Possession
Allégeance
Protection
Consentement

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Le Talisman nous avait laissés sur la séparation déchirante de Claire et Jamie, dans un choix sacrificiel pour sauver leur enfant à naître, au milieu du désastre de Culloden qu’ils n’ont pu contrer, malgré tous leurs efforts.

Le Voyage commence par leur traversée de 20 ans de désert amoureux, de deuil et de manque persistant, sans apaisement ni acceptation. Ils cheminent en parallèle, construisent leur vie au fil des événements.

Jamie endure la solitude traquée, la prison et l’asservissement avant de pouvoir retrouver sa liberté. Il vit aussi la joie de devenir père, malgré lui, et tisse peu à peu une nouvelle amitié masculine avec Lord John Grey, après la perte de Murtagh et des siens.

Claire retrouve Frank, sans avoir plus rien à lui offrir tant son désarroi est immense, à la mesure de sa fidélité à Jamie. Dans ce vide sans perspective, elle va trouver deux ancrages : sa vocation de soin qui la conduit à devenir médecin chirurgien, et Brianna, que Jamie a confiée à la protection de Frank.

 

Filiations 

Celui-ci accepte cet enfant à naître, d’abord par amour pour Claire, avant de l’aimer pleinement comme sa fille : « Brianna est mon enfant, ma fille, poursuivit-il. La seule enfant que j'aurai jamais... (…) C'est toute l'ironie de notre vie conjugale. Moi, je ne peux pas me séparer d'elle et toi, tu ne peux pas la voir sans penser à lui. »

Ce n’est d’ailleurs pas la seule ironie de l’histoire, et le thème de la filiation nous en offre plusieurs : nous savons désormais que Jack Randall n’est pas l’ancêtre biologique de Frank, puisqu’il a assumé la paternité de son frère Alex.

Ni Jack ni Frank n’auront de descendance biologique. Et dans leur arbre généalogique officiel, c’est bien la fille de Jamie qui devient l’héritière de la lignée des Randall.

De même, Jamie, qui a tout perdu à ce moment-là, voit son fils biologique devenir l’héritier d’une noble lignée anglaise, 9ème Comte d’Ellesmere, seul et unique dépositaire des deux domaines d’Ellesmere et d’Helwater.

James Alexander Malcolm MacKenzie Fraser est ainsi le père de deux enfants inscrits dans les lignées de prestigieuses familles anglaises, dont les pères officiels sont impuissants ou stériles.

Enfin, lui-même sera privé d’élever et voir grandir les siens, que ce soit Faith avant même de naître, ou Brianna et William jusqu’à leur âge adulte.

Cela ne l’empêche pas d’être une figure paternelle pour d’autres, Fergus, Marsali ou Joan, et même Petit Ian puis Roger… (à ce propos, je vous invite à lire l’article de Valérie Gay-Corajoud, « Les enfants de Jamie » sur le site dinna-fash-sassenach.com).

 

Liens en échos 

Durant ce temps douloureux de séparation, Diana Gabaldon sème des moments vécus en écho, qui peuvent laisser supposer qu’ils restent inconsciemment connectés l’un à l’autre, malgré le temps et l’espace :

*  Lors d’un moment d’intimité de Claire avec Frank, et d’un rêve de Jamie :

(Chapitre 3 p43, Claire et Frank) Il baissa la tête et ses lèvres se refermèrent doucement sur le téton. Je gémis, sentant le picotement du lait qui se précipitait vers le mamelon.

Je posai la main sur sa nuque, le pressant doucement contre moi.

– Plus fort, murmurai-je.

(Chapitre 11 p159, Jamie à Ardsmuir) Cette nuit-là, il rêva de Claire. (…) Ses yeux étaient dorés. Puis son sein s'écrasa contre sa bouche et il le prit goulûment entre ses lèvres, attirant son corps contre le sien tandis qu'il suçait avidement. Son lait était chaud et sucré, avec un léger goût d'argent, comme le sang d'un cerf.

– Plus fort, murmura-t-elle.

Elle glissa une main derrière sa nuque et pressa sa tête contre son sein.

– Plus fort, répéta-t-elle. (…) Il referma aussitôt les yeux mais le rêve était parti.

* Lorsque l’un et l’autre découvrent des romans d’aventures amoureuses : Jamie à Helwater, la nuit précédant la naissance de William et la mort de Geneva (Chapitre 15 p196), et Claire en salle de repos à l’hôpital près de Joe Abernathy, après sa première opération de chirurgie (Chapitre 18 p222).

 

Grâce à la quête déterminée de Roger et Brianna, viennent enfin les retrouvailles. Claire a désormais 50 ans, et Jamie 45. Elle a pris le temps d’imaginer son retour vers lui, avec toutes les peurs et les inconnues de ce qu’elle ose.

Lui, rien ne l’a préparé lui à un tel choc. Il ne peut traverser les pierres, il ne peut ni venir à elle ni la ramener (ses seuls pouvoirs sur le temps semblent résider dans ses rêves…). Et pourtant, malgré la vertigineuse surprise de son apparition, il l’accueille de manière inconditionnelle dès le premier instant, sans doute ni retenue. Nous les retrouvons émus et fébriles, portés par une intensité qui n’a pas faibli, dans ce partage mutuel généreux qui les caractérise.

L’amour est là, évident. Mais ce sentiment issu de leur histoire passée, fidèlement chérie, va devoir se risquer et se confronter à ceux qu’ils sont devenus.

Le souvenir et l’imaginaire ont vécu, c’est le temps du réaccordage…

 

Des valeurs cardinales 

La force de leur relation tient notamment par leur capacité à surmonter leurs difficultés, grâce à deux qualités fondamentales qu’ils partagent et qui ont scellé le premier lien authentique de leurs noces forcées : l’honnêteté et la confiance.

Ils se réfèreront souvent à ce premier engagement demandé par Jamie :

« Claire, j'ai une chose à te demander. (…) La sincérité. (…) Je ne veux pas te pousser à me confier des secrets qui ne me regardent pas. J'ai moi aussi des choses que je ne peux pas te dire, du moins pour le moment. Je ne peux donc attendre de ta part ce que moi–même je ne suis pas en mesure de donner. En revanche, si tu dois me parler, alors dis-moi la vérité. Et je te promets de faire de même. Notre seul bien pour l'instant, c'est le respect l'un de l'autre. Or, le respect n'est pas incompatible avec les secrets, mais il l'est avec le mensonge. Tu es d'accord avec moi ? Il me tendit ses mains, paumes ouvertes. (…) Je plaçai mes mains dans les siennes. – Oui, je suis d'accord. Je serai toujours sincère avec toi. – Et moi de même. »

 

Ils partagent encore cette communauté de valeurs, auxquels s’ajoutent une profonde attention à l’autre, et un courage constant.

 

La peur et le désir 

Vingt-trois ans avant, c’est Claire qui portait le secret de sa présence, sans savoir comment le confier sans mettre sa vie en danger. Cette fois, c’est Jamie qui a besoin de temps pour se dévoiler à son tour. Comme elle auparavant, il ne cherche pas à la tromper, mais il craint par-dessus tout l’incompréhension et le rejet. Il assume son histoire, même lorsqu’il n’en est pas fier. Il ne se victimise ni ne met les autres en cause. Seulement, il a besoin de temps pour partager avec justesse ce qu’il a vécu. Laoghaire, Geneva, William… mais aussi les ombres et les blessures intimes qu’il ne dévoilera que peu à peu, au fil des années (et des tomes suivants) : John, la réclusion avilissante d’Ardsmuir, le fouet, la misère affective. Il faudra par exemple attendre le sixième tome pour qu’il se livre à elle sur deux moments significatifs de cette époque (le marché proposé à John et Mary MacNab).

Sa joie de l’avoir retrouvée et son désir de la garder près de lui sont aussi puissants que sa peur de la voir le rejeter et quitter de nouveau sa vie. En plus de l’amour qu’il lui voue, il a déposé chez elle une part de son cœur et de son âme. Sans elle, il n’est plus complet, entier. Il le lui disait déjà lors de leur vie commune, il le lui confirme encore lors de leur virulente altercation, à la découverte de son mariage avec Laoghaire :

         « Je n'ai pas osé te le dire de peur que tu repartes. Je n'ai pas eu ce courage ! Est-ce que tu sais seulement ce que c'est de vivre vingt ans sans un cœur ? De n'être un homme qu'à moitié ? »

« Si je te l'avais dit, tu aurais tourné les talons et je ne t'aurais plus jamais revue. Crois-moi, j'aurais fait bien pire que mentir pour te garder auprès de moi ! »

 

Bien plus tard, en Jamaïque, malgré leur complicité retrouvée et leurs liens renouvelés, il se confie encore en ce sens au sujet de William :

         « Pourtant, je me disais sans cesse : Comment puis-je lui expliquer tout ce qui est arrivé : Geneva, Willie... John ? (…) J'ai failli t'en parler, une fois, mais c'était avant que tu découvres mon mariage avec Laoghaire. Ensuite, c'était trop tard. Comment pouvais-je te dire la vérité, et être sûr que tu comprendrais la différence ? Geneva, la mère de Willie... elle voulait mon corps. Laoghaire voulait mon nom et la sueur de mon front pour subvenir à ses besoins et à ceux de ses filles. John... John a eu mon amitié, et moi la sienne. Mais comment te raconter tout ça, puis te dire que je n'ai jamais aimé que toi ? Comment pourrais-tu me croire ? »

 

La culpabilité partagée 

De manière plus diffuse mais toute aussi prégnante, il n’y a pas que la peur qui retient Jamie, il y a aussi la culpabilité.

Claire peut agir sur sa peur et le rassurer. Elle a fait la preuve de son propre engagement. Elle a tout quitté pour lui dès qu’elle l’a su vivant. Elle a abandonné sa vie construite à Boston, et elle a même renoncé à sa fille. Ce don total dit tout.

Mais Jamie est croyant, habité par l’idée d’une justice sacrée, et il porte le poids de ses actes. Il le lui a déjà dit lors de leur séparation : « Si je dois endurer deux siècles de purgatoire, deux siècles sans toi, c'est que tel est le prix que je dois payer pour mes crimes. J'ai menti, j'ai tué, j'ai volé, j'ai trahi et j'ai manqué à ma parole. »

Le retour de Claire est un cadeau divin (« Dieu t’a rendu à moi ») mais quel peut en être le prix ? Il évoque plus tard la mort de Murtagh à Culloden, et cette culpabilité de perdre ceux qui l’aiment. Celle-ci se décuple lors de l’enlèvement de Petit Ian, qu’il a envoyé chercher le trésor sur l’île, pour payer le solde de sa dette de mariage à Laoghaire : « Est-ce que c'est mal pour moi de t'avoir à mes côtés ?! (…) Je n'arrête pas de me dire que... est-ce ma faute ? Est-ce pécher ? De te vouloir autant, d'avoir autant besoin de toi, plus que de la vie elle-même ? (…)  Dieu t'a rendu à moi ; comment ne puis-je pas t'aimer ? Et pourtant, je n'arrête pas d'y penser, je n'arrive pas à arrêter. »

 

Sans partager les mêmes croyances de Jamie, Claire porte aussi sa part de culpabilité, mais plutôt vis-à-vis de lui. Elle en témoigne à deux sujets. Le premier concerne évidemment Frank. En choisissant le bénéfice d’une vie de famille équilibrée pour Brianna, sa fidélité sentimentale à Jamie n’a pas faibli pour autant, causant par là même une souffrance chez Frank dont elle était la spectatrice impuissante.

