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 « C’était une longue rue sinueuse et l’imprimerie était tout au bout. Il y avait de nombreuses échoppes de chaque côté de la rue mais je n’avais d’yeux que pour l’enseigne blanche que j’apercevais au loin : **A. Malcolm, Imprimeur et libraire. Livres, cartes de visite, pamphlets, tracts, lettres, etc. *** *Je tendis la main et touchai du bout des doigts la plaque gravée sur la vitre. Si j’attendais un instant de plus, mes nerfs allaient lâcher. Je poussai la porte et entrai.Un vaste comptoir occupait près d’un tiers de la salle, longeant le mur du fond. L’abattant qui permettait d’accéder à l’atelier de l’arrière était relevé. Plusieurs présentoirs montraient les différents types de caractères disponibles. Un des murs était couvert d’affiches et de notices : des échantillons probablement.La porte de l’atelier était ouverte. On y devinait la masse anguleuse d’une grosse presse. Il était penché dessus, me tournant le dos. »… *T03 Ch 24

Jamie et l'imprimerie 

Nous avons en mémoire cet instant inoubliable où Claire pousse la porte d’une certaine imprimerie à Édimbourg ! Sait-elle combien l’imprimerie sera importante dans la vie de leur couple ? Cet artisanat est récurrent dans les livres de Diana Gabaldon. Et nous le retrouvons dans la série tant en Écosse qu’en Amérique.
Quoi de plus normal car on ne dira jamais assez combien l’imprimerie et la presse jouèrent un rôle décisif durant la vie des contemporains de James Fraser.

 

La Renaissance, grâce à Gutenberg, apporta un vent nouveau sur le monde de la connaissance. A partir de cette invention, le monde changea. La liberté d’expression était née : la critique face à la pensée unique naquit.
Avec l’imprimerie la presse écrite se développa ... et avec elle, la liberté de s’exprimer ! Les journaux eurent donc un rôle majeur dans le développement des idées afin de gagner l’opinion publique. Mais avec l’imprimerie, apparurent aussi la censure, les modérateurs de la pensée, les bûchers, les autodafés... et ce jusqu’à nos jours.
Heinrich Heine (1797-1856) nous interpelle : "Là où l'on brûle des livres, on finit aussi par brûler des hommes."
Et malgré ce risque, les imprimeurs imprimèrent !
En Écosse, les pamphlétaires furent des artisans de la révolte par des écrits qui encourageaient l’opinion publique écossaise majoritairement hostile au roi Hanovrien. Certains tracts étaient répandus dans les rues d'Edimbourg :
« Les Écossais seront réduits à boire de l'eau au lieu de bière, ils mangeront leur soupe sans sel. »
La lutte n'est pas seulement sur le champ de bataille. Elle peut donc être remportée ou perdue au tribunal de l'opinion publique.
Dans la colonie anglaise d’Amérique, nous pouvons dire que les imprimeurs et les journalistes ont mis le feu aux poudres ! Et ce bien avant l’Indépendance.
Benjamin Franklin, Père Fondateur, fut un orfèvre en la matière lorsqu’il déclara : « Les opinions des hommes, sont presque aussi variées que leurs visages. Le travail de l’imprimeur consiste à exprimer cette diversité d’opinions. Il n’y aurait guère de matériel à imprimer si les imprimeurs se bornaient à produire des articles qui n’offensent personne. »
Les journaux américains de Boston en Virginie, en passant par la Pennsylvanie se firent échos de tous les événements qui annonçaient la Guerre d’Indépendance.
Les Fils de la Liberté sont nés de la colère des imprimeurs de Boston qui s’insurgeaient contre la Stamp Act*,* une taxe sur tous les documents officiels en 1765. Elle était considérée comme une *« taxe sur la connaissance », *sur « *La liberté de penser ». *C’était une forme cachée de censure puisque les journaux, les livres étaient touchés par cette taxe.
Les mêmes journaux annoncent en 1773, la Boston Tea Party et encouragent le boycott général dans la colonie.
Un pamphlet crie ***« Il est temps de nous séparer ». ***C’est **"Common Sense" de Thomas Paine **publié le 10 janvier 1776. Ce petit livret de 50 pages qui invoque les nombreuses raisons pour lesquelles les colonies américaines ne devraient plus être contrôlées par George III, *« le roi d'une île qui au delà de la mer ose diriger tout un continent. » *Common Sense, est le premier best-seller américain. Des centaines de milliers de lecteurs enthousiastes s'enflamment pour cet auteur inconnu et son **hymne à la liberté, à l'indépendance, à la république, à la justice sociale. **Au cours de la première année, 25 éditions sont imprimées. 120 000 exemplaires sont vendus dans les trois premiers mois pour arriver à la fin de la Révolution à 500 000 exemplaires. Ce qui pouvait représenter un livret par famille, au moins. Paine fit don des bénéfices à l’armée continentale, dirigée par le général George Washington.
De même la Proclamation d’Indépendance, le 4 juillet 1776 se diffusa rapidement sur l’ensemble du territoire grâce aux imprimeurs.

