Première partie : Le procès des sorcières
La première scène nous propose une image choc. Claire et Geillis sont jetées sans ménagement dans un trou, semblable à une grotte, sur lequel se referme une grille épaisse qu’une main anonyme cadenasse avec détermination.
Rappelez-vous la fin de l’épisode précédent, « mon petit doigt m’a dit ». À la suite de l’exil de Dougal et Jamie, Colum fait arrêter Geillis pour le meurtre de son mari. Laoghaire, bien décidée à se débarrasser de Claire lui tend un piège afin qu'elle soit considérée comme complice.
La dernière séquence nous montrait Claire derrière les barreaux d’une charrette, Laoghaire se tenant au coin de la rue avec un sourire victorieux.
Je suppose que c’est pour des raisons techniques que le trou au voleur est beaucoup plus grand que celui du livre. Pour autant, il est assez angoissant. Nous ressentons bien le froid et l’humidité décrits par Diana Gabaldon.
Immédiatement, les deux femmes se querellent. Geillis soupçonne Claire d’avoir attiré les gardes jusqu’à chez elle alors que Claire lui rappelle qu’à l’inverse, elle était venue l’encourager à s’enfuir.
Pour la première fois, elles cessent ce petit jeu hypocrite des devinettes et des faux semblants.
— Je n’ai pas divulgué tes secrets, Claire (mais de quoi parle-t-elle ?) Tu n’aurais pas dû divulguer les miens.
— Si tu voulais garder ton secret, tu n’avais pas à dire à tout le monde que tu irais danser nue à la pleine lune, dans les bois autour d’un feu et que tu brûlerais des effigies !
On reconnait le ton de Claire lorsqu’elle se met en colère. Plus rien ne la retient et on la sent prête à se battre si besoin.
— Alors, tu crois toi aussi que je suis une sorcière ? Demande Geillis.
— Bien sûr que non. Ce n’est peut-être pas toi qui as tué la femme de Dougal, mais c’est toi qui as tué ton mari. Et tu n’as pas fait usage de sorcellerie, mais d’un bon vieux poison.
Le silence emplit soudainement la grotte. La dispute est vaine, elles le savent bien. La situation est trop grave pour ressasser le passé.
Affichant son habituel sourire, Geillis se dévoile enfin. Oui, elle donnait de l’arsenic à son mari dans l’espoir qu’il meure avant que sa grossesse ne se voie (pour rappel, elle attend un enfant de Dougal, qui deviendra l’aïeul de Roger).
— C’est un garçon, dit-elle en prenant la main de Claire afin de la poser sur son ventre. Claire la rejette. Ce ne sera pas aussi simple cette fois. Sa vie est en jeu et contrairement à Geillis, elle sait que Dougal et Jamie ne viendront pas les sauver, car ils ne sont pas informés de leur arrestation.
Alors que Claire s’enfonce dans le désespoir, Geillis tente de la consoler.
Le portrait de Geillis est bien présenté, subtil et précis à la fois. Je trouve ça important que nous puissions l’apprécier pour ses qualités, et non seulement parce que Claire a de l’affection pour elle.
Au-delà de sa folie et de sa détermination, elle a su maintenir une forme de bonté. Il est indéniable qu’elle aime Claire, à sa façon.
Histoire d’enterrer la hache de guerre, elle lui tend l’infâme morceau de pain qu’un gardien a jeté à travers la grille, mais Claire le refuse.
— Je n’ai pas faim.
— Viens auprès de moi, on se tiendra chaud.
Mais à nouveau Claire refuse. Elle reste dans son coin, se roule en boule, couchée sur la pierre dure et froide et tente de s’endormir.
Nous savons, depuis le premier épisode, que Claire supporte relativement bien l’inconfort.
Fondu au noir.
Au matin, nous entendons les cris de la foule. Claire se réveille, frigorifiée.
— Ça y est, ça commence, dit Geillis qui se tient debout sous la grille.
Petit à petit, nous comprenons ce que scande la population : « On va brûler les sorcières » !
— Je crois qu’il vaut mieux être brûlée vive plutôt que mourir de froid ici, dit Claire avant de se lever à son tour.
À peine sorties du trou et trainées par les gardes, elles passent devant un mât, entouré à sa base par des ballots de paille. Le bûcher.
— Est-ce que c’est bien ce que je crois ? Demande Claire.
— En tous les cas, ce n’est pas un mât enrubanné.
C’est quelque chose que j’ai toujours apprécié chez Geillis, cette capacité à faire de l’humour dans les pires situations. C’est comme si elle abordait la vie avec détachement, probablement à cause de tout ce qu’elle a vécu et plus encore, tout ce qu’elle a fait pour parvenir à ses fins. Il est fort possible qu’en d’autres occasions, Geillis ait pu être une femme merveilleuse et une amie précieuse. Mais son obsession politique lui a définitivement fait perdre l’esprit.
Les deux prisonnières sont conduites devant les juges ecclésiastiques (Jeff et Mutt dans les livres, d’ailleurs assez ressemblants à la description qu’en fait Diana Gabaldon).
Claire regarde le public et ne reconnait personne. Pourtant la salle est pleine et tous ceux présents semblent excités à l’idée de la future exécution. Il est évident que tous considèrent les deux femmes coupables.
Coupables de quoi ?
De crime de sorcellerie, d’avoir provoqué la douleur et la souffrance et rependu la mort parmi les habitants de Cransmuir par la pratique des arts profanes.
Claire se fait peu d’illusions. Comme elle le précise en voix off, elle sait que les accusées de sorcellerie sortent rarement libres.
Mais voilà qu’une voix se fait entendre au fond de la salle. Une voix que nous connaissons bien puisqu’il s’agit de Ned Gowan, l’avocat des McKenzie.
L’espoir renait, car nous l’avons déjà vu à l’œuvre. D’ailleurs, il ne traine pas pour poser ses marques.
Sans jamais se départir de sa bonne humeur naturelle et de sa politesse (ce à quoi il nous avait accoutumés dans l’épisode 105 : La collecte), Ned commence par préciser la légitimité de son statut : « avocat et greffier au sceau du roi à Édimbourg ». Ensuite, afin de bien mettre les choses au clair, il s’insurge contre l’illégalité du procès.