Par ailleurs, elle apprend les affres du parcours de Jamie en son absence, alors qu’elle a vécu dans le confort et la sécurité matérielle. Jamie tente de la dédouaner, en toute sincérité et responsabilité : « Je t'ai dit de partir, je t'ai dit d'oublier. Est-ce que j'ai le droit de t'accuser de m'avoir obéi Sassenach ? Non. ». Mais sa jalousie vivace demeure : « Et parfois, je pouvais vous voir, vivant tous les deux, faisant l'amour, lui tenant mon enfant dans ses bras ! J'aurais pu te tuer dans des moments pareils ! »

Enfin, un doute coupable subsiste, le temps de le partager avec Jamie : et si elle avait regardé en arrière avant, si elle avait tenté de savoir, l’aurait-elle retrouvé plus tôt, auraient-ils eu plus de temps ensemble ?

 

Lecture et cicatrices 

Ce sont toutes ces cicatrices-là qu’ils portent lorsqu’ils se retrouvent. Passé douloureux, souffrances, pertes, regrets, peurs, culpabilité… Lors de leurs retrouvailles, vingt ans de lecture à rattraper les attendent. Celle qui s’offre à voir physiquement, par leurs rides, l’argent aux cheveux et leurs cicatrices aux corps, maternelles ou guerrières. Puis la lecture subtile, le récit mutuel des cœurs et des âmes retrouvées pour le meilleur, sans craindre le pire.

 

Dans cet esprit, la possession exprimée par Jamie est bien moins présente dans ce volet que l’allégeance, amplement exprimée dans la fidélité du souvenir puis la joie de la présence.

Le consentement revient, plein du charme délicieux des retrouvailles prudentes et délicates.

Et la protection s’impose, puissamment animée par la peur de la perdre de nouveau. Pourtant, malgré les douleurs passées et la passion retrouvée, lorsque la vie de Brianna est de nouveau en jeu, Jamie refait le même choix : pour protéger leur fille, il demande à Claire d’être prête à le laisser se sacrifier, à passer de nouveau les pierres et à se séparer encore s’il le faut.

 

King of the Men, quoiqu’il en coûte.

 

Bonne lecture, et au plaisir de vos retours !

Carolyn

Jamie Fraser :

entre possession et allégeance, consentement et protection 

 

Tome 3 

Par Carolyn Garcin 

 

 

Outlander

 Le voyage - Tome 3

 

Le Voyage… et le réaccordage, ce périple l’un vers l’autre

 

 

Nous voici au troisième tome de la saga, pour la suite du parcours de Jamie sous l’angle de sa relation amoureuse à Claire, sur les thèmes déjà évoqués de la possession, de l’allégeance, du consentement et de la protection.

Ces valeurs en écho chez Claire aux moments significatifs sont indiqués en italique.

 

Comme pour les deux volets précédents, je vous livre les extraits bruts, référencés chronologiquement par chapitre et page, en tentant d’aller à l’essentiel, ce qui oblige à de nombreuses coupes mentionnées par un (…), tout en laissant les éléments de contexte qui vous permettent de retrouver l’émotion du moment.

 

J’ai pris le temps d’y insérer les précieuses traductions de Marie Modica et Lucie Bidouille, qui corrigent peu à peu les oublis des publications françaises, et nous partagent ainsi petites perles et délicieux bijoux.

TOME 3 Le Voyage

 

Chapitre 1 p7 Culloden 

Il n'aurait jamais cru qu'un mort puisse avoir autant mal au nez. (…) Y avait-il autre chose ? Claire ! Ce prénom lui transperça le cœur, lui infligeant une souffrance plus cuisante que tout ce qu'il avait supporté jusqu'alors. S'il avait encore eu un corps digne de ce nom, il aurait sans doute été plié en deux par la douleur. (…) Il ignorait si les âmes du purgatoire avaient le droit d'implorer leur Seigneur mais il décida néanmoins de tenter le coup. Mon Dieu, faites qu'ils soient sains et saufs, elle et l'enfant ! Il était sûr qu'elle avait réussi à rejoindre le cercle de menhirs. Elle n'était enceinte que de deux mois et courait vite. En outre, c'était la femme la plus têtue qu'il ait jamais rencontrée. Mais était-elle parvenue à retourner là d'où elle était venue ? Avait-elle longé sans encombre le périlleux chemin du temps, naviguant à l'aveuglette dans les limbes mystérieux entre le passé et l'avenir ? Il ne le saurait probablement jamais et cet horrible doute suffisait à lui faire oublier les élancements sourds de son nez cassé. 

 

(p11) Penser à elle ne fit que raviver sa douleur. Si seulement elle avait été là, avec lui, posant ses mains sur ses plaies, pansant ses blessures et berçant sa tête sur ses genoux ! Mais elle était partie, partie à deux cents ans de distance, Dieu en soit loué ! Les larmes se mirent à couler le long de ses joues et il se roula en boule pour les cacher à ses compagnons. Seigneur, faites qu'ils soient sains et saufs ! pria-t-il. Elle et l'enfant. 

 

(p13) Son sort était scellé, il n'avait plus à s'inquiéter de rien. Il avait fait son possible pour ses hommes, sa femme et son enfant à naître. Désormais, il n'aspirait plus qu'à mettre un terme à ses propres souffrances et à trouver la paix. (…) Claire l'attendrait-elle de l'autre côté ? Sans doute devrait-il endurer leur séparation pendant quelque temps encore ? Dans un cas comme dans l'autre, ils se retrouveraient tôt ou tard. Il ne pouvait en être autrement. Cette conviction était encore plus forte que sa foi. Dieu lui avait donné cette femme. Il ne pouvait la lui enlever à jamais. 

 

Chapitre 2 p22 Claire, Roger et Brianna 

– S'il n'est pas mort à Culloden, répéta-t-il plus fermement cette fois, je peux toujours essayer de découvrir ce qui lui est arrivé. Qu'est-ce que vous en dites ?

(…) Elle avait déjà par deux fois franchi le gouffre du temps. Si Jamie Fraser n'était pas mort à Culloden, aurait-elle le courage de tenter l'aventure à nouveau ? Il vit une lueur étrange poindre au fond de ses yeux d'ambre, comme si elle venait de lire dans ses pensées. (…)

– Oui, dit-elle enfin d'une voix si faible qu'il dut tendre l'oreille. Oui, découvrez-le pour moi. S'il vous plaît. Je dois savoir. 

 

Chapitre 5 p59 Jamie Gribonnet 

– Jamie... qu'est-ce que tu fabriques ?

Jenny l'observait d'un air intrigué. (…)

– Je nettoie mon couteau, expliqua-t-il en essuyant la lame. Claire m'a dit qu'il fallait toujours tremper sa lame dans l'eau bouillante avant de la mettre en contact avec de la nourriture. 

Sa sœur ne dit rien mais il devina son étonnement. Elle ne l'avait interrogé qu'une seule fois au sujet de Claire. (…)

Elle est partie, avait-il répondu en détournant le regard. Ne prononcez plus jamais son nom devant moi. (…) 

Il n'aurait su dire pourquoi il venait de prononcer son nom aujourd’hui, à moins que ce ne soit à cause de ses rêves. (…) Il se réveillait immanquablement le lendemain matin avec une étrange sensation, comme si Claire avait réellement été là, si près de lui qu'il sentait encore le contact de sa peau sur la sienne. Parfois, au réveil, il aurait juré sentir encore son odeur flotter autour de lui, musquée et riche, rehaussée d'une pointe fraîche et poivrée de feuilles et d’herbe. 

 

(p71) Accouchement de Jenny 

– Je sais que tu portes encore le deuil de Claire, continua-t-elle doucement. (…) Je suis sûre que Claire n'aurait pas voulu que tu vives seul pour le restant de tes jours, sans personne pour te réconforter ni porter tes enfants. (…)

Elle portait notre enfant quand... je l'ai perdue, dit-il simplement en parlant à son image. Comment aurait-il pu l'exprimer autrement ? Il n'avait aucun moyen d'expliquer à sa sœur où était Claire, ou, plutôt, où il espérait qu'elle était. Comment lui faire comprendre qu'il ne pourrait jamais penser à une autre femme ? qu'il était condamné à prier secrètement pour qu'elle soit toujours en vie, tout en sachant qu'il ne la reverrait jamais ? 

Un long silence s'installa dans la chambre. Puis Jenny s'enquit d'une voix douce :

– C'est pour ça que tu tenais tant à venir aujourd’hui ?

Il soupira et se tourna vers elle, appuyant sa tempe contre la vitre glacée.

– Peut-être. Je n'ai pas pu aider ma femme à mettre notre enfant au monde, alors j'ai voulu t'aider, toi. Mais j'ai été aussi inutile à toi qu'à elle, ajouta-t-il avec amertume. Dans un cas comme dans l'autre, je n'ai servi à rien. 

 

Chapitre 6 p59 Mary MacNab 

Elle l'interrompit en posant les lèvres sur les siennes. Elles étaient douces. Il lui saisit fermement les poignets et s'écarta.

– Non ! dit-il. Ne faites pas ça. Je ne veux pas. (…)

– Je sais ce que vous pensez, murmura-t-elle. J'ai vu votre femme et je sais la force qui vous unissait. Je n'ai jamais connu ça, avec aucun de mes deux maris. Mais je sais reconnaître un véritable amour et je ne veux pas que vous ayez l'impression de la trahir. (…) Tout ce que je veux, reprit-elle, c'est vous donner quelque chose de différent... de moins beau, peut-être, mais d'utile. Quelque chose qui vous aidera à rester vous-même. Votre sœur et les petits ne peuvent vous le donner, moi si. (…) Laissez-moi vous donner ce petit quelque chose en retour.

Il sentit les larmes lui brûler les paupières. (…) Il tendit les mains, lentement. (…)

– Je... je ne l'ai pas fait depuis longtemps, dit-il, soudain intimidé.

– Moi non plus. Mais je suis sûre qu'on se souviendra.

 

Chapitre 9 p126 Lord John Grey 

– Les plantes vertes préviennent le scorbut ? D'où le tenez-vous ?

De ma femme, rétorqua Fraser sur un ton cinglant. (…)

– Votre femme... où est-elle ?

L'Écossais lui décocha un regard d'acier qui lui glaça le sang. (…) Cela ne dura qu'un instant, puis l'Écossais retrouva sa courtoisie distante.

Ma femme est partie, dit-il simplement avant de se détourner à nouveau.

Grey fut envahi par des sentiments contradictoires. D'une part, il était soulagé d'apprendre la disparition de celle qui avait été la cause de son humiliation. D'un autre côté, il était navré d'être le témoin d'une douleur aussi manifeste. 

 

Chapitre 9 p148 La Dame Blanche 

– Je vous ai déjà parlé... de ma femme. 

L'Écossais articulait comme si chaque mot lui écorchait la langue.

– En effet, vous m'avez dit qu'elle était morte.

Non, j'ai dit qu'elle était partie, major. Elle est probablement morte mais... 

Il s'interrompit et déglutit.

– Ma femme était guérisseuse, reprit-il. (…) C'était une dame blanche... (…)

– La sorcière blanche ! souffla-t-il. Alors, cet homme faisait allusion à votre épouse ?

C'est ce que j'ai d'abord pensé. C'est pourquoi il fallait que j'aille vérifier. Il fallait que je voie de mes propres yeux. (…)

– Je vois. Et votre femme... ?

Fraser fit non de la tête.

Elle n'avait rien à voir là-dedans. Elle est vraiment partie. 

Bien que toujours aussi impénétrables, les traits de Fraser étaient creusés par le chagrin.