Mais revenons à Jamie et à Outlander.
Les premiers colons américains avaient conscience de l’importance de l’imprimerie puisqu’ils amenèrent une presse afin de publier des livres. Ainsi naquit l’université d’Harvard. Publier, lire, éduquer... c’était le projet de ces expatriés qui voulaient le meilleur pour leurs enfants !
La presse de Boston fut une pionnière suivie de près par celle de Philadelphie.
Pour les Pères Fondateurs, la liberté de chaque individu ne pouvait exister sans une presse libre. Ainsi, Thomas Jefferson, a déclaré : “ Notre liberté dépend de la liberté de la presse”. Dès lors, le premier amendement de la Constitution américaine énonce que « le Congrès ne fera aucune loi (...) qui restreigne la liberté de la parole ou de la presse ».
A la fin de la saison 6, nous apprenons que Fergus est à la tête d’une imprimerie. Un cadeau de Jocasta ! Saura-t-il en tirer parti ? Sera-t-il à la solde des idées de Jocasta ou sera-t-il un pamphlétaire qui soutient la Révolution ? Sera-t-il à la hauteur d’Alexander Malcolm, alias Jamie Fraser qui déclarait lorsqu’il était en Écosse : *« Les Anglais m’ont pris mon épée et mon coutelas, dit-il doucement. [...] Et celle-ci, je ne suis pasprèsdeladéposer!» *T03–Le Voyage - Ch27
Nous voyons que les journaux arrivent au Ridge. Ils prennent connaissance de la célèbre Tea Party.

 

Lorsque la Révolution éclatera, nous verrons que Jamie cherchera à récupérer sa presse. Et Claire racontera : *« Jamie avait été libéré de sa charge dans l’armée continentale afin de ramener le corps de son cousin en Écosse. Il avait eu l’intention, à notre retour, de retourner en Caroline du Nord, de récupérer sa presse d’imprimerie et de participer à la révolution avec la plume plutôt qu’avec l’épée. » *T08.1 – Ch24


Mais revenons au début de notre propos !
Claire a franchi la porte de l’imprimerie car un vieux document lui a donné l’énergie de retourner au XVIIIe siècle afin de retrouver Jamie. C’est Roger, l’historien, qui a déniché ce journal jacobite indépendantiste annonçant en titre **«Liberté et Whisky», **un poème bien connu de Robert Burns.
Liberté et Whisky sont deux mots qui résonnent comme du cristal dans cette saga.
Claire avait récité ce poème à Jamie avant Culloden et leur séparation.

Robert Burns est né en 1759 et, par conséquent, il n’avait encore rien pu écrire pendant la vie de Jamie et Claire vers 1745. La publication d’Alexander Malcolm est datée de
1765 (alors que Burns n'avait que 6 ans). Cela n’avait donc pu se passer que parce Jamie en avait entendu parler par Claire, la « Voyageuse du temps ». Pour Roger, il ne peut s’agir que de Jamie. Et il conclut que Jamie est vivant. Ainsi, il fait le lien entre Alexander Malcolm, Jamie Fraser et Burns, le poète dont Claire aimait à répéter « Liberté et Whisky » !
Et donc Claire ouvre la porte de l’imprimerie à Édimbourg !

Par Françoise Rochet 

Illustration Gratianne Garcia