Tout d’abord, la loi sur la sorcellerie de 1563 a été abrogée par la chambre des lords en 1735. Jouant comme à son habitude sur des phrases à double sens, il félicite les juges de s’être débarrassés de la loi britannique (je suppose qu’il voulait dire anglaise), mais se demande ce qu’il en est de leur magnifique tradition écossaise. Celle qui précise qu’une femme accusée de sorcellerie a le droit d’avoir un avocat.
— Un avantage qui, hélas, n’est pas accordé en Angleterre ! explique-il encore en s’adressant au public.
Il est futé ce Gowan. Il sait que la plupart des personnes présentes refuse de plier le genou face à la suprématie anglaise et souhaite préserver leurs coutumes. En les brossant dans le sens du poil, Ned leur ôte la capacité de le contredire, et par là même, les oblige à valider sa déclaration.
— Je voudrais donc proposer mes services pour défendre les accusées.
Les juges n’ont plus d’autre choix que d’accepter.
Le petit sourire malin que Ned offre à Claire en retournant dans la salle fait chaud au cœur.
Le premier témoignage est celui de Jeanie Hume, la femme de chambre de Geillis et Arthur Duncan (je ne me souviens pas de sa présence dans le livre, mais je l’ai peut-être oublié).
Ce qui est terrible lors de cette déposition, c’est que tout ce que Jeanie raconte est authentique. Pour autant, empoisonnée par ses peurs et ses croyances, chacune de ses paroles peut démontrer qu’il s’agit de sorcellerie.
Il est vrai que Geillis confectionnait des philtres d’amour, des amulettes et des talismans pour les nombreuses femmes qui venaient la voir. Et il est vrai également qu’à plusieurs reprises, Claire lui a rendu visite et que toutes les deux fabriquaient des potions à l’aide de plantes.
Durant plus d’une heure, nous assure la voix off de Claire, elle relate des anecdotes propres à faire dresser les cheveux sur la tête des personnes les plus influençables. Finalement, elle raconte l’empoisonnent d’Arthur, ce que bien sûr, Geillis ne peut nier.
Mais Jeanie finit par en dire trop, donnant à Ned l’occasion de la discréditer.
— À maintes reprises, j’ai entendu madame Duncan chanter des incantations maléfiques devant la porte de son mari. Quand elle chantait, les chats fuyaient la maison. Les animaux ressentent se genre de choses, continue-t-elle en se tournant vers la salle afin d’obtenir l’approbation du public.
— Alors maintenant, nous allons entendre le témoignage d’un chat ! Clame Ned Gowan.
La foule est hilare et c’est précisément ce qu’il souhaitait afin de briser l’ambiance suspicieuse qui desservait les deux inculpées.
Profitant de ce moment en sa faveur, Ned se lève et se dirige vers la servante.
— Est-il vrai, madame Hume, que vous n’étiez pas très contente d’être au service des Duncan ?
Jeanie réfute l’accusation, mais sans plus attendre, Ned liste ce qu’il sait à ce propos : elle a demandé une place au château de Leoch, elle s’indignait d’être sous-payée et sous-estimée et, toujours dans le but de faire rire l’assemblée, Ned raconte qu’elle se plaignait d’Arthur Duncan qu’elle traitait de vieux dégoûtant flatulent.
Jeanie perd pied et le public est de plus en plus détendu. Alors, Ned enfonce le clou et s’adresse aux juges.
— Ce que nous avons là, ce n’est rien de plus que les récriminations d’une domestique qui n’est pas contente de son sort.
Le silence qui s’en suit sonne comme la première victoire. Jeanie est sommée de s’assoir. Ned vient de réduire tous ses propos à un simple esprit de vengeance. Tout ce qu’elle a dit est dorénavant sujet à caution. On se surprend à reprendre espoir.
C’est au tour de Robina Donaldson d’être appelée à la barre.
Son témoignage est infiniment plus douloureux que le précédent et démontre à quel point la population est prisonnières de ses croyances et de son impuissance à contrer les drames dont elle est victime.
Les Donaldson ont eu un bébé souffrant. Ce même bébé que Claire a découvert dans la forêt lors de l’épisode 110 : « Mon petit doigt m’a dit » et qui aurait dû, selon la légende, être remplacé par les fées. (Voir article à ce sujet : les changelins.) Mais les Donaldson qui s’étaient cachés pour s’assurer que leur garçon leur serait bien rendu, ont surpris Claire en train de s'’en emparer.
Alors qu’elle raconte la scène au juge, nous visionnons les images de Claire retirant l’enfant mort de l’arbre.
Nous pouvons constater visuellement que tout ce qu’elle dit est réel, de son point de vue.
Claire prend le bébé, ce qui fait d’elle la fée maléfique qu’ils s’étaient attendus à voir. Mais plutôt que de l’échanger avec leur propre enfant, elle lui a récité des incantations. Lorsqu’au petit matin, les Donaldson sont retournés sur la colline, ils ont retrouvé le changelin mort, et non pas leur bébé comme ils l’avaient espéré.
Claire souhaite se défendre et faire entendre qu’elle voulait lui sauver la vie.
Mal lui en a pris, car pour la salle, cela équivaut à un aveu.
Alors que le silence avait accompagné le touchant témoignage de Robina, la colère éclate parmi le public et, à nouveau, le terme « Sorcière » est employé.
Rien de ce que tente de dire Claire n’apaise cette colère, alors Ned Gowan se lève et prend la parole.
Il n’est pas question pour lui de ridiculiser cette mère désepérée comme il a pu le faire précédemment avec Jeanie, mais cet homme cultivé et intelligent à plus d’un tour dans son sac.
Il vit parmi ce peuple depuis de longues années, et même si sa grande instruction l’a libéré des nombreuses croyances qui emprisonnent les pauvres gens, il les connait, et d’une certaine manière, il les comprend.
Alors il parle directement à Robina, et c’est avec délicatesse et sincérité qu’il compatit à sa tristesse.
Après lui avoir adressé ses condoléances, il lui demande pourquoi, puisqu’avec son mari, elle était présente sur les lieux, elle n’a pas empêché Claire de s’immiscer dans le travail des fées. (J’étais personnellement très heureuse qu’il pose cette question, car c’est la première qui m’est venue à l’esprit et elle m’obsédait.)