 

Chapitre 11 p156 Souvenir de leur rencontre 

– Harold, mon frère, m'a forcé à aller voir le corps... Il prétendait qu'autrement je ne pourrais jamais croire à sa mort. Tant que je n'aurais pas constaté de mes propres yeux qu'Hector, mon ami, nous avait vraiment quittés, je ne pourrais cesser de le pleurer.

– Estimez-vous que votre vie est un fardeau insoutenable, monsieur Fraser ? (…)

– Finalement, pas trop, répondit-il enfin. Ce qui est insoutenable, c'est de ne pouvoir secourir ceux qu'on aime. 

– Et non pas de n'avoir personne à aimer ? 

Fraser réfléchit avant de répondre.

Non, ça c'est le vide, mais ce n'est pas ce qu'il y a de plus insupportable. (…)

– Votre femme... elle était guérisseuse, c'est bien cela ?

Oui. Elle... elle s'appelait Claire. 

Fraser déglutit péniblement, puis leva son verre et but comme s'il cherchait à déloger quelque corps étranger coincé dans sa gorge. 

– Vous l'aimiez beaucoup, n'est-ce pas ? (…)

– Je comptais vous remercier un jour, major, dit doucement Fraser. (…) De cette nuit à Carryarrick, lorsque nous nous sommes rencontrés la première fois. De ce que vous avez fait pour ma femme. (…)  Vous vous êtes montré un ennemi courageux, major. Ça ne s'oublie pas. (…) Vous avez refusé de trahir les vôtres au péril de votre vie, mais vous avez parlé pour sauver l'honneur d'une femme. L'honneur de ma femme. Pour moi, c'est un acte de bravoure incroyable. (…)

– Je n'ai pas sauvé votre femme, dit Grey avec amertume. Elle n'était même pas en danger.

– Oui, mais vous ne pouviez pas le savoir, rectifia Fraser. Vous pensiez sauver sa vie et sa vertu, au mépris de la vôtre. Votre geste était le plus bel honneur qu'on puisse faire à une femme. J'y repense parfois, depuis que... qu'elle n'est plus là. 

Sa voix avait à peine tremblé en prononçant ces dernières paroles. Seule la contraction des muscles de son cou avait trahi son émotion. 

– Je vois... dit lentement Grey. Je suis désolé pour votre femme. (…)

Votre frère avait raison, major. Merci et bonne nuit.

 

Chapitre 12 p170 Ardsmuir 

Claire, sa propre Claire... qui l'avait envoyée à lui, qui l'avait propulsée dans une vie à laquelle elle n'était pas destinée ? Pourtant, elle avait su y trouver sa juste place. Tout le monde n'avait pas la chance de savoir quel était son don.

 

Chapitre 13 p179 Helwater 

Mais toujours, la première prière du matin et la dernière avant de s'endormir étaient pour Claire. Seigneur, faites qu'ils soient en sécurité, elle et l'enfant. 

 

 

Chapitre 16 p212 Départ de Helwater, séparation d’avec William 

– À quoi elle sert, cette bougie ? demanda Willie. (…)

– Eh bien... euh... c'est une façon de prier... et de se souvenir. (…)

– À qui tu penses, toi ?

– Oh, à beaucoup de gens. À ma famille dans les Highlands... à ma sœur et sa famille. À mes amis. À ma femme. (…)

Willie fronça les sourcils.

– Mais tu n'as pas de femme.

– Non. Plus maintenant. Mais j'en ai eu une et je pense toujours à elle. 

Willie avança un doigt prudent et effleura la statuette. La Vierge tendait les mains en avant en signe de bienvenue, son doux sourire exprimant une sérénité toute maternelle.

 

Chapitre 17 p216 Claire et Roger 

Elle observait le loch d'un air lointain, la main en visière pour se protéger du soleil.

– Vous aimez les hommes, n'est-ce pas ? dit-il soudain. Les grands...

Elle sourit sans le regarder.

Un seul. 

– Vous repartirez, si j'arrive à le retrouver ? (…)

– Je n'en sais rien, répondit-elle enfin. J'y ai pensé, naturellement, mais pour cela, il faudrait retraverser...

 

Chapitre 19 Claire à Boston, avant son départ souvenir avec Frank 

 passage non traduit dans le livre français, disponible sur cette page. 

Je n'avais pas cette relation avec les objets. Je n'avais aucune envie d'en posséder ou d'en décorer mon intérieur (…) Que ce soit à cause de mon éducation nomade, ou seulement de ma manière d'être, je vivais surtout dans ma peau, sans aucune envie de modifier mon environnement pour m'y refléter. Jamie était comme moi. Il avait eu quelques petits objets, à l'abri dans son sporran, parce qu'ils étaient utiles ou bien comme talismans, mais au-delà de cela, il n'avait ni possessions ni fait grand cas des objets d'une manière générale. Même pendant les quelques mois où nous avions vécu dans le luxe à Paris, (…) il n'avait jamais montré aucun intérêt à acquérir des objets. (…) Ou peut-être était-ce naturel pour lui, ce renoncement face aux possessions matérielles, ce sentiment d'autosuffisance – une des choses qui nous avait fait nous rapprocher. 

 

(p234) Souvenir avec Frank 

Il contourna le lit et vint se placer près de moi.

 – (…) Il ressemblait à Brianna, n'est-ce pas ?

– Oui.

Je le voyais à ton visage... quand tu la regardais. Je pouvais presque t'entendre penser à lui. (…)

– Je t'ai aimé, murmurai-je. Autrefois. (…) Et puis, après, j'ai essayé. Je te jure que j'ai essayé. (…)

– Je ne pouvais pas t'abandonner seule, perdue, enceinte. Et puis, il y a eu Brianna. Je n'ai pas pu renoncer à elle. (…) Tu savais que je ne pouvais pas avoir d'enfants ? (…) Je suis stérile. Tu le savais ?

Je fis non de la tête.

– Brianna est mon enfant, ma fille, poursuivit-il. La seule enfant que j'aurai jamais... (…) C'est toute l'ironie de notre vie conjugale. Moi, je ne peux pas me séparer d'elle et toi, tu ne peux pas la voir sans penser à lui. Je me demande... si elle ne lui avait pas tant ressemblé, est-ce que tu aurais fini par l'oublier ? 

– Non, murmurai-je. 

Ma réponse sembla lui envoyer une décharge électrique dans tout le corps.

 

Chapitre 22 Roger et Brianna à la veille du départ de Claire 

passage non traduit dans le livre français, disponible sur cette page. 

Il vint s'asseoir près d'elle et lui prit la main.

– Elle pourra peut-être revenir, dit-il doucement.

– Qui sait ? Brianna secoua la tête, ne quittant pas des yeux les flammes dansantes. Ça m'étonnerait. Elle nous a raconté comment c'était. On ne sait même pas si elle survivra à la traversée. (…)

Roger jeta un coup d'œil vers la porte, pour s'assurer que Claire était bien à l'étage, puis il s'assit sur le canapé à côté de Brianna.

Sa place est à ses côtés, Bree. Tu ne le vois donc pas ? Quand elle parle de lui ? 

– Je le vois. Je sais qu'elle a besoin de lui. 

Sa lèvre inférieure tremblait légèrement.

– Mais... moi aussi j'ai besoin d'elle !

 

Chapitre 24 p234 Retrouvailles 

passage mieux traduit, disponible sur le site dinna-fash-sassenach.com

Je tendis la main et touchai du bout des doigts les lettres du nom, gravées en noir. A. Malcom. Alexander Malcolm. James Alexander Malcolm McKenzie Fraser. Peut-être. Une minute de plus et mes nerfs allaient lâcher. Je poussai la porte et entrai. (…)

La porte de l'atelier était ouverte. (…) On y devinait la masse anguleuse d'une grosse presse. Jamie était penché dessus, me tournant le dos. « Geordie, c'est toi ? » demanda-t-il sans se retourner. (…)

– Ce n'est pas Geordie , dis-je d'une voix anormalement aiguë éraillée. C'est moi, Claire.

Il se redressa très lentement. (…) Il se retourna. Il me dévisagea sans rien dire. Les veines de son cou tremblèrent légèrement tandis qu'il déglutissait mais il resta muet. (…)

– Quand t'es-tu cassé le nez ? (…)

– Trois minutes après t'avoir quittée... Sassenach.

Il avait eu une hésitation avant de prononcer ce mot, presque une question. Il n'y avait pas plus d'un mètre entre nous. (…) Son calme vola en éclat.

– Tu es réelle. C'est... c'est vraiment toi ! murmura-t-il. (…)

– Alors, c'est l'effet que je te fais ? lui dis-je en souriant. (…)

– C'est l'effet que tu me fais et pire encore, Sassenach dit-il. (…) Dieu soit loué, tu es réelle.

– Toi aussi, dis-je en relevant la tête pour le regarder. Je... je t'ai cru mort.

J'avais voulu parler d'un ton léger mais ma voix me trahit alors. Les larmes commencèrent à rouler le long de mes joues et finirent par s'écraser sur le tissu rugueux de sa chemise tandis qu'il me serrait fort contre lui. (…) Mes propres doigts étaient agrippés à son bras, accrochés au tissu comme si je craignais qu'il ne disparaisse d'un instant à l'autre. Saisi sans doute par la même peur, il me prit soudainement par les épaules et s'écarta de moi, scrutant intensément mon visage. (…) Il rit aussi, essuyant ses larmes d'un doigt, sans me quitter une seconde des yeux. Soudain, je ne supportai plus de ne pas le toucher. Je plongeai alors vers lui et il eut juste le temps d'ouvrir les bras pour m'attraper. Je le serrais si fort que je pouvais sentir ses côtes craquer ; je sentais ses mains caresser mon dos tandis qu'il répétait inlassablement mon nom. Enfin, nous fûmes en mesure de nous lâcher quelques minutes. (…)

Il rabattit ses culottes sur ses hanches, mais se souvenant de ma présence, il s'arrêta et leva les yeux vers moi, rougissant légèrement. 

– Tu peux y aller, le rassurai-je en rougissant à mon tour. Nous sommes mariés.

Je baissai néanmoins les yeux avant d'ajouter :

– Enfin... je crois.

Il me dévisagea longuement, puis sourit tendrement.

Bien sûr que nous sommes mariés. (…)

Je tendis la main, à la fois pour l'arrêter et l'accueillir. Rien au monde ne me tentait plus que de le toucher à nouveau, mais je me sentais étrangement timide. Après une si longue séparation, comment repartir de zéro ? Lui aussi devait ressentir ce mélange de timidité et d'intimité, car il s'arrêta à quelques centimètres de moi et prit ma main. Il hésita un long moment, puis se pencha et la baisa délicatement, ses lèvres effleurant à peine mes phalanges. Ses doigts rencontrèrent mon alliance en argent et s'y attardèrent, la faisant rouler doucement entre le pouce et l'index.

Je ne l'ai jamais enlevée, murmurai-je. Pour une raison obscure, il me paraissait indispensable qu'il le sache. Il me pressa légèrement la main et ne relâcha pas son étreinte.

– Je veux... 

Il s'arrêta et déglutit, toujours en me tenant les mains. (…)

Je voudrais vraiment t'embrasser Sassenach, dit-il dans un souffle. Puis-je ? (…)

– Oui, murmurais-je.

Il m'attira doucement contre lui, tenant toujours nos mains liées contre sa poitrine.

Je n'ai pas fait ça depuis bien longtemps, dit-il. 

Je vis l'espoir et la peur dans le bleu de ses yeux. (…)

– Moi non plus.

