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Tome 4, Ch 28 : Le panier était rempli d'écheveaux de laine teinte et de pelotes de fil de lin. Certains m'avaient été donnés par Jocasta, les autres, je les avais filés moi-même. La différence sautait aux yeux, mais même mes brins grossiers et grumeleux trouveraient leur usage. Non pas pour tisser des bas ou des jerseys, mais je pourrais éventuellement tricoter un couvre-théière : un objet assez difforme pour masquer mon incompétence. Jamie avait été à la fois choqué et amusé d'apprendre que je ne savais pas tricoter. À Lallybroch, la question ne s'était jamais posée, Jenny et les servantes approvisionnant toute la maisonnée en lainages pendant que je m'occupais exclusivement de la distillerie et du jardin de simples. Je ne touchais aux aiguilles que pour le reprisage.
— Tu ne sais pas tricoter du tout ? avait lancé Jamie, incrédule. Mais comment faisais-tu l'hiver à Boston, sans bas ?
*— J'en achetais. *
Il avait balayé la clairière du regard, admirant au passage la cabane à moitié achevée.
— Je ne vois de boutique nulle part, Sassenach. Je suppose que tu ferais bien de t'y mettre.
— Je le suppose aussi, avais-je soupiré. J'avais baissé des yeux dubitatifs vers le panier que Jocasta m'avait envoyé. Il était bien équipé, avec trois jeux d'aiguilles circulaires de différentes tailles et un quatrième, d'aspect sinistre, dont les extrémités d'ivoire étaient fourchues. Je savais que, d'une manière mystérieuse, il servait à façonner les talons de bas.
— Je demanderai à Jocasta de me montrer, la prochaine fois que je la verrai à River Run. L'année prochaine, peut-être.
Jamie avait saisi une aiguille et une pelote de laine.
— Ce n'est pas si difficile, Sassenach. Regarde, voilà comment on commence. Faisant coulisser le fil dans son poing fermé, il avait formé une boucle autour de son pouce, l'avait glissée sur l'aiguille, puis, dans une succession de petits mouvements secs, il avait monté une longue rangée de mailles en un tour de main. Satisfait, il m'avait tendu l'autre aiguille et la pelote.

— À toi.
— Tu sais tricoter ? M’étais-je exclamée.
— Bien sûr. Je sais manier les aiguilles depuis l'âge de sept ans. On n'apprend donc rien aux enfants à ton époque ?

— Eh bien... on apprend parfois la broderie aux petites filles, mais pas aux garçons.

— Il ne s'agit pas de broderie fine, mais de simple tricotage. Tiens, enroule le fil autour de ton pouce, comme ça... Ainsi, Jamie et Ian, qui s'avéra lui aussi un tricoteur émérite et se gaussa de manière éhontée en apprenant mon ignorance, m'avaient enseigné les rudiments de la chaînette et du jeté. Entre deux crises de ricanements devant ma maladresse, ils m'expliquèrent que tous les petits garçons écossais pratiquaient le tricot afin d'occuper utilement les longues heures d'oisiveté à garder les moutons dans les pâturages.
— Plus tard, lorsqu'il a une femme pour s'occuper de lui et un fils pour garder ses troupeaux, l'homme n'a plus besoin de tricoter lui-même ses bas, m'avait dit Ian en exécutant adroitement la courbe d'un talon.

Par Marianne Hatzfeld 

 

Jamie et le tricot 

LE NALBINDING, ANCÊTRE DU TRICOT ?
L'ancêtre du tricot est sans doute ce qui est connu sous le nom de nålbinding. La trouvaille la plus ancienne de tricot au sens propre consiste en fragments de chaussettes coptes en coton finement décorées trouvées en Égypte et datant de la fin du Xe siècle. Compte tenu de la finesse et de la sophistication du décor bicolore, il faut supposer que l'invention elle-même du tricot est bien antérieure.
Les premiers articles tricotés connus en Europe ont été fabriqués par des tricoteuses musulmanes employées par des familles royales chrétiennes espagnoles.
Et, parallèlement à cette arrivée du tricotage en Europe du sud, le tricot en grosse laine, exécuté au crochet ou sur de grosses aiguilles en os ou en bois, s’est aussi introduit dans le Nord de l’Europe grâce aux normands.


ARRIVEE DANS L’EUROPE DU NORD ET LES ILES ANGLOSAXONNES
En 1588, lors de la destruction de l’invincible Armada espagnole par les anglais, le tricot arrive sur les côtes des îles anglo-saxonnes : Suite à ce naufrage, les naufragés espagnols ont transmis leur savoir sur le tricot aux pêcheurs autochtones. C’est par les conquêtes, le commerce et les explorateurs que l’art du tricot se répand dans le monde entier, au point d’arriver en Amérique du Sud avec les conquistadors au cours du XVIe siècle.
Ainsi, le tricot se développe en Norvège, en Finlande, en Islandeet plus généralement dans toutes les régions de culture celte comme notre actuelle Bretagne. A chaque fois, le tricot s’enrichit des cultures et des traditions des peuples qui le découvrent…

ET LES HOMMES ?
Le tricot était à l’origine une affaire d’hommes. Introduite en Europe grâce aux Croisades, le tricot a fait, dès le début du XVe siècle, l’objet d’un commerce. C’était donc une affaire d’hommes, qui se sont organisés en guildes, pour faire prospérer leur commerce. Pour certains hommes, le tricot était une activité à laquelle ils s’adonnaient quotidiennement sans que cela soit leur «métier». On a donc trace de tricoteurs dans certaines régions du monde comme, par exemple, les Landes, où les bergers tricotaient la laine de leurs moutons pendant qu’ils paissaient. Ou les pêcheurs en divers endroits, tricotaient leurs vêtements : en fait, le tricot n'est pas très loin de la dextérité nécessaire à la fabrication et à la réparation des filets de pêche! C’est le cas également en Islande où les hommes tricotent depuis bien longtemps. Les pêcheurs d'autrefois tricotaient eux-mêmes leur chandail avec la laine du pays (lopi) provenant du mouton...islandais.
Puis le tricot s’est industrialisé et le tricot à la main est devenu une activité domestique et sociale pour les femmes.
Mais, dans certaines régions du monde où on perpétue une tradition, les arts du fil restent une affaire d’hommes. Par exemple, sur l’île de Taquile (Pérou) les garçons apprennent à tricoter dès l’âge de 8 ans. Et le tricot redevient à la mode, chez les femmes et les hommes.
Article écrit à partir de : la page FB « sur les épaules de Darwin » (article d’Anne Marie Moinet Soucek). Wikipédia. Histoire du tricot, blog de USeam. Site « mouton noir ».