— Eh bien, j’étais effrayée.
— D’accord, lui répond Ned, avec douceur, mais fermeté. Alors on peut dire que c’est votre peur et votre silence qui lui ont permis de contaminer l’enfant et que, par conséquent, lorsque les fées sont arrivées, elles n’ont pas pu procéder à l’échange.
Cela paraît cruel comme procédé et la tristesse maintenant renforcée par la mauvaise conscience qui accable la jeune femme est terrible à voir.
Pourtant, le regard de Ned Gowan, qui se tient très près de son visage, est plein de bonté et de compassion.
Il attend quelques secondes afin que les paroles suivantes soient bien entendues.
— Une chose est sure au moins. Il est réconfortant de savoir que c’est le changelin qui est mort.
Ned pose ses mains sur celles de Robina maintenant. Il la tranquillise, la soutient. Il ne peut pas s’opposer à la croyance populaire, mais il peut s'en servir.
— Votre enfant est avec les fées. Il est en bonne santé et vivra avec elles à jamais.
Robina est d’accord. Elle n’est plus en état de parler, mais elle fait oui avec la tête, ses yeux plantés dans ceux de Ned, car elle sait qu’il est en train de soigner son âme.
D’ailleurs, parmi le public, d’autres personnes sont conquises par la logique de l’argumentation et l’apaisement devient général.
Alors Ned en profite et va plus loin encore. Il s’adresse maintenant à l’ensemble de la communauté. Il n’est plus le confesseur, mais à nouveau l’avocat. Il parle avec conviction, mettant au défi n’importe qui de le contredire.
— Nous devrions peut-être remercier cette femme plutôt que de la condamner, clame-t-il en désignant Claire du doigt.
Plan fixe sur les deux juges dont on ne saurait dire s’ils sont d’accord ou non.
— Le témoin peut se retirer.
La personne suivante est difficile à prendre au sérieux. On est en droit de se demander s’il a été payé pour enfoncer le clou, s’il est tout simplement idiot ou à ce point décidé à assister à un bûcher qu’il est prêt à dire n’importe quoi. Comment savoir ?
— Je l’ai vue de mes propres yeux se tenir debout sous les remparts alors qu’il y avait une tempête, commence Alastaire Duffie avec arrogance en parlant de Geillis.
Il s’adresse au public, espérant certainement réanimer la colère que Ned est parvenu à atténuer.
— Je l’ai vue appeler les éclairs d’un geste de la main. Le tonner grondait alors qu’elle riait. Ses yeux étaient aussi rouges que des flammes. Son regard était tel qu’elle aurait sans nul doute pu voler une âme humaine.
Alastaire obtient l’attention de tous, ce qui l’aide à prendre confiance en lui et en son histoire. La tension est palpable.
— Puis, le vent s’est levé, continue-t-il, elle a ouvert les pans de sa cape et les a déployés telles des ailes et elle s’est envolé dans le ciel tel un oiseau.
Alors la foule se déchaine à nouveau et à appelle à la justice.
Nul doute que les juges, hommes d’Église instruits, ne portent aucun crédit à ce récit, mais plutôt que de le disqualifier, ils préfèrent mettre un terme à la séance jusqu’au lendemain.
Tandis que les prisonnières sont ligotées, Ned a quelques secondes pour parler à Claire.
— Il y a un grave danger qui vous guette, commence-t-il, ce dont on se doute bien sûr.
Mais il estime que leurs chances sont améliorées depuis son intervention.
Claire lui demande si c’est Colum qui l’envoie, mais Ned répond qu' au contraire, le Laird ne serait pas content s’il apprenait sa présence. Il n’a pas le temps de préciser si, à l’inverse, il est à l’initiative de son arrestation, d’autant qu’avant de partir en exil avec Dougal, Jamie l’avait mise en garde contre la colère de Colum. On peut d'ailleurs se faire la remaque que la fameuse fessée n’a pas servi à grand-chose puisque, encore une fois, Claire n’en a fait qu’à sa tête.
Ned lui glisse une flasque d’eau-de-vie dans la poche et les deux femmes sont emmenées.
Nous les retrouvons donc à nouveau dans le trou aux voleurs.
Les teintes son bleutées, couleurs froides qui génèrent immédiatement un sentiment de fraîcheur, d’humidité et de douleur.
Pourtant, peut-être parce qu’elles sont épuisées, à moins que ce soit les effets de l’eau-de-vie, Claire et Geillis en ont fini avec la colère et les reproches.
C’est l’heure de la vérité et le fol espoir de Claire ne fait pas long feu face à la lucidité de Geillis.
— Tu ne comprends donc pas ! Ce qu’ils veulent, c’est nous tuer.
Geillis se livre sans détour. Ce n’est pas pour l’argent qu’elle a eu une liaison avec Dougal. Elle en avait suffisamment puisqu’elle dépouillait son mari depuis des années. Non, ce qui l’a rapprochée du chef de guerre McKenzie, c’est leurs desseins communs de restituer le trône à un Écossais.
— Une maudite Jacobite, souffle Claire qui commence à comprendre.
Cela fait du bien de constater la capacité d’aimer de Geillis, quand bien même ce sentiment semble dénué de tout romantisme. Elle a dû se sentir bien esseulée depuis qu’elle a traversé les pierres ! Quels combats a-t-elle affrontés pour s’en sortir ? Pour mener à bien sa quête ? Rappelons-nous ce qu’elle a dit à Claire dans son infirmerie le soir du serment d’allégeance : "il n’est pas bon, pour une femme, d’être seule dans les Highlands". Il est fort probable qu’elle en a fait les frais, en tant que femme et guérisseuse !
Elle a sûrement connu beaucoup d’hommes, mais Dougal est le seul capable de comprendre son combat et son entière dévotion à la cause. Est-ce pour cela qu’elle lui a permis de lui faire un enfant ? À moins que ce ne soit que pour le maintenir sous son joug.
N’est-ce pas une forme d’admiration lorsqu’elle compare Dougal à son frère ?
— Colum se bat pour les McKenzie. Dougal se bat pour McKinnon, les McPerson, les Chisholm, les Cameron. Il se bat pour tous les clans, pour toute l’Écosse ! Cet homme est un vrai lion.