Il prit mon visage entre ses mains avec une délicieuse délicatesse et posa ses lèvres sur les miennes. (…) Mais nous étions des étrangers maintenant, se touchant à peine, chacun cherchant le chemin vers l'autre, lentement, timidement, cherchant et donnant un consentement sans aucun mot, avec nos lèvres muettes. Je fermai les yeux et je devinai qu'il faisait de même, nous avions trop peur de nous regarder en face. (…)

Je t'ai vue tant de fois, chuchota-t-il à mon oreille. Tu venais à moi si souvent. Parfois dans mes rêves. Je t'ai vue lorsque j'avais la fièvre, lorsque j'étais si seul et si terrifié que je croyais mourir. Chaque fois que j'ai eu besoin de toi, tu es venue. Mais tu ne m'as jamais parlé. Tu ne m'as jamais touché. 

– Je peux te toucher à présent. (…)

Il redressa la tête, prit mon visage dans ses mains, l'amour brillant intensément dans ses yeux bleu nuit.

Il n'y a plus à avoir peur, chuchota-t-il encore, nous sommes enfin réunis. (…)

L'autre pièce était aussi dépouillée qu'une cellule de moine. (…) Je poussai un discret soupir de soulagement en l'apercevant, réalisant seulement maintenant que j'avais alors jusque-là retenu mon souffle. Il dormait seul. Un rapide coup d'œil alentour me confirma l'absence de toute présence féminine dans la chambre, et mon cœur recommença à battre normalement. Il était clair que personne mis à part Jamie ne vivait ici. (…)

Le rire hystérique nous avait quitté, tout comme les larmes, même si son visage portait encore les marques d'une vive et soudaine émotion, tout comme le mien.

– Je suis si heureux que tu sois là, Claire... dit-il doucement. Je pensais que je ne... jamais. (…) Il déglutit puis demanda en évitant mon regard en me regardant dans les yeux :

Et l'enfant ? dit-il. Son visage exprimait à la fois un espoir fou et une peur intense. Je le regardai alors en souriant et lui tendis la main. (…)

– Comment... l'as-tu appelée ?

– Brianna, répondis-je fièrement.

– Brianna ? répéta-t-il en fronçant les sourcils. Quel nom affreux pour une petite fille ! (…)

– Ce n'est pas affreux ! protestai-je. C'est un très joli nom, et puis, c'est TOI qui m'as demandé de l'appeler comme ça ! (…) Quand nous... quand... la dernière fois que je t'ai vu. (…) Tu m'as demandé de donner au bébé le nom de ton père. Il s'appelait Brian, n'est-ce pas ? (…)

– Aye, tu as raison, je te l'ai demandé. C'est seulement ... eh bien, je pensais que ce serait un garçon, c'est tout.

– Tu es déçu que ce ne soit pas le cas ? (…)

Non, je ne suis pas déçu. Bien sûr que non ! (…) Mais ça me fiche un sacré coup de la voir, Sassenach. Toi aussi. (…)

– Je veux bien te croire. Regrettes-tu que je sois revenue ? (…) Veux-tu que je m'en aille ? 

Sa main se referma sur mon bras avec une telle force qu'il m'arracha un cri. S'étant rendu compte qu'il me faisait mal, il desserra son étreinte, mais sans me lâcher pour autant. Son visage avait pâli à cette idée. Il prit une profonde inspiration et expira.

Non, dit-il avec un calme approximatif. Je ne veux pas. Je... 

Il s'interrompit brusquement, la mâchoire serrée. 

– Non ! répéta-t-il d'une manière définitive. (…)

– Sacrebleu ! répéta-t-il.

Enfilant ses souliers à la hâte, il arracha son manteau suspendu à un crochet et s'arrêta sur le pas de la porte.

Tu veux venir avec moi ? (…)

– Rien au monde ne pourra m'en empêcher, l'assurai-je.

 

Chapitre 25 p276 A la taverne 

passage mieux traduit, disponible sur cette page. 

L'apprenti tourna brusquement son regard mauvais vers moi. (…) Il avança une grosse paluche crasseuse vers ma cape et en écarta un pan, découvrant ma robe en soie jaune. (…)

- Ta gueuse m'a l'air bien de chez nous, dit-il d'un air satisfait. Elle est comme ça partout ?

Avant que je n'aie eu le temps d'ouvrir la bouche, il attrapa le haut du corsage et tira dessus d'un coup sec. (…) La fine étoffe se déchira de haut en bas, révélant une étendue non négligeable de chair rose.

– Laisse-la, fils de pute ! rugit Jamie le regard noir et brandissant un poing menaçant. 

– Qui tu traites de fils de pute ?

Le second apprenti, coincé contre le mur, sauta sur la table et s'élança hardiment vers Jamie. C'était un mauvais calcul, car Jamie n'eut qu'à faire un pas de côté pour que le garçon aille s'écraser tête la première contre le mur d'en face. Jamie avança d'un pas vers le premier larron arracheur de robe et lui assena un coup net sur le crâne, le faisant rétrécir de plusieurs centimètres. Puis il m'attrapa par le bras et me tira vers la sortie. 

– Vite ! On va tous les avoir sur le dos dans quelques minutes.

(…)

Un faible fredonnement s'éleva du fût près de nous. Bien que j'eusse du mal à comprendre, l'inflexion de la voix était nettement interrogative.

Ferme-la ! aboya Jamie. Encore un mot et c'est moi qui vais piétiner ta face de rat. On verra si ça te plaît toujours autant. 

Il y eut un gloussement amusé puis le fût se tut.

– Il veut que quelqu'un lui marche sur le visage ? m'étonnai-je.

– Oui, toi. Il esquissa une moue penaude et ses joues rosirent. Je n'ai pas eu le temps de lui expliquer qui tu étais, s'excusa-t-il. (…)

 

(p280) La maison des plaisirs 

passage mieux traduit, disponible sur cette page. 

Jamie frappa à la porte et celle-ci s'ouvrit en grinçant, dissipant aussitôt tous mes souvenirs du passé. (…) Mon ventre se noua, puis se détendit en entendant Jamie l'appeler « Madame Jeanne ». Ce n'était pas ainsi qu'on saluait son épouse, ni, espérais-je, sa maîtresse. (…) Elle glissa un bras sous celui de Jamie et l'attira à part avec un air possessif qui acheva de me déplaire. 

– Monsieur Fraser, susurra-t-elle en touchant Jamie à l'épaule d'un air possessif et détestable, puis-je vous toucher deux mots en privé ? (…)

– Naturellement, Madame Jeanne, répondit-il courtoisement, mais permettez-moi d'abord de vous présenter ma femme, madame Fraser. 

Mon cœur s'arrêta un instant, puis reprit ses pulsations en battant comme un tambour, avec une telle force qu'il devait sûrement être audible par tous dans le petit hall d'entrée. Jamie croisa mon regard et sourit, ses doigts serrèrent alors mon bras un peu plus fermement. (…)

– Jamie, pourquoi as-tu ta chambre dans un bordel ? (…)

Pardonne-moi, Sassenach. Je sais que je n'aurais pas dû t'amener ici, mais c'est le seul endroit où on pourra faire recoudre ta robe rapidement et obtenir un repas chaud. (…) Mais c'était sans doute une mauvaise idée. On peut partir, si tu trouves que... 

– Le problème n'est pas là, l'interrompis-je. Ce que je veux savoir, c'est pourquoi tu as une chambre dans un bordel. Tu es un si bon client ?

lI leva vers moi des yeux stupéfaits. 

– Un client ? Ici ? Mon dieu ! Sassenach, pour qui me prends-tu ? 

– Je n'en sais trop rien, justement. C'est pour ça que je te pose la question. Est-ce que tu vas me répondre ? (…)

 – Oui, je vais te répondre. Ce n'est pas moi qui suis un client de Mme Jeanne, mais Mme Jeanne qui est ma cliente. (…)

Je me détendis un peu, à demi soulagée. (…)

– La vraie question, Sassenach, c'est pourquoi es-tu revenue ? (…) Tu es revenue pour être à nouveau ma femme ? demanda-t-il. Ou uniquement pour me parler de ma fille ? (…) Tu es la mère de mon enfant, reprit-il. Rien que pour cela, je te dois mon âme. Tu m'as apporté l'assurance que je n'ai pas vécu en vain et que notre enfant était saine et sauve. (…) Mais il est déjà loin, le temps où toi et moi ne faisions qu'un, Sassenach. Tu as mené ta vie ailleurs et j'ai mené la mienne ici. Tu ne sais rien de ce que j'ai fait pendant toutes ces années. Es-tu revenue parce que l'envie t'en a pris brusquement ou parce que tu t'y es sentie obligée ? (…)

– Tu essaies de me dire que tu ne veux pas de moi, c'est ça ? demandai-je enfin. Parce que si c'est le cas... je me doute bien que tu as refait ta vie... tu as peut-être... d’autres attachements... (…)

Il fit volte-face et me regarda avec incrédulité.

Seigneur ! s'exclama-t-il. Tu crois vraiment que je veux que tu t'en ailles ? (…) Voilà vingt ans que je ne vis plus que par ton souvenir, Sassenach, dit-il doucement. Tu ne le sais donc pas encore ? (…) Je ne suis plus l'homme que tu as connu il y a vingt ans, Sassenach. (…) On se connaît moins aujourd’hui que le jour de notre mariage.

– Tu veux que je m'en aille ? répétai-je d'une voix tremblante (…)

Non ! (…) Non, redit-il plus doucement. Je ne veux pas que tu partes. Je te l'ai déjà dit, et je le pense du fond du cœur. Mais... il faut que je sache. (…) Tu me veux vraiment, Sassenach ? murmura-t-il. Tu es prête à me prendre tel que je suis aujourd’hui, pour l'amour de l'homme que j'étais il y a vingt ans ? 

Je sentis une vague de soulagement et de peur me parcourir (…).

– Il est un peu tard pour que je me pose la question... répondis-je. (…) ... parce que j'ai déjà risqué tout ce que j'avais. Mais qui que tu sois à présent, Jamie Fraser, oui. Oui, je te veux. (…)

– Tu as un sacré culot, Sassenach, hein ? Pour ça, tu n'as pas changé. (…)

 – Mais qu'en sais-tu, Jamie ? Tu n'en sais pas plus sur moi que moi sur toi. Tu ne sais pas non plus ce que j'ai fait ces vingt dernières années. Qui te dit que je ne suis pas devenue une vieille mégère aigrie après toutes ces années ? (…)

 – C'est vrai, Sassenach. Mais tu sais quoi ? Je m'en fous. (…)

 – Moi aussi, répondis-je.

(…)

À plusieurs reprises, je le surpris en train de m'observer de même, avec une sorte d'avidité craintive, mais chaque fois il évitait de croiser mon regard, gardant un visage de marbre. (…) 

– Tu veux bien... 

Il s'interrompit en rougissant, croisa mon regard, avala sa salive puis rassembla son courage et se lança : 

– Tu veux bien partager mon lit ? Je veux dire... ajouta-t-il précipitamment, il fait froid, nous sommes tous les deux encore mouillés et... 

– ... Et il n'y a pas de fauteuil, terminai-je pour lui. (…)

Oh, excuse-moi, Sassenach. J'aurais dû penser à t'aider à dénouer tes lacets. J'en déduisis avec un soulagement égoïste qu'il n'avait manifestement pas l'habitude de déshabiller des femmes. (…) 

Il recula d'un pas (…) et me regarda. (…) Il ne dit mot. Ses yeux brillaient à la lumière de la chandelle et il secouait doucement la tête sans laisser transparaître la moindre émotion. (…) 

– Seigneur, souffla-t-il enfin. Claire... tu es la plus belle femme que j'aie jamais vue. (…) 

Ses yeux brillaient de larmes malgré son sourire. (…) 

– Jésus-Christ, je pourrais rester comme ça des années entières. Mais... te toucher ma Sassenach, ta peau... (…) Seigneur... murmura-t-il. Je ne peux pas te regarder sans vouloir te toucher Sassenach ou t'avoir contre moi et ne pas te vouloir. 

(…)

La cicatrice partait du milieu de sa cuisse et remontait jusqu'à l'aine, formant un bourrelet de chair blanchâtre. (…)

Ça ne te fait pas peur, Sassenach ? s'inquiéta-t-il en posant une main sur mes cheveux. 

Je relevai la tête vers lui pour le fixer dans les yeux.

– Bien sûr que non ! (…) Déshabille-toi, chuchotai-je. Je veux te voir.

Il n'y a pas grand-chose à voir, Sassenach, dit-il avec un petit rire hésitant. Mais le peu que j'ai est à toi, si tu le veux. (…)

Son regard suivit le mien et il m'adressa un grand sourire.

Je t'ai promis un jour d'être toujours sincère avec toi, Sassenach. (…)

– En effet, c'est ce que j'ai dit, souffla-t-il. Mon dieu, touche-moi encore comme cela. (…) Touche-moi, répéta-t-il doucement, et laisse-moi te toucher ma Sassenach. (…) Lors de notre mariage, chuchota-t-il, son souffle chaud contre ma joue, je t'ai vue là, si belle dans ta robe blanche, je ne pouvais plus alors penser à autre chose que le moment où nous serions seuls, le moment où je pourrais alors défaire ton corset et te voir nue, à côté de moi dans le lit. (…)

Mon nez heurta son front dans un craquement sinistre. (…)

– Aïe !!!

Mon Dieu, Claire, je t'ai fait mal ? 

Chassant les larmes de mes yeux, je distinguais son front anxieux. 

– Non, mentis-je stupidement. Mais je crois que je me suis cassé le nez.

Ça m'étonnerait. Il avança une main prudente et palpa délicatement la racine de mon nez. Lorsque tu te casses le nez, cela fait un craquement horrible et il pisse le sang, dit-il doucement. 

– Ça va aller, me rassura-t-il. 

(…)

– Imprimeur et traître, confirma-t-il. J'ai été arrêté pour subversion six fois au cours des deux dernières années et on m'a confisqué deux fois mes biens, mais la cour n'a jamais rien pu prouver.

– Que se passera-t-il si elle arrive à prouver quelque chose la prochaine fois ?

– Oh, soupira-t-il, l'air détaché en agitant la main dans les airs, le pilori sans doute, les oreilles clouées sur la place publique, la flagellation, la prison, la déportation... mais pas la pendaison.

– Me voilà soulagée ! dis-je avec ironie. (…)

- Je t'avais prévenue. (…) Ça te fait peur ? Tu préfères repartir ? 

Il avait dit cela d'un air détaché mais je vis ses doigts serrer violemment le bord de la couverture, à tel point que ses os ressortirent blancs, contrastant avec sa peau bronzée. 

– Non, dis-je. (…) Je ne suis pas juste revenue pour faire l'amour une seule fois et disparaître à nouveau. Je suis venue pour être avec toi, si tu veux de moi. 

Si je te veux ! (…) Je... je ne peux même pas dire ce que j'ai ressenti lorsque je t'ai touchée aujourd'hui Sassenach et que j'ai compris que tu étais réelle. (…) Te retrouver à nouveau et te perdre encore... (…)

– Tu ne me perdras pas. (…) Même si je découvre que tu es bigame ou que tu bois.

Il tressaillit et lâcha soudain ma main.

(…)

– Humm... et cet arrangement avec Mme Jeanne, il inclut... ? (…)

Je sais à quoi tu penses, Sassenach, et la réponse est non. (…) Tu te demandais si je me faisais parfois payer en nature, c'est ça ? demanda-t-il en levant un sourcil. 

– Euh... eh bien oui, je l'avoue, bien que cela ne me regarde pas.

Ah non ? (…) Tu le penses vraiment ? demanda-t-il gravement. Il avait le souffle court. 

– Oui, répondis-je d'une petite voix. Pas toi ?

Non. 

Là-dessus, il m'enlaça et me serra contre lui. (…)

Je te fais peur Sassenach ? 

– Non. (…) C'est juste que … La première fois... Je ne pensais pas que cela allait durer à jamais, pour toute la vie. Je voulais m'échapper à l'époque.

– Et tu es partie et tu es revenue. Tu es là maintenant et il n'y a rien d'autre qui compte. (…)

– A quoi pensais-tu toi, lors de notre premier soir ensemble ? demandai-je

 Les yeux bleus s'ouvrirent lentement pour me regarder.

– Cela a toujours été à jamais pour moi, Sassenach dit-il simplement. (…) Tu m'as donné un enfant, mo nighean don, dit-il dans le nuage de mes cheveux. Nous serons ensemble pour l'éternité. Elle est saine et sauve et nous vivrons toujours à travers elle, toi et moi. 

 

Chapitre 26 Le lendemain 

passage non traduit dans le livre français, disponible sur cette page. 

Sa main recouvrit la mienne, ses doigts suivant délicatement le contour de mes poignets. (…)

– Il y a bien longtemps, tu m'as demandé si je savais ce que c'était, cette sensation entre nous, dis-je. (…)

Je me souviens, dit-il doucement. (…) Qu'est-ce que... Quand je te touche, quand tu es avec moi au lit. 

– J'ai dit que je ne savais pas.

– Je ne sais pas non plus. (…)

– Je ne sais toujours pas, dis-je, mais... Je m'arrêtai pour m'éclaircir la gorge.

C'est toujours là, finit-il à ma place et le sourire revint, passant de ses lèvres à ses yeux. (…)

– Oui. Ça l'est, je veux dire, ce n'est pas juste à cause de Brianna, qu'en penses-tu ? (…)

Est-ce que je te veux uniquement parce que tu es la mère de mon enfant ? Eh bien non. Ce n'est pas que je ne suis pas reconnaissant, ajouta-t-il prestement. Mais, non. (…) Non, dit-il, je crois que je pourrai te regarder pendant des heures Sassenach, juste pour voir comment tu as changé, si tu es toujours la même. 

 

(…) Culloden et culpabilité 

Je pris une profonde inspiration.

– Je... Je n'ai pas regardé en arrière. Je ne pensais pas que je pourrai supporter de savoir... ce qui s'était réellement passé.

Je me mordis la lèvre. Cet aveu me semblait une trahison.

– Ce n'est pas que j'ai essayé, que je voulais... oublier.

J’avais du mal à trouver les mots.

Je ne pouvais pas t'oublier, je ne veux pas que tu penses ça... Jamais... Mais je... 

– Ne t'en fais pas Sassenach. (…) Je sais ce que tu veux dire. J'ai aussi essayé de ne pas regarder en arrière pour être honnête.

– Mais, si je l'avais fait, dis-je en fixant le tissu en lin, si je l'avais fait, je t'aurai peut-être retrouvé plus tôt !

Les mots restèrent suspendus entre nous comme une accusation, un rappel amer des années perdues, de la séparation. Finalement, il laissa échapper un long soupir et mit un doigt sous mon menton afin de relever mon visage vers le sien.

Et si tu l'avais fait ? Est-ce que tu serais venue en laissant notre fille sans sa mère ? Ou serais-tu venue à moi juste après Culloden, alors que je ne pouvais pas prendre soin de toi ? Je n'aurai rien pu faire d'autre que te regarder souffrir avec les autres et je me serais senti coupable de t'imposer un tel sort. Peut-être que tu serais morte de faim ou de maladie... et avoir ta mort sur la conscience ? (…) Non. Je t'ai dit de partir, je t'ai dit d'oublier. Est-ce que j'ai le droit de t'accuser de m'avoir obéi Sassenach ? Non. 

– Mais on aurait eu plus de temps ! On aurait pu... (…)

– Oui, on aurait eu. Mais à y penser, peut-être pas. (…) Je ne veux pas regarder en arrière Sassenach, je veux vivre. Si nous n'avons pas plus que cette nuit et maintenant alors c'est assez. 

– Pas pour moi ! Ce n'est pas assez, dis-je et il rit.

– Avide petite créature !

(…)

– Je suis désolé, Sassenach, me dit-il en passant sa chemise, mais il va falloir que tu restes ici. – Je pourrais difficilement faire autrement, soupirai-je. Je n'ai aucun vêtement ! (…)

– Je n'ai pas envie de te quitter, Sassenach, mais il le faut. Tu resteras bien sagement ici jusqu'à mon retour ? (…)

– Ne t'inquiète pas, répondis-je, je ne risque pas d'aller bien loin dans cette tenue.

(…)

Mon dieu, tu vas bien, Sassenach ? (…)

– J'ai un peu froid, dis-je en faisant de mon mieux pour ne pas claquer des dents. (…)

– Jeanne ! (…) Lorsque vous redescendrez, pourriez-vous apporter d'autres vêtements pour ma femme ? Si sa robe n'est pas encore prête, empruntez-en une à Daphné, je crois qu'elle a la bonne taille. 

(…)

Tiens Sassenach, bois cela. Tes dents claquent tellement qu'on dirait que tu vas te mordre la langue. 

Jamie était revenu dans ma cachette, tel un fidèle Saint-Bernard avec sa petite dose de cognac autour du cou. 

– M-Merci.

Je dus lâcher l'étoffe et utiliser mes deux mains pour me saisir du gobelet de bois et le tenir immobile. (…) Il me reprit le gobelet des mains pour me redonner l'étoffe et m'observa pensivement tandis que je finissais avec hâte mes ablutions, nettement réchauffée. J'avais bien imaginé que sa vie était compliquée mais je réalisais que mon retour l'avait rendue encore un peu plus complexe. J'aurai payé cher pour savoir ce qu'il pensait.

–  A quoi penses-tu Jamie ? dis-je en le regardant de travers tandis que je nettoyais les dernières tâches de mes cuisses. (…)

–  Je pense que tu es magnifique Sassenach, dit-il doucement. 

(…) Je m'assis sur un tonneau pour le regarder. En dépit du contexte, j'étais absurdement et simplement heureuse d'être là, avec lui. (…) Malgré ses soucis, il se déplaçait avec la grâce et l'assurance d'un escrimeur, tellement en contrôle qu'il était capable d'oublier totalement son corps.

(…) Avec Petit Ian et toi, Sassenach, je pourrai m'estimer heureux si tous mes cheveux ne virent pas au blanc avant qu'on ait enfin pu quitter cette cave puante. 

– Moi ? m'étonnai-je. Mais tu n'as pas à t'inquiéter pour moi !

Ah non ? (…) Ne pas m'inquiéter pour toi, c'est ça ? Christ ! Je t'ai laissée en sécurité couchée dans ton lit ce matin, attendant sagement ton petit déjeuner et, moins d'une heure plus tard, je te retrouve en bas, en chemise en train de bercer un cadavre sur tes genoux ! Et maintenant, tu me regardes nue comme un ver avec quinze hommes au-dessus qui se demande bien qui tu es et … Comment crois-tu que je vais leur expliquer qui tu es, Sassenach, dis-moi ? (…) Doux Jésus ! Le pire, c'est que je dois coûte que coûte retourner sur la côte dans deux jours, mais je ne peux pas te laisser seule à Édimbourg avec un tueur fou rôdant dans les parages, la moitié des gens qui te prennent pour une prostituée, et... et... 

Il agita la tête d'un air désemparé. Le lacet qui retenait sa crinière se dénoua, ce qui lui donna un air de lion perplexe. Je pouffai de rire malgré moi. Il me lança un regard surpris puis, saisissant l'absurdité de la situation, il esquissa un sourire.

Bah... soupira-t-il, résigné. Je suppose qu'on trouvera une solution. 

  

(p318) Je me haussai sur la pointe des pieds pour lisser ses cheveux en arrière et il en profita pour m'embrasser.

J'avais oublié, dit-il quelques instants plus tard. 

– Oublié quoi ? demandai-je en me blottissant contre son torse chaud.

Tout. La joie, la peur. Surtout la peur. Cela faisait longtemps que je n'avais plus peur de rien. Elle m'est revenue à présent, car j'ai de nouveau quelque chose à perdre. (…) Viens, Sassenach, dit-il en me prenant la main. Je vais te présenter à mes hommes et je vais leur dire que tu es mon épouse. Pour le reste, chaque chose en son temps.

 

Chapitre 27 p319 

– Qui es-tu en ce moment ? demandai-je, intriguée. Mme Jeanne t'appelle « Jamie ». Mais ce n'est pas ton nom officiel, n'est-ce pas ?

– Non. Pour le moment, je suis Sawney Malcolm, imprimeur et éditeur. (…) C'est le diminutif d'Alexander dans les Highlands, m'informa-t-il.

– Et moi, dans ce cas, qui suis-je ?

Toi, tu es ma femme, Sassenach. Quel que soit le nom que je porte, tu es et tu seras toujours ma femme. (…)

Il reposa son verre et prit ma main ; la sienne était grande, et si chaude que la sensation de chaleur se répandit rapidement dans mes doigts. Je pouvais sentir l’anneau en argent, séparément de ma chair, son métal chauffé son contact.

De t’aimer et de te chérir, dit-il, souriant. 

— Jusqu’à ce que la mort nous sépare, répondis-je, sans me soucier le moins du monde du fait que nous attirions les regards curieux des gens attablés autour de nous. Jamie baissa la tête et pressa ses lèvres contre le dos de ma main, une action qui transforma les regards curieux en intérêt manifeste.

 

(p323) Nous rîmes doucement, puis nous nous tûmes, chacun se laissant bercer par la respiration de l'autre.

– Jamie... dis-je un peu plus tard, je ne me souviens pas d'avoir jamais été aussi heureuse.

Il roula sur le côté, déplaçant soigneusement son poids pour ne pas m'écraser, puis me dévisagea avec un sourire tendre.

Moi non plus, Sassenach. Tu sais, ce n'est pas uniquement parce qu'on vient de faire l'amour. (…) Dieu sait que j'ai toujours autant envie de toi et que je ne peux pas m'empêcher de te tripoter sans arrêt, mais ce n'est rien à côté du plaisir de t'avoir tout simplement à mes côtés, de pouvoir te parler, te livrer mon cœur... 

– Je me sentais si seule sans toi, Jamie ! Tellement seule !

– Moi aussi. Il baissa les yeux, ses longs cils cachant un instant son regard. Je mentirais en prétendant avoir vécu comme un moine, admit-il. Parfois j'avais besoin de... sinon je serais devenu fou. 

– Je sais, moi aussi. Et puis, il y avait Frank... 

Il posa la main sur mes lèvres pour m'empêcher d'en dire plus. 

Cela n'a pas d'importance, chuchota-t-il. 

(…)

–  Tu n’as jamais été aussi belle, Sassenach. (…)

Son sourire s’élargit en me voyant tenter de lisser mes cheveux entre mes doigts.

– Laisse tes boucles tranquilles…

 Il attrapa ma main et l’embrassa doucement. (…)

–  Je ne pensais pas que je pourrais de nouveau rire dans le lit d’une femme, Sassenach, dit-il. Ou même faire l’amour à une femme, sauf comme une brute, aveuglée par le besoin.

Je relevai une note d’amertume dans sa voix. Je soulevai sa main et embrassai la petite cicatrice au dos de celle-ci.

–  Je ne peux pas te voir comme une brute, répondis-je.

J’avais dit ça sur un ton léger, mais son visage s’adoucit en me regardant, et il répondit sérieusement :

–  Je le sais, Sassenach. Et c’est le fait que tu ne puisses me voir ainsi qui me donne de l’espoir. Car j’en suis bien une — et je le sais pertinemment — et pourtant, peut-être... (…) Tu l’as en toi, cette force. Tu l’as, et ton âme aussi. Alors peut-être que la mienne peut être sauvée. 

Je ne sus pas quoi répondre, et restai silencieuse un moment, tenant seulement sa main dans la mienne, caressant les doigts tordus et les larges articulations rigides. C’était la main d’un guerrier — mais il n’était plus un guerrier désormais. Je retournai sa main et la posai sur mon genou, paume vers le haut. Lentement, je traçai les lignes profondes, les reliefs, et la minuscule lettre « C » à la base de son pouce ; la marque qui le désignait comme étant mien. 

 

passage non traduit dans le livre français, disponible sur cette page. 

– Combien de temps depuis ta dernière confession ?

– J'ai dit au père Hayes que cela faisait 6 mois.

– Était-ce le cas ?

– Non mais je me suis dit que s'il devait me confesser pour vol, attaque et langage vulgaire, autant me confesser pour mensonge aussi.

– Quoi, et aucun péché de luxure ou pensées impures ?

Pas vraiment non, dit-il sérieusement. Tu peux penser à tout ce que tu veux de mal sans que cela soit un péché, surtout à propos de ta femme. C'est seulement si tu le fais à d'autres femmes que c'en est un. 

– J'ignorai que mon retour permettait de sauver ton âme. C'est agréable d'être utile.

 Il rit puis se pencha pour m'embrasser consciencieusement.

 

Chapitre 32 p388 Retour à Lallybroch 

– Peut-être, intervint Jenny, mais les aventures que tu as à lui proposer ne sont pas faites pour un gamin de son âge. J'ignore quels saints te protègent, Jamie, mais tu sais toi-même que tu ne devrais plus être parmi nous depuis longtemps.

Jamie m'adressa un petit sourire.

– Oui, je suppose que tu as raison, Jenny. Mais ce ne sont pas des saints qui me protègent, c'est mon amour pour Claire. 

 

Chapitre 34 p405 Laoghaire 

Tu n'iras nulle part, Sassenach, pas avant que... 

– Ne m'appelle plus comme ça !

La violence de mon ton nous surprit tous les deux. Il me dévisagea un long moment, les bras ballants, puis hocha la tête.

D'accord, dit-il plus calmement.

 

(p408) – Tu aurais dû me prévenir dès les premiers instants où nous nous sommes revus ! repris-je. Pourquoi n'as-tu rien dit, nom de Dieu !

Ses mains se desserrèrent et je parvins à me libérer. Il avança d'un pas vers moi, les yeux luisants de rage. Je n'avais pas peur de lui. Je pris mon élan et lui flanquai mon poing dans la mâchoire. – Pourquoi ? vociférai-je en lui martelant le torse. Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi ?

Parce que j'ai eu peur ! hurla-t-il à son tour. 

Il m'agrippa les poignets et me poussa en arrière, me faisant tomber à nouveau sur le lit.

Parce que je suis un lâche ! cria-t-il de plus belle. Je n'ai pas osé te le dire de peur que tu repartes. Je n'ai pas eu ce courage ! Est-ce que tu sais seulement ce que c'est de vivre vingt ans sans un cœur ? De n'être un homme qu'à moitié ? De s'habituer à combler le vide des jours qui te restent à vivre avec ce qui te tombe sous la main, et qui n'a le goût de rien ? 

– C'est à moi que tu le dis ? Qu'est-ce que tu croyais ? Que j'étais rentrée tout droit chez Frank pour y couler des jours heureux ?

– Parfois, je l'espérais, dit-il entre ses dents. Et parfois, je pouvais vous voir, vivant tous les deux, faisant l'amour, lui tenant mon enfant dans ses bras ! J'aurais pu te tuer dans des moments pareils ! 

Soudain, il tourna les talons et écrasa de toutes ses forces son poing contre l'armoire. Le meuble en chêne massif branla.

– Pour ma part, rétorquai-je, je n'ai pas besoin de faire fonctionner mon imagination. J'ai vu Laoghaire !

Je me fous de Laoghaire ! Cette femme n'est rien pour moi ! (…)

– Tu aurais dû me le dire !

– Et après ? Si je te l'avais dit, tu aurais tourné les talons et je ne t'aurais plus jamais revue. Crois-moi, j'aurais fait bien pire que mentir pour te garder auprès de moi ! 

Il m'attrapa la main et me mit debout. Puis il m'écrasa contre lui et m'embrassa férocement. Je sentis mes genoux mollir. Je battis des pieds pour redescendre sur terre, aveuglée par la vision de Laoghaire crachant : « II est à moi, à moi ! »

– Arrête, tout ceci est absurde, dis-je en m'écartant. (…) Je ne peux plus réfléchir, annonçai-je. Je m'en vais.

Il me saisit violemment par la taille et m'embrassa une nouvelle fois, si fort que je sentis le goût métallique du sang dans ma bouche. Ce n'était pas un baiser de réconciliation ou de désir, mais un geste de passion aveugle. Monsieur avait fini de parler, il marquait son territoire. Je n'avais plus rien à dire non plus. Je me décollai de lui tant bien que mal et lui envoyai une gifle de toutes mes forces. Il se figea, surpris, la joue rouge vif, puis il m'attrapa par les cheveux, me renversa la tête en arrière, et m'embrassa de plus belle, profondément et sauvagement, indifférent aux coups de pied et de poing qui pleuvaient sur lui. Il me mordit la lèvre inférieure et, quand j'ouvris les lèvres, plongea sa langue dans ma bouche, me dérobant et mon souffle et mes mots. Il me jeta sur le lit où nous avions ri ensemble une heure plus tôt, et s'affala sur moi de tout son long, m'écrasant de son poids. Il était très excité. Moi aussi. Tu es à moi, disait son regard de fauve. À moi. Je me débattais comme une diablesse, lui rendant coup pour coup. Je suis à toi, criait tout mon corps. Et tant pis pour toi. Je ne me rendis pas compte qu'il avait déchiré ma robe, mais je sentis la chaleur de son corps contre mon buste nu. (…) Nous mettions toute notre énergie à nous entre-tuer, animés par une rage accumulée au cours de vingt années de séparation, prenant notre revanche, lui, sur le fait que je l'avais abandonné, moi, sur celui qu'il m'ait laissée partir ; lui sur Frank, moi sur Laoghaire. 

 

Chapitre 35 p415 Fuite de Claire 

Je m'assis sur une souche couverte de mousse et me pris la tête entre les mains. La discipline et la raison avaient régi une bonne partie de ma vie. Non sans mal, j'avais appris l'art de soigner et de veiller au bien-être des autres, mais je m'étais toujours arrêtée au point limite au-delà duquel on ne pouvait plus donner sans perdre de son efficacité. J'avais également appris le détachement et le désengagement, à mes frais. (…) Depuis toujours, j'avais dû conjuguer la compassion avec la sagesse, l'amour avec le jugement, l'humanité avec l'intransigeance.

Il n'y avait qu'avec Jamie que j'avais tout donné, tout risqué. J'avais jeté aux orties tout jugement, toute sagesse, ainsi que le confort et les contraintes d'une réussite professionnelle durement gagnée. À lui, je n'avais donné rien d'autre que moi-même, mais je m'étais donnée entièrement, corps et âme. Je l'avais laissé me voir nue, sachant qu'il me verrait telle que j'étais et qu'il chérirait aussi mes faiblesses. 

J'avais craint qu'il n'ait pas envie de me reprendre. Ou qu'il ne soit pas en mesure de le faire. Puis il y avait eu ces quelques jours de bonheur total, où j'avais cru que ce qui avait été pouvait être encore, que j'étais libre de l'aimer et d'être aimée en retour avec une sincérité égale à la mienne. Les larmes étaient chaudes sous mes doigts. Je pleurai Jamie, et ce que j'avais été avec lui. Ses paroles résonnaient encore à mes oreilles : « Sais-tu ce que c'est de pouvoir dire « Je t'aime » et de le penser de tout ton cœur ? » Oui, je le savais. Je savais aussi que jamais plus je ne pourrais aimer de tout mon cœur. 

 

Chapitre 36 p420 retour à Lallybroch après le coup de feu de Laoghaire sur Jamie 

Je m'approchai et posai ma main glacée sur son front. Je la retirai aussitôt, il était brûlant. Le contact de mes doigts le fit gémir et s'agiter dans son sommeil. (…) Je ne remarquai pas tout de suite qu'il avait ouvert les yeux.

Tu es revenue, dit-il doucement. J'en étais sûr. (…) Mon amour, dit-il dans un râle. Je savais que tu me pardonnerais quand tu saurais la vérité. 

Quelle vérité ? Je me penchai vers lui, toute ouïe.

– J'avais si peur de te perdre, mo chridhe, reprit-il. Tellement peur. Je n'ai jamais aimé personne d'autre que toi. Dès le premier jour où je t'ai vue... Je n'ai pas pu... je n'ai pas pu... (…)

– Oh, Jamie... Émue aux larmes, je tendis la main vers lui et caressai sa joue brûlante.

Il rouvrit aussitôt les yeux et se redressa d'un bond dans son lit. (…)

– Oh, mon Dieu ! cria-t-il. Oh, mon Dieu ! Tu es là ? C'est toi ? Putain de tonnerre de sacrebleu ! Tu es réelle ! (…) Dans mon délire, je t'ai prise pour une vision, jusqu'à ce que tu me touches, expliqua-t-il en haletant. Mais qu'est-ce qui t'a pris de venir ici ? Tu cherches à me faire peur ? Aïe ! (…)

– Tu n'as pas envoyé Petit Ian me dire que tu étais à l'article de la mort ? (…) Tu veux dire que ton petit salopiaud de neveu a décidé tout seul de venir me chercher ? Tu ne voulais pas que je revienne ?

– Certainement pas ! Tu crois que j'ai besoin de ta pitié, comme un chien abandonné dans un fossé ? Tu peux te la garder ! J'ai interdit à ce morveux d'aller te chercher ! (…) J'ai déjà traversé deux fortes fièvres qui ont failli m'achever. Je crois bien que celle-ci y parviendra. Je ne t'ai pas envoyé chercher... mais je suis heureux que tu sois là. Je... je voulais te demander pardon et te dire adieu convenablement. Je ne peux pas te demander d'attendre jusqu'à la fin, mais... tu veux bien rester encore un peu ? 

 

Chapitre 37 p428 

Nous restâmes silencieux un long moment, puis il reprit en fixant le plafond :

Au début, je pensais que je ne voudrais jamais rien savoir de ta vie avec Frank. J'avais tort. 

– Je te dirai tout ce que tu voudras savoir, mais pas maintenant. Tu n'as pas fini ton histoire. Il soupira et ferma les yeux. (…)

– Tu sais ce que c'est de partager la vie d'une personne sans jamais pouvoir être soi-même, ni savoir vraiment qui elle est ? demanda-t-il doucement. (…) Pendant toutes ces années, j'ai joué tellement de rôles différents, on m'a prêté tant de personnalités distinctes... (…) Mais ici, reprit-il d'une voix à peine audible, couché dans le noir avec toi... je n'ai pas de nom. Enfin. 

Je levai mon visage vers le sien et inhalai sa chaleur entre mes lèvres entrouvertes.

Je t'aime, murmurai-je. Je savais que je n'avais pas besoin de lui dire que je le pensais de tout mon cœur. 

 

Chapitre 39 p447 Enlèvement de Petit Ian 

Il baissa des yeux dépités vers son bras en écharpe en marmonnant :

J'aurais dû y aller moi-même, avec ou sans bras. Finalement, il est plus facile de risquer sa vie que de s'inquiéter pour quelqu'un qu'on aime. 

Ah ! Maintenant, tu sauras ce que tu me fais endurer ! 

Nous nous éloignâmes un peu du bord de la falaise pour nous protéger de la brise glaciale, cherchant un abri derrière nos montures.

 

passage non traduit dans le livre français, disponible sur cette page.  

– Qu'est-ce qu'on va faire ? demandai-je sottement. (…)

Je me sentais tétanisée, incapable d'analyser la situation, incapable d'assimiler que Petit Ian (…)  avait disparu. (…) Mon esprit rejoua le film de ce qu'il venait de se passer. (…) Je revis tout cela avec la netteté qui accompagne souvent les tragédies (…).

– Je n'en sais rien, répondit Jamie d'un air tout aussi ahuri. Bon Dieu, je ne sais pas... Je ne sais pas quoi faire !

Ses mains se transformèrent soudainement en poings. Il ferma les yeux, respirant bruyamment. Cet aveu d'impuissance ne fit qu'accentuer ma terreur. Depuis mon retour, je m'étais à nouveau habituée à avoir à mes côtés un Jamie ayant réponse à tout, même dans les situations les plus inextricables. 

(…)

– Ce n'est pas de ta faute, dis-je après un long silence, écoutant le bruit de l'océan.

– Tu devrais partir et aller dormir Sassenach.

Sa voix était neutre avec une nuance de désespoir qui me fit me rapprocher de lui et essayer de l'étreindre. Il n'avait clairement pas envie de me toucher mais je frissonnais moi aussi à présent.

– Je ne vais nulle part.

Il soupira profondément et m'attira vers lui, m'installant sur son genou de sorte que ses bras pénétrèrent l'intérieur de mon manteau pour me serrer fort contre lui. (…)

– Je n'aurai pas dû t'interrompre.

Je fis un mouvement pour partir mais il me retint.

Non reste. 

Nous restâmes serrés l'un contre l'autre. (…) Il aspira l'air comme s'il allait parler mais il expira sans rien dire. Je me tournai pour toucher son visage.

– Qu'y a-t-il Jamie ?

Est-ce que c'est mal pour moi de t'avoir à mes côtés ?! murmura-t-il. (…) Je n'arrête pas de me dire que... est-ce ma faute ? Est-ce pécher ? De te vouloir autant, d'avoir autant besoin de toi, plus que de la vie elle-même ? 

– Vraiment ? (…) Si c'est le cas, comment cela peut-il être un péché ? Je suis ton épouse. 

En dépit de la situation, le mot « épouse » rendit mon cœur plus léger. Il tourna légèrement le visage : ses lèvres touchèrent la paume de ma main et sa main attrapa la mienne. (…) 

C'est ce que je me dis. Dieu t'a rendu à moi ; comment ne puis-je pas t'aimer ? Et pourtant, je n'arrête pas d'y penser, je n'arrive pas à arrêter. (…) 

– Chut, lui dis-je même s'il n'avait pas repris la parole. Ne dis rien. Jamie, as-tu déjà fait quelque chose pour toi-même et non pour quelqu'un d'autre ? (…)

Oh, plein de fois, murmura-t-il, quand je t'ai vue. Quand je t'ai prise sans savoir si tu le voulais ou non, si tu devais être ailleurs ou si tu avais quelqu'un d'autre à aimer. (…) Je t'aime et j'aime Ian comme s'il était mon propre fils. Et je me dis que peut-être je n'ai pas le droit de vous avoir tous les deux. (…) 

– Jamie Fraser, dis-je à nouveau avec autant de conviction que possible, tu es un terrible idiot. (…) Tu ne m'as pas forcée à revenir ou prise à Brianna. Je suis venue parce que je le voulais, parce que je TE voulais, autant que tu me veux et le fait que je sois là n'a rien à voir avec ce qui vient de se produire. Nous sommes mariés, dis-toi bien cela et nous le sommes selon tous les critères possibles : au nom Dieu, Neptune, Shiva ou de qui que ce soit, ce que tu veux.

– Neptune ?

– Tais-toi, nous sommes mariés, je te le dis et cela n'est pas pécher que de me vouloir ou de m'avoir et aucun dieu digne de ce nom ne prendrait ton neveu sous prétexte que tu veux me rendre heureuse. Là ! De plus, je ne vais pas retraverser les pierres alors que pourrais-tu bien y faire, hein ?

La petite vibration dans sa poitrine était un rire cette fois et non un frisson de froid.

Te prendre et être damné j'imagine. 

Il m'embrassa sur le front. 

– T'aimer m'a fait traverser bien des épreuves Sassenach et je le referais encore si besoin est. 

– Bah, et tu crois que t'aimer toi est une partie de plaisir ? 

Cette fois il rit franchement.

Non mais tu vas peut-être continuer ? 

–Peut-être, on verra. 

– Tu es une femme sacrément têtue Sassenach, dit-il en souriant. 

– Qui se ressemble s'assemble. 

Nous restâmes silencieux un certain temps.

 

Chapitre 40 p464 

– Mais de quoi parlez-vous ? intervins-je.

– De franc-maçonnerie, Sassenach, me répondit Jamie avec un sourire.

– Tu es franc-maçon ? Mais... tu ne me l'as jamais dit !

– Il n'en avait pas le droit, expliqua Jared.

(…) Cet incident, bien que sans importance, me rappelait à quel point j'en savais peu sur la vie de Jamie. Pourtant, à une époque, j'avais cru le connaître comme le fond de ma poche. Je sentis son pied caresser le mien sous la table. Je relevai les yeux et surpris une lueur complice dans son regard. Il saisit son verre, comme pour nous porter un toast tacite, et je me sentis obscurément réconfortée. 

Je songeai aux paroles que nous avions échangées la nuit de nos noces, alors qu'il n'y avait rien d'autre entre nous qu'un contrat de mariage... et une promesse de sincérité. Je ne veux pas te pousser à me confier des secrets qui ne me regardent pas. Il existe des choses que je ne peux pas te dire, du moins pour le moment. En revanche, si tu dois me parler, alors dis-moi la vérité. Et je te promets de faire de même. Notre seul bien pour l'instant, c'est notre respect mutuel. Or le respect n’est pas incompatible avec le secret, mais il l'est avec le mensonge. 

(…) Je soutins le regard de Jamie assis en face de moi et nous nous comprîmes parfaitement. Les temps avaient changé. Entre nous, il y avait désormais bien plus que du respect, et assez d'autres choses pour que tous nos secrets puissent attendre d'être dévoilés en temps voulu. 

 

Chapitre 41 p472 Départ de l’Ecosse vers la Jamaïque 

Il tint bon quelque temps, verdissant à vue d'œil, refusant de quitter le pont tant que les côtes écossaises étaient encore visibles.

– Je ne les reverrai peut-être jamais, dit-il d'une voix morne (…).

– Mais si, tu les reverras, dis-je avec assurance. Je ne sais pas quand, mais je sais que tu reviendras.

Il se tourna vers moi, perplexe, puis un faible sourire se dessina sur ses lèvres.

– Tu as vu ma tombe, n'est-ce pas ? demanda-t-il doucement. (…) ne me dis pas la date, je préfère ne pas savoir.

– J'aurais du mal, il n'y en avait pas. Juste ton nom et le mien. 

– Le tien ?

J'acquiesçai de nouveau, sentant ma gorge se nouer au souvenir de la stèle en granit. C'était ce qu'on appelait une « tombe conjugale » : deux quarts de cercle enchâssés l'un dans l'autre pour former une arche.

Elle portait ton nom complet, dis-je. C'est comme ça que j'ai su que c'était toi. Sous ton nom était gravé : « Tendre époux de Claire. » 

II hocha lentement la tête, le regard perdu dans le lointain.

Au moins, cela signifie que je reviendrai en Écosse et que je serai toujours marié avec toi. Dans ce cas, la date n'a pas vraiment d'importance. 

 

Chapitre 42 Discussion sur le bateau au sujet de Brianna 

passage non traduit dans le livre français, disponible sur cette page. 

– Penses-tu, commença-t-il doucement, sans me regarder, penses-tu qu’il était sage de venir me retrouver maintenant, Claire ? Ce n’est pas que ne veuille pas de toi, ajouta-t-il précipitamment en me sentant me raidir.

Il attrapa ma main, m’empêchant de me détourner.

– Non, ce n’est pas du tout ce que je voulais dire ! Par le Christ, je te veux ! 

Il m’attira à lui, pressant ma main dans la sienne contre son cœur. 

Je te veux tellement que parfois j’ai l’impression que mon cœur va éclater de joie, ajouta-t-il plus doucement. (…)

– Mais Bree est une femme adulte ; elle se mariera quand elle le voudra, et pas quand quelqu’un l’arrangera pour elle. Elle n’a pas besoin de se marier d’ailleurs. Elle a une bonne éducation, elle peut très bien gagner sa vie par elle-même. Les femmes en sont capables. Elle n’a pas besoin d’un homme pour la protéger…

Et s’il n’est plus nécessaire pour un homme de protéger une femme et de prendre soin d’elle, alors je pense que ce sera vraiment une triste époque ! (…)

– Je n’ai pas dit que ce n’était pas nécessaire. (…) J’ai dit qu’elle avait le choix. Elle n’a pas besoin de se marier par nécessité, elle peut le faire par amour.

Son visage se détendit légèrement.

Tu t’es mariée avec moi par nécessité, dit-il.

Et je suis revenue à toi par amour, répondis-je. Penses-tu que j’avais moins besoin de toi, uniquement parce que je pouvais me nourrir seule ? (…)

– Non, dit-il doucement. Je ne pense pas.

Il m’entoura de son bras et m’attira à lui. (…)

– Je pense qu'elle s’en sortira très bien, murmura-t-il. Peu importe qu’elle ait un pauvre idiot comme père, aucune fille n'a jamais eu de meilleure mère. Embrasse-moi, Sassenach, car crois-moi, je ne t’échangerais pas contre tout l’or du monde. 

 

Chapitre 44 Discussion sur le bateau au sujet de Fergus et Marsali 

passage non traduit dans le livre français, disponible sur cette page.  

– Je suis un imbécile, dit Jamie. (…)

– Qu'est-ce qui te fait penser cela ? ai-je demandé, bien que j'en aie eu une assez bonne idée.

Le fait que les quatre seules personnes mariées à bord vivaient dans un célibat contraint avait suscité un certain amusement parmi les membres de l'équipage, dont le célibat était involontaire. 

J'ai passé vingt ans à avoir envie de t'avoir dans mon lit, dit-il, validant mon hypothèse, et dans le mois qui a suivi, je me suis arrangé pour que je ne puisse même pas t'embrasser sans me faufiler derrière une écoutille, (…) Et personne à blâmer, sauf ma propre folie. A quoi ai-je pensé ? (…) Je ne peux même pas toucher ma propre femme !  

– Oh, tu peux me toucher, dis-je. 

Je pris une de ses mains, caressant doucement sa paume avec mon pouce. 

– Mais tu ne peux pas t'engager dans un acte charnel débridé. (…)

Il baissa les yeux sur nos mains liées, où mon pouce continuait à faire secrètement l'amour à sa paume, et il plissa les yeux vers moi, mais me laissa continuer. Il referma doucement ses doigts autour de ma main, son propre pouce me pressant légèrement au rythme de mon pouls. (…)

S'il y a bien une chose que je connais bien, Sassenach, dit-il doucement, avec un bref coup d'œil à Fergus, c'est le son d'un homme faisant l'amour à une femme qui n'est pas là. (…)

Il me regarda alors avec un demi-sourire, et malgré son rictus moqueur je vis les souvenirs sombres au fond de ses yeux. J'y vis aussi le terrible besoin, le désir assez fort pour avoir enduré la solitude et la dégradation, la misère et la séparation. 

Nous nous tînmes tout à fait immobiles, nous regardant, inconscients de la circulation sur le pont qui passait. Il savait mieux que tout homme comment cacher ses pensées, mais il ne me les cachait pas. La faim en lui était profonde, et mes propres os semblaient se dissoudre en réponse. Sa main était à quelques centimètres de la mienne, posée sur le bastingage en bois, avec ses doigts longs et puissants… Si je le touchais, pensais-je tout à coup, il se retournerait et me prendrait, ici, sur le pont. Comme s'il entendait ma pensée, il prit soudain ma main, la pressant fermement contre le muscle dur de sa cuisse. 

Combien de fois nous sommes-nous allongés ensemble depuis que tu es revenue à moi ? murmura-t-il. Une fois, deux fois, dans le bordel. Trois fois dans la bruyère. Et puis à Lallybroch, et aussi à Paris. (…) Chaque fois, je quittais le lit aussi affamé que jamais. Maintenant il ne me faut pas plus pour me préparer que l'odeur de tes cheveux passant devant mon visage, ou la sensation de ta cuisse contre la mienne quand nous nous asseyons pour manger. Et te voir debout sur le pont, avec le vent pressant ta robe contre ton corps… (…) Il y a des moments, Sassenach, où pour un sou de cuivre, je te prendrais sur place, dos contre le mât et tes jupes autour de ta taille, et que le diable emporte ce foutu équipage !  

Mes doigts convulsèrent contre sa paume, et il resserra sa prise, hochant aimablement la tête en réponse aux salutations du canonnier en chemin vers ses quartiers. La cloche du dîner du capitaine sonna sous mes pieds, une douce vibration métallique qui remonta à travers la plante de mes pieds et fit fondre ma moelle osseuse. (…) nous restâmes debout près du bastingage, fixés l'un sur l'autre, brûlants. (…) Je sortis la main de ma poche, ayant trouvé ce que je cherchais. Je pris sa main et je pressais l'objet dans sa paume. Il fixa l'image du roi George III dans sa main, puis me regarda. 

– Un acompte, dis-je.  Allons manger. 

 

Chapitre 46 p513 Abordage des Anglais 

Il me remarqua à son côté et fronça les sourcils.

Je croyais t'avoir dit de descendre en cabine ? lança-t-il. 

– En effet, répliquai-je en restant à ma place.

 

(p515) – Écoute, dis-je en cherchant mes mots. Je suis médecin. Ils sont malades et je peux les aider. C'est... il le faut, et c'est tout !

Il ne semblait pas convaincu. Comment pouvais-je lui expliquer ce besoin de soigner, cette compulsion à lutter contre les maladies ? Frank, lui, avait fini par le comprendre. Il devait y avoir un moyen de le faire entrer dans la tête de Jamie.

– J'ai prêté serment, dis-je. Ma parole est engagée.

– Un serment ? répéta-t-il. Quel genre de serment ?

Je ne l'avais prononcé à voix haute qu'une seule fois, mais j'en avais une copie encadrée dans mon bureau, un présent de Frank pour la remise de mon diplôme. Je fermai les yeux, et tentai de me souvenir, mot pour mot. (…)

Je vois. Le début me paraît bien un peu païen mais j'ai bien aimé la partie où tu t'engages à ne séduire personne. 

– Je m'en doutais. Tu n'as pas à t'inquiéter, la vertu du capitaine Léonard n'a rien à craindre de ma part.

 

Chapitre 54 p596 Attaque des pirates 

– Que s'est-il passé ? demandai-je innocemment.

Que s'est-il passé ? rugit-il en retour avec brusquerie. J'aimerais bien le savoir ! Je te demande de rester sagement cachée dans la cale avec Marsali et, l'instant d'après, tu tombes du ciel à mes pieds en pissant le sang. (…) Tu reviens de loin, m'informa-t-il. Tu as le bras entaillé jusqu'à l'os du coude à l'épaule. Si je n'avais pas eu un linge sous la main pour te faire un garrot, tu serais à présent en train de nourrir les requins ! Bon sang, Claire ! Tu ne peux donc jamais faire ce qu'on te dit ? 

– Non, répondis-je.

 

Souvenir de Culloden 

passage non traduit dans le livre français, disponible sur cette page.  

– J'étais heureux. dit-il, semblant un peu surpris. Pas du tout effrayé. Je voulais mourir, après tout ; il n'y avait rien à craindre sinon que je pourrais être blessé et ne pas mourir sur-le-champ. Mais je mourrais, et alors tout serait fini, et je te retrouverais, et tout irait bien. (…) 

– Trop de gens sont morts ou ont souffert, Sassenach, parce qu'ils me connaissaient. Je donnerais mon propre corps pour t'épargner un instant de douleur – et pourtant je pourrais souhaiter fermer ma main à cet instant, pour pouvoir t'entendre crier et savoir avec certitude que je ne t'ai pas tuée aussi. (…)

– Tu ne m'as pas tuée. Tu n'as pas tué Murtagh. Et nous retrouverons Ian. Ramène-moi au lit, Jamie.

Quelque temps plus tard, alors que je somnolais au bord du sommeil, il parla depuis le sol à côté de mon lit.

Tu sais, je voulais rarement rentrer à la maison avec Laoghaire. dit-il contemplativement. Et pourtant, au moins quand je rentrais, je la retrouvais là où je l'avais laissée. 

Je tournai la tête sur le côté, d'où sa légère respiration parvenait du sol sombre.

– Oh ? Et c'est le genre de femme que tu veux ? Le genre qui reste sur place ?

Il émit un petit bruit entre un rire et une toux, mais ne répondit pas et après quelques instants, le son de sa respiration se changea en un léger ronflement rythmé.

 

Chapitre 59 p660 confidence sur William 

Les révélations de John Grey m'avaient soulagée de la plupart de mes craintes et de mes soupçons, mais il n'en demeurait pas moins que Jamie ne m'avait jamais parlé de son fils. (…)  Peut-être l'avait-il aimée, malgré l'impression de Grey. (…) J'avais cru Jamie mort pendant vingt ans et cela n'avait rien changé à mes sentiments pour lui. Et s'il avait éprouvé le même amour pour cette jeune Anglaise ? Je déglutis péniblement, cherchant le courage de lui poser la question. (…)

Claire, reprit-il enfin au bout de quelques minutes, j'ai quelque chose à te dire. (…) Claire, j'ai un fils. Je sais que j'aurais dû te le dire avant, mais... je n'en ai jamais parlé à personne, pas même à Jenny. (…) Je n'ai pas voulu te le dire, de peur que tu croies que j'avais semé des bâtards un peu partout... de peur que tu penses que j'aimerais moins Brianna si j'avais un autre enfant. 

Il leva les yeux vers moi.

Tu me pardonnes ? 

Les mots ne voulaient pas sortir de ma bouche mais je devais les dire.

– Et elle... tu l'as aimée ?

Une profonde tristesse envahit ses traits mais il ne fuit pas mon regard.

– Non, dit-il doucement. Elle... me voulait. J'aurais peut-être dû trouver un moyen pour l'arrêter, mais je n'ai pas pu. Elle voulait que je lui fasse l'amour. Ce que j'ai fait... Et elle en est morte. Je suis coupable de sa mort, devant Dieu. D'autant plus coupable que je ne l'aimais pas. 

Je posai la main sur sa joue. Il ferma les yeux. (…)

– Tu aurais dû me faire confiance, dis-je enfin.

Peut-être. Pourtant, je me disais sans cesse : « Comment puis-je lui expliquer tout ce qui est arrivé : Geneva, Willie... John ? » (…) J'ai failli t'en parler, une fois, mais