandoulière et descendit la colline jusqu'au bord du champ où le maïs était le plus haut. Cela ne ressemblait pas plus aux champs de maïs britanniques auxquels il avait été habitué, qu'une prairie ressemblait à un pré de fauche. C’était autrefois une parcelle de forêt vierge, et les arbres se dressaient encore, noirs et morts, contre le bleu pâle du ciel. Ils avaient été annelés et laissés à l'abandon, le maïs ayant été semé dans les espaces dégagés entre eux. C'était le moyen le plus rapide de libérer suffisamment de terre pour les cultures. Une fois les arbres morts, les branches dépourvues de feuilles laissaient passer suffisamment de lumière sur le maïs en dessous. Un, deux ou trois ans plus tard, les racines auraient suffisamment pourri pour qu'il soit possible de renverser les troncs, qui seraient progressivement coupés en buches et transportés. Mais pour l'instant, ils restaient là, telle une sinistre horde de sombres épouvantails, étendant leurs bras vides au-dessus des épis de maïs. »


Vous êtes-vous déjà demandé comment Jamie Fraser que l’on voit arriver sur un territoire boisé réussit à transformer son domaine en terres cultivables aussi rapidement ?
Fiction à la télévision ? Fiction dans les livres ?
Non évidement. Diana Gabaldon nous décrit la réalité historique !


La côte Est de l’Amérique était recouverte d’une forêt primitive dense composée d’essences à feuilles caduques difficiles à abattre et, le cas échéant, elles laissaient d’importantes souches avec un système de racines étendu qui ne permettait pas le labourage. Malgré cela, pendant des siècles, les Indiens cultivèrent dans la forêt grâce à une technique simple et appropriée.
Pour défricher, l’agriculteur indien pratiquait **l’annélation **(le ceinturage ou l’écorçage) qui tuait l’arbre sans qu’il soit nécessaire de le couper à la hache ou à la scie. En quelques mois, les arbres n’étaient plus que des carcasses mortes et défoliées qui laissaient le soleil pénétrer jusqu’au sol. Les Indiens cultivaient alors ce terrain pendant quelques années avant de le laisser retourner à l’état sauvage et renouveler ainsi les substances nutritives de la terre.
Après avoir dégagé la terre, les Indiens cultivaient des petits champs appelés milpa, qui n’étaient ni labourés ni plantés en rangs réguliers : le cultivateur organisait son champ en petits monticules qu’il ensemençait. C’était le **buttage **qui avait l’avantage de stabiliser le sol et d’éviter que la pluie ne viennent l’éroder


Vus de loin, ces plantations semblaient désordonnées !
Les larges feuilles des robustes plants de maïs protégeaient les haricots du soleil. Leurs tiges solides fournissaient des tuteurs vivants sur lesquels grimpaient haricots. Les tiges des plants de courge qui couraient sur la terre entre les maïs et les haricots offraient une bonne couverture du sol, ce qui permettait une rétention d’eau maximale et une érosion minimale. Par ailleurs, les larges feuilles et les longues tiges des courges recouvrant ainsi le sol empêchaient les mauvaises herbes de pousser. Cela réduisait le travail de désherbage tout en assurant une cueillette plus aisée. En retour, les haricots (par la fixation de l’azote dans le sol) aidaient les maïs et les courges à pousser.


Planter en terre américaine exigeait donc des méthodes qui semblèrent bizarres aux cultivateurs du Vieux Continent parce qu’elles allaient à l’encontre de tous les bons principes agricoles connus.
Les agriculteurs immigrants adoptèrent la technique de l’annélation, sauf qu’ils ne laissèrent pas la terre retourner à l’état de forêt. Les arbres furent utilisés pour le chauffage une fois tombés sous leur propre poids, et les racines et les souches pourrirent sur place. Ainsi, après plusieurs générations, la forêt caduque recula lentement devant l’avancée des milpas qui devenaient progressivement des champs labourables. Les pionniers américains ouvrirent davantage le pays par cette adaptation du procédé indien du milpa et de l’annélation que par l’abattage des arbres à la hache et le labourage des champs. La charrue ne se révéla efficace que lorsque les pionniers eurent atteint les grandes plaines de l’Amérique du Nord.


Ces principes de cultures sont toujours appliqués actuellement au Yucatán. L’explosion agricole ressemble à un terrain abandonné après un incendie de forêt. On y voit des troncs et des souches partiellement brûlés mélangés à de la terre carbonisée, et le maïs, les courges et plusieurs variétés de haricots semblent pousser au hasard.

 

 

Jamie et la Culture des terres 

Par Françoise Rochet 

Illustration Gratianne Garcia