D’ailleurs, Claire sourit enfin.
— Tu as vraiment des sentiments pour lui ?
— C’est toi qui l’as dit, répond Geillis en détournant la tête. Petite fille prise la main dans le sac.
Mais voilà, Dougal ne viendra pas la sauver parce qu’il a obéi à son frère. Elle assure ne rien regretter, car lorsque les Jacobites se soulèveront, elle sait que ce sera un peu grâce à elle.
Si on avait encore un doute sur sa loyauté, elle est levée définitivement. Et quoi qu’on puisse penser de Geillis, de son cheminement particulier, elle est tout de même remarquable, et incroyablement courageuse.
Claire le comprend et ne peut qu’admirer cela.
— Je regrette seulement de n’avoir qu’une vie à perdre pour mon pays dit-elle, sans citer sa source.
Est-ce que Claire cite une phrase future en connaissance de cause ? Il est plus probable que cela lui a échappé.
Peut-être que si elle l’avait fait, le doute sur le fait qu’elle est une voyageuse dans le temps aurait été levé immédiatement.
En effet, non seulement Nathan Hale à qui ces mots ont été attribués les aurait prononcés en 1776, le jour de sa pendaison, mais ils ne lui auraient été crédités que des décennies après. Quoi qu’il en soit, les deux femmes sont pour lors en 1743 !
Geillis quant à elle, garde quelques longues secondes de silence. Elle observe Claire attentivement avec un "je ne sais quoi" dans le regard qui peut laisser croire qu’elle vient de comprendre quelque chose. Cela vaut la peine de visionner cet instant plusieurs fois, car il se peut bien que ce soit le déclic fondamental.
— Et toi ? Claire. Tu ne m’as rien dit, reprend-elle d’une voix douce… Est-ce que tu l’aimes ton Jamie ?
Claire ne répond pas, mais est-ce nécessaire ?
Les deux femmes sont à nouveau amies.
D’ailleurs, le matin suivant, Claire raconte un souvenir d’enfance, lorsqu’elle regardait voler par millier les étourneaux sansonnets.
— Pourquoi font-ils ça, demande Geillis
— Pour se protéger des faucons. Parce que l’union fait la force.
C’est une main tendue, un calumet de la paix. Elles doivent s’unir toutes les deux contre le reste du monde, que ce soit pour survivre, ou pour se diriger vers la mort.
— On est loin d’être une volée, toi et moi, répond Geillis alors qu’elles entendent les gardes se rapprocher. Même si certains disent que j’ai l’habitude de voler !
Encore un trait d’humour.
Tandis que le garde ouvre la grille, Claire pose sa main sur le ventre de Geillis, ce geste qu’elle lui a refusé la veille. Et Geillis la porte à ses lèvres. C’est peut-être leur dernier jour.
Le premier témoignage de cette nouvelle matinée n’est autre que celui de Laoghaire.
Elle avance d’un pas trainant, regardant Claire crânement. Voilà venue l'heure de sa revanche.
Comme les témoins précédents, finalement, Laoghaire ne fait que raconter sa propre vérité.
Lorsque le juge demande à Claire si elle l'a vraiment giflée, elle ne le détrompe pas et tente de justifier son geste.
C’est quelque chose qui ne cesse de me surprendre, ou de m’ennuyer, au choix. Pourquoi ne pas mentir ? Après tout, c’est sa parole contre celle de Laoghaire ! Il n’y a pas de témoins ! C’est d’ailleurs sûrement ce que pense Ned Gowan qui semble bien embêté par la tournure des évènements.
Alors que, la colère aidant, Claire explique haut et fort la vérité sur le piège que lui a tendu Laoghaire, non seulement personne ne la croit, mais le juge la fait taire en lui disant qu’elle est en train de se ridiculiser.
Mon Dieu ! Quelle injustice, quelle frustration de laisser Laoghaire gagner ! (Souvenez-vous de ceci lorsque vous regarderez l’épisode « La première femme »)
On pourrait se dire que rien de pire ne peut arriver. Et pourtant, voilà que le père Bain est appelé à la barre à son tour.
Il avance lentement dans l’allée, sa croix brillante pendant à son cou, les poings serrés. Il parle au public d’une voix autoritaire.
— Je m’adresse à vous, braves gens de Cransmuir. J’ai su, dès que j’ai posé les yeux sur Claire Fraser, que vous aviez accueilli la grande putain de Babylone en votre sein. Vous vous êtes laissés séduire. Elle vous a détournés du chemin de la vertu et de la droiture par son immoralité ensorceleuse. Vous avez vendu votre âme à l’ennemi…
— S’agit-il d’un procès ? Ou d’un sermon ? Tente Ned, avec l’espoir de détendre la salle comme lors de son intervention sur le témoignage du chat.
Mais personne ne rit. Car on peut se moquer d’une servante, mais certainement pas d’un religieux ! Surtout lorsqu’il inspire plus de peur que de dévotion.
Bain continue, de plus en plus virulent. Il hait Claire de l’avoir contré lorsque le neveu de Mme Fitzz était malade. Une femme qui tient tête à l’église ? C’est tout simplement intolérable et il est bien déterminé à le lui faire payer.
Pour cela, le père Bain va prendre tout le monde à contrepied.
Plutôt que de témoigner dans le même sens que les autres, le voilà qui demande pardon pour n’avoir pas pu sauver Thomas Baxter et de n’avoir pas fait confiance à Claire qui, d’évidence, savait quoi faire. Il demande pardon à Dieu ainsi qu’à l’assemblée et souhaite être congédié.
Le jeu de Timothy Mac Innerney est littéralement à couper le souffle ! Nous sommes statufiés devant sa déclaration et, comme l’ensemble des personnes présentes, nous le croyons sincèrement repenti, tout comme Claire et Geillis qui ignorent comment réagir.
Le silence pèse durant de longues secondes alors que le père Bain est à genou, les bras en croix, comme en attente d’un supplice divin.
Mais… et il l’avait prévu, un homme se lève et fait part de sa colère.
— Vous êtes tous témoins de son stratagème diabolique ! hurle-t-il en faisant des grands gestes. Il n’y a que Satan en personne qui puisse pousser un homme de Dieu à vouloir être congédié !
Aussitôt la foule se réveille et se joint à lui pour supplier le prêtre de revenir sur sa parole.
Alors que Ned Gowan demande une suspension d’audience, le père Bain se tourne vers Claire et un sourire vainqueur se dessine sur son visage.
Voilà. Il a gagné.
Ned peut enfin s’entretenir avec les deux femmes en toute discrétion.
Il n’est plus le temps d’espérer, mais d’agir. Et la seule solution, c’est d’en sauver au moins une.
— Mais nous ne sommes des sorcières ni l’une ni l’autre ! Lui dit Claire.
— Aucune importance. Ce qui compte c’est ce que l’assemblée croit que vous êtes.
Et sur ce coup, il est difficile de le contredire.
Il se tourne alors vers Geillis.
— Les gens pensaient que vous étiez une sorcière bien avant que cette Anglaise n’arrive. Et pour être honnête, vous pratiquiez votre commerce sinistre depuis des années.
C’est la première fois que nous voyons Ned sortir de sa réserve. L’heure est grave.
Il propose que Claire déclare avoir été ensorcelée par Geillis. Si elle refuse ? Elles brûleront toutes les deux.
Sur ce, il quitte la pièce pour leur laisser le temps de réfléchir.
Étonnement, la discussion prend une tout autre tournure. Geillis ne souhaite pas parler de cette option, en tout cas, pas tout de suite. Elle veut, avant cela, savoir pourquoi Claire est en Écosse.
— Fini les mensonges Claire ! Si je dois brûler sur le bûcher, je dois savoir pourquoi je meurs.
Alors les vannes s’ouvrent. Mon Dieu ! Comme nous avons attendu cela depuis longtemps !
— C’était un accident ! Je te jure que je ne suis pas ici pour une raison particulière. Je veux seulement rentrer chez moi, mais je ne sais même pas si c’est possible.
Geillis est dévastée.
— Pour rien… Alors, tout ça, c’est pour rien.
Je prends un moment pour analyser cette scène.
Nous, nous savons ce que veut dire Claire lorsqu’elle parle d’accident. Cela fait référence aux pierres dressées de Craigh Na Dun et à sa traversée inopinée. Mais qu’est-ce que cette phrase est censée vouloir dire pour Geillis ? Pour quelle raison devrait-elle la comprendre et réagir de la sorte ? Nous savons, ou alors, nous allons le savoir dans quelques instants : Geillis est aussi une voyageuse. Mais Claire l’ignore encore !
Je trouve cette faiblesse indigne de la rigueur avec laquelle les scénaristes traitent généralement la cohérence de l’histoire.
Ned, incapable de contenir la foule plus longtemps, vient les chercher.
Geillis sort la première, d’un pas décidé.
— Apparemment, je vais à un putain de barbecue !
Je profite de ce texte pour redresse une vérité à propos de cette phrase.
Moult fans, moi la première, se sont dit que c’était un terme anachronique qui aurait dû mettre la puce à l’oreille de Claire.
Mais j’ai vérifié (oui, je suis comme ça…) et il s’avère que c’est un mot hispano-américain, plus précisément, venant des caraïbes (drôle de coïncidence, non ?) Il est attesté dans des écrits anglais depuis 1733 (voire 1697 d'après une autre source), donc il est antérieur à la scène.
De retour dans la salle d’audience, Claire refuse de suivre les conseils de Ned Gowan et ne se désolidarise pas de Geillis.
Comment pourrait-elle ? Elle qui ne fait que sauver les gens depuis des années ? Geillis, la seule amie (hormis Jamie) qu’elle a eue depuis son arrivée ici. Cette femme complexe, mais emplie de fougue et de vie ! Non, Claire ne peut pas faire ça.
Alors la sentence tombe. Elles seront brûlées toutes les deux.
S’en suit une scène surprenante.
Tandis que Ned Gowan menace les hommes présents avec un pistolet (cet homme est incroyable), Geillis s’adresse à Claire en chuchotant.
— Tu me demandais si c’était possible ? Eh bien, moi je crois que c’est possible.
— Qu’est-ce que tu dis ?
— 1968
(Dans le livre, Diana fait relayer l’information par Dougal, mais je trouve que cette option est vraiment réussie.)
Mais elle n’a pas le temps d’en dire plus, car la foule a pris le dessus sur Ned Gowan et Claire hurle sa rage.
Le juge la condamne sur le champ à être fouettée.
Tandis que des hommes déchirent sa robe, Laoghaire s’approche tout près d’elle.
— Je viendrais danser sur vos cendres, lui dit-elle, et, bon sang, comme je voudrais la gifler à ce moment-là !
Geillis regarde, impuissante et désemparée, la lanière zébrant le dos de Claire.
C’est à ce moment que Jamie arrive.
À l’abri, au coeur de la forêt, Jamie tamponne avec un linge mouillé les plaies sur le dos de Claire.
— Les blessures ne sont pas profondes. Je crois que tu n’auras pas de marques.
Il y a tant de douleur dans cette simple phrase !
Il s’assoit face à elle.
— Je sais qu’il y a des choses dont tu refuses de parler, mais il y a une chose que j’attends de toi : l’honnêteté.
Il est important, me semble-t-il, de rappeler que, depuis le début, Jamie respecte les secrets de Claire. Et je trouve cela très enseignant que nous puissions faire la différence entre secret et honnêteté. Jamie n’emploie pas ce mot par hasard.
— Alors je te demanderais de toujours me dire la vérité et je te promets de te dire la vérité moi aussi.
— Je suis d’accord, répond Claire.
Il y a de fortes chances pour qu’elle ait imaginé cette confession de nombreuses fois ! Pour autant, elle ne s’attendait certainement pas à la première question de Jamie !
— Est-ce que tu es une sorcière ?
Quelle merveilleuse surprise ! Je suis heureuse que Diana ait osé ouvrir cette brèche dans son personnage. Je pense qu’il était important de remettre Jamie à « hauteur d’homme », ou tout au moins, dans l’époque dans laquelle il vit. Jusqu’alors, il était presque trop parfait pour être vrai, trop « moderne ». D'autant qu'il l'avait dit à Claire quand ils ont visité ensemble Black Kirk à la recherche de ce qui aurait pu empoisonner le jeune Thomas Baxter. (épisode 103," la légende de la dame de Balnain") :
"Je suis quelqu’un d’extrêmement instruit (…) J’avais un tuteur, un bon ! Il m’a appris le latin, le grec, pas des histoires de fées, de démons ou de chevaux aquatiques. Mais je suis également un Highlander de pure souche. Je ne crois pas qu’il faille se moquer du diable, surtout pas sur ses propres terres pour défier le destin". (étrangement, le sous-titrage français se permet de remplacer le "diable" par le "père Bain", ce que je trouve un peu léger…)
Ce que voulait dire Jamie à ce moment-là, c’est que malgré sa grande culture, il garde en lui sa nature profonde et quelques traces de l’éducation qu’il a reçue. Avoir l’esprit ouvert, c’est être en mesure d’entendre toutes les propositions, celle du progrès, et celles des croyances ancestrales.
— J’ai souvent vu cette cicatrice sur ton bras. Ça ne me posait aucun souci jusqu’à ce que je vois la même sur Geillis aujourd’hui. Elle a dit que c’était la marque du Malin. Alors…
Alors c’est finalement le bon moyen pour commencer à se confier. Dire : "je ne suis pas une sorcière, car je viens du passé". Plutôt que :" je viens du passé, mais je ne suis pas une sorcière".
Claire déroule son histoire, et puisque cette cicatrice a nourri le doute en Jamie, autant partir de là : Le vaccin, le fait qu’elle ne puisse pas attraper de maladies même si elle touche le corps des malades...
Jamie se tait. Il écoute attentivement même si ce qu'il entend n’a aucun sens pour lui.
Elle continue.
Si elle sait des choses sur BJR, comme la date à laquelle il va mourir ou qu’il travaille pour Sandringham, c’est parce que son mari lui en a parlé.
Jamie se tait encore. Pour autant son visage reste ouvert et bienveillant.
— Je suis au courant pour Bonnie Prince, pour les Jacobites et leur cause perdue et je sais aussi ce que vont subir les Écossais.
Elle déroule tout ce qu’elle peut. Est-ce pour donner plus de sens à ce qu’elle va dire ensuite ? Est-ce pour gagner du temps ?
— Si je sais tout ça, c’est parce que je viens du futur, finit-elle par avouer enfin. Je suis née le 20 octobre de l’année 1918, c’est dans 200 ans, tu m’entends ?
Elle n’est plus hésitante maintenant, elle est impérieuse. Il est trop tard pour revenir en arrière et effacer ses propos. Elle n’aura pas de deuxième chance alors elle doit le convaincre. Il le faut !
Mais Jamie reste silencieux. Son regard n'est plus bienveillant mais perdu au loin.
— Est-ce que tu m’entends ?
En fond, aucune musique, pas même le bruit de la forêt, juste une nappe sonore dissonante destinée à amplifier la tension.
— S’il te plait Jamie ! Réponds-moi !
— Je t’entends…
Pourtant il reste silencieux, immobile, presque sans vie.
— Tu crois que je suis complètement folle, c’est ça ?
Car c’est cela qui se joue maintenant. Si Jamie l’imagine folle, alors cette fois, elle aura vraiment tout perdu.
Mais Jamie sort enfin de son immobilité. Il a tout entendu, et même s’il n’a pas tout compris, il la croit.
S’en suit la phrase qui me touche au plus profond du cœur, toutes saisons confondues.
— Toi et moi sommes liés par la vérité. Alors, dès que tu ouvriras la bouche, je te croirais sur parole.
Je suis persuadée que c’est la plus belle qualité de Jamie. Au-delà de sa force, de son courage, et même de sa loyauté. Ce qui le rend unique aux yeux de Claire et ce qui a changé sa vie à tel point qu’elle décide de retraverser les pierres 20 ans après, c’est cette ouverture d’esprit et la confiance qu’il place en elle. Dans une époque pleine de dangers, comme il l'a lui-même rappelé juste avant la fessée, il peut être fatal de s’en remettre à un autre !
Il peut s’assoir à nouveau près d’elle. Il pose sa main sur son genou et Claire pose la sienne par-dessus. Pour se reconnecter, ils avaient besoin de ce contact physique qui a tant compté dans leur rencontre, cette vibration qu’ils n’ont jamais su expliquer probablement parce qu’à ce moment-là, ils ne font plus qu’un.
Il la touche parce qu’elle est humaine et non une fée ni une sorcière. Elle est sa femme. Sassenach.
Dès lors il est empli de questions et Claire a tant à lui dévoiler sur le futur ! Un futur qu’elle aborde à l’imparfait, mais nous commençons à avoir l’habitude.
— J’étais infirmière de guerre, dans l’armée britannique.
C’est la première image que nous avons eue d’elle lors du tout premier épisode. C’est donc par cette image qu’elle se présente à lui.
« Je lui ai tout raconté, nous dit la voix off de Claire. Toute mon histoire a jailli de ma bouche telles les trombes d’eau qui jaillissent d’un barrage brisé. Je ne m’étais pas rendu compte que j’avais besoin d’en parler à quelqu’un, à n’importe qui, jusqu’à ce moment-là. Il écoutait. Il ne comprenait pas tout, mais il écoutait ».
Jamie réalise que lorsqu’elle a tenté de s’enfuir tandis que lui-même allait à la rencontre de Horrocks, c’était pour rejoindre son mari. Cette fessée qui a mis leur couple en danger se rajoutait au drame qu’elle vivait en silence.
C’est ça qui le bouleverse le plus. Étonnant, n’est-ce pas ?
Ce n’est pas qu’elle ait pu traverser des pierres ni même qu’elle ait gardé ce secret tout ce temps. Non, ce qui lui fait du mal, c’est qu’une partie de cette douleur ait pu venir de lui.
— Je m’en veux si tu savais. Je suis désolé.
— Ne le sois pas. Comment aurais-tu pu le savoir ?
Il la prend dans ses bras, la console et plus que jamais, souhaite la préserver.
— À présent, repose-toi. Personne ne te fera de mal. Je te protège.
Prenez bien garde au visage de Jamie à partir de là. À son expression, à ce qui se passe dans ses yeux. (Sam l’interprète de manière sublime, ai-je besoin de convaincre quelqu’un ?)
Il sait.
Il sait déjà ce qu’il va faire. Pour elle.
— Alors, tu me crois vraiment ? Lui demande Claire une dernière fois.
— Je te crois. Mais tout aurait été plus facile si tu t’étais contentée d’être une simple sorcière.
Geillis n’est plus là pour nous offrir ses petites perles d’humour, il fallait bien un remplaçant !
La nappe sonore se maintient sur un fil. Une notre tendue et permanente qui reste suspendue jusqu'au changement de plan pour se transformer en une musique plus lumineuse.
Claire et Jamie chevauchent à travers les magnifiques paysages des Highlands en direction de Lallybroch.
La voix de Claire reprend sa narration tandis que nous les regardons préparer le repas du soir, Claire confectionne une broche pour le feu, et Jamie dénude le lapin qu’il vient de tuer. (Passons sur la facilité avec laquelle il retire la peau de l’animal… Petite faiblesse de la réalisation qui n’avait peut-être pas envie de refaire la prise… allez savoir).
La bonne humeur de Jamie contraste avec la mine triste de Claire, qui nous dit :
"(…) J’essayais d’imaginer notre vie, à tous les deux, mais je me sentais partir à la dérive. J’étais sans attache dans une mer déchaînée".
Il fait nuit et la scène n’est éclairée que par la lueur du feu.
Claire dort et Jamie, allongé à ses côtés, tient sa main. Celle qui porte son alliance. Il caresse son visage d’un doigt tendre et la regarde.
En vérité, il la voit pour la première fois telle qu’elle est vraiment. En son entier, et non plus celle, pleine de secrets, qu’il a épousée. Sa main descend vers son intimité tandis qu’il pose ses lèvres sur les siennes.
Ce qu’il veut, c’est lui offrir du plaisir, à elle qui a tant souffert. C’est comme ça qu’il la sortira de ce gouffre dans lequel elle sombre depuis Cransmuir. C’est ainsi qu’il l’extirpera de cette mer déchaînée.
Mais c’est également cette image d’elle qu’il souhaite garder en mémoire. Non pas celle en détresse, mais celle pleine du bonheur qu’il a su lui donner.
On peut remarquer que cette scène nous est présentée du point de vue de Jamie, pour la première fois, me semble-t-il.
Au petit matin, alors qu’elle est près de la rivière il la rejoint.
Sur son visage, l’amour, puis la tristesse et enfin le courage.
— Alors, Sassenach, es-tu prête à aller à la maison ?
En haut de la colline, ce n’est pas Lallybroch, mais Craigh na Dun.
Bien sûr, maintenant nous le savons tou.te· s ! Mais lors du premier visionnage (ou de la première lecture), quel choc !
Il l’entraîne au centre des pierres, là où tout a commencé pour elle.
Mais lorsqu’elle s’approche trop du menhir, il la retient brusquement par le bras.
— Pardonne-moi, je n’étais pas prêt.
Pourrait-il l’être un jour ?
Il est important de noter la grande différence entre la scène écrite par Diana et celle présentée par Toni Graphia, la scénariste de cet épisode.
En effet, dans le livre, Jamie emmène Claire aux pierres pour tester la véracité de ses propos. Même s’il désire la croire, son esprit rationnel a besoin de certitude. Lorsque Claire s’avance près du menhir, il sait qu’elle n’a pas menti.
La série a choisi une vision plus romantique, plus agréable, et qui égratigne moins notre héros.
Après l’avoir serrée contre lui, il l’encourage à recommencer.
— Cela ne sert à rien d’attendre, lui dit-il. Tu dois partir maintenant, nous sommes venus pour ça. Il y a ton époque là-bas. Ta vie est de l’autre côté. (…) Il n’y a rien pour toi de ce côté-ci, tu m’entends ? Rien que la violence et le danger. Alors pars.
Il restera au campement jusqu’au lendemain, pour s’assurer qu’elle est saine et sauve.
— Adieu Sassenach.
Claire est seule. Assise par terre face aux pierres dressées, elle regarde ses mains, l’une et l’autre portant ses deux alliances. Celle en or, brillante et classique, symbole d’une existence sûre est confortable. Celle en argent, martelée, telle une vie rude et pleine de danger.
En face, cette porte immense, qu’elle peut dorénavant emprunter. (Elle ne sait pas encore qu’il faut une gemme pour traverser), dans son dos, la fumée venant du campement où se trouve Jamie.
Elle se lève, et se dirige vers le menhir alors que la musique enfle jusqu’à donner l’impression qu’elle entre dans la roche.
Fondu au noir.
Ouverture sur le feu à côté duquel Jamie semble dormir.
— Allons, debout soldat, lui intime la voix de Claire. (en référence à ce qu’elle lui a dit lorsqu’elle a fini de soigner son épaule après sa chute de cheval dans le premier épisode).
J’avoue ne pas aimer ce genre de procédé. Un suspens à deux balles qui nous fait croire qu’elle va à gauche alors qu’on la retrouve à droite. C’est étonnant de la part de Toni Graphia, ça ne lui ressemble pas. Mais c’est vite oublié, et encore plus vite pardonné. (Je suis comme ça)
Le visage de Jamie, les joues trempées de larmes, s’illumine.
— Amène-moi à la maison, à Lallybroch, continue-t-elle.
Durant ces quelques secondes de plan sur Claire, nous savons qu’elle est vraiment de retour. Pas seulement de Craigh na Dun ! Mais également de cette tempête dans laquelle elle semblait se perdre depuis Cransmuir. Et c’est en remarquant cette transformation que j’ai réalisé à quel point elle avait été absente avant cela, comme si sa confession l’avait vidée de tout courage, de toute force.
Ils s’embrassent et la musique les accompagne.
Deuxième partie : Confession
Je me suis posé la question un bon moment. À partir de quand pouvons-nous estimer la première partie terminée ?
Au début, cela me paraissait évident : lorsque Claire et Jamie sortent du tribunal, bien sûr !
Oui… mais non en fait ! Car tout change du moment où Jamie apparait dans la salle d’audience. Sa venue met un terme au duo. Claire est désormais avec Jamie, et c’est Geillis qui est isolée.
Regardez bien le visage de cette dernière lorsque Claire se fait fouetter, à quel point elle souffre avec elle ! Derrière sa carapace, Geillis aime, ressent de la compassion. Seule dorénavant sur le banc des accusés, elle peut retrouver son âme guerrière, se libérer de l’injonction de Ned Gowan et choisir elle-même le chemin à prendre.
La fureur exprimée par Jamie lui laisse le temps d’agir.
Car il est en colère Jamie, il n’y a aucun doute là-dessus. La femme qu’il aime subit la morsure du chat à neuf queues, tout comme lui il y a des années de cela.
Il n’a que faire de l’ordre des juges à ne pas s’immiscer dans les décisions de la cour, tout autant que des cris de frustration du public qui réclame un chatiment à la hauteur de sa peur. Remarque-t-il seulement Geillis ? Il y a peu de chance. Il ne voit que les zébrures rougeoyantes sur le dos de son épouse.
— J’ai prêté serment devant Dieu de protéger cette femme, clame-t-il en pointant son épée devant lui. Et si vous me dites que vous estimez que votre autorité est supérieure à celle du tout puissant, continue-t-il en braquant son poignard de l’autre main vers l’assemblée, Alors je dois vous informer que je ne partage pas votre opinion.
Les Juges sont statufiés. Les hommes dans le public pointant leurs armes à leur tour en direction de l’intrus s’arrêtent de vociférer.
— Le premier qui approche sera le premier à tâter de ma lame.
Personne n’en doute.
Je me plais à croire que beaucoup sont en train de se demander s’ils seraient capables d’une telle action pour défendre leur propre femme.
Quoi qu’il en soit, c’est à ce moment-là que Geillis intervient.
— Cette femme n’est pas une sorcière, mais moi si, messieurs !
Sa voix tremble un peu, par peur peut-être et aussi parce qu’elle n’en revient pas de ce qu’elle est en train de faire. Je l’imagine très bien se parlant à elle-même avec un trait d’humour dont elle est coutumière, du genre : « Et bien voilà ma grande, tout ce boulot pour finir grillée comme une merguez »…
Elle se soutient du regard de Claire, foudroyée par ce qui vient de se produire.
— Geillis, non !
— Je l’avoue devant vous, continue Geillis, plus sûre d’elle maintenant. J’ai assassiné mon époux, Arthur Duncan par le biais des arts profanes. J’ai profité de l’ignorance de Claire Fraser et je l’ai ensorcelée pour servir mes desseins. Elle n’a jamais comploté. Elle n’a jamais eu connaissance de mes intentions.
Bien que ses propos soient tout à fait audibles, elle semble possédée, haletante, tout son corps en souffrance. Elle arrache le bandeau autour de son cou (pour info, la sublime Lotte Verbeek a improvisé ce passage) comme si elle retirerait un masque.
Tandis que Claire rejoint enfin les bras de Jamie, Geillis dénude son épaule gauche jusqu’à la cicatrice de son vaccin contre la variole.
— Regardez. Je porte la marque du Diable !
Le public est horrifié, mais c’est à Claire pourtant que ce geste est destiné. Le plus sûr moyen de lui dire la vérité. « Je suis comme toi ». Voilà ce que voulais dire 1968.
Pour Claire, tout fait sens.
Puis Geillis lui envoie un dernier message, presque muet. « Sauve-toi ! »
Il est probable qu’elle ne serait pas partie si Jamie n’avait pas été là. Il l’entraine vers la sortie, naviguant à travers la cohue qui les remarque à peine, tant elle est subjuguée par celle qui se dévoile enfin : la véritable sorcière.
Pour leur assurer un temps supplémentaire et n’ayant plus rien à perdre, Geillis continue de jouer son rôle à la perfection.
Elle se dénude complètement afin de découvrir la rondeur de son ventre.
— Je suis la maîtresse de Satan ! Regardez ! Je porte son enfant !
S’en est trop pour la foule qui se jette sur elle telle un animal sauvage.
Geillis est habitée dorénavant, comme si elle avait accepté son sort.
Je me suis souvent demandé quelle avait été sa vie depuis sa traversée des pierres, outre sa quête politique bien sûr. Avait-elle été heureuse ? Satisfaite ? Est-ce qu’elle trouvait l’existence du 18e siècle à son goût ? Ou à l’inverse, avait-elle eu des regrets, voire, une forme de dédain pour tous ceux qu’elle avait croisés.
Peut-être qu’à ce moment-là, mourir lui semblait acceptable. Même s’il fallait pour cela en passer par l’atrocité du bûcher !
J’extrapole, bien sûr. Diana s’est attachée à nous décrire cette femme hors du commun par l’entremise du regard de Claire, mais jamais nous n’avons pu entrer dans son intimité.
Pourtant, alors qu’elle est portée à bout de bras, nageant au-dessus de la foule, elle continue sa confession. Peut-être endosse-t-elle réellement le rôle de Satan afin de tous les damner.
— J’ai couché avec Belzébuth ! Je lui ai voué mon âme pour l’éternité ! Je vais avoir l’enfant de Satan. Il vous maudira tous !
Les juges, dépassés par l’enchaînement des évènements ordonnent à la populace de recouvrir le corps dénudé de Geillis.
— Allez-y doucement ! Elle attend un enfant !
Ce qui démontre, me semble-t-il, à quel point ces deux-là sont hypocrites. Pourquoi couvrir une sorcière qu’on destine au bûcher ? Et pourquoi prendre soin du fils du démon ?
Est-ce une volonté de Diana de ne pas égratigner l’Église ? Il y a peu de chance, car elle est croyante, certes, mais honnête et lucide et elle est la première à dénoncer l’extrémisme, qu’il soit politique ou religieux.
Toujours portée à bout de bras, Geillis est transportée à travers la ville sous les huées des villageois. On note parmi la foule la présence de Jeanie, du père Bain et Laoghaire, juste à ses côtés.
Claire et Jamie, cachés à l’abri d’un mur regardent passer le corps malmené de cette femme qui vient de se sacrifier pour eux.
— Vient claire, il faut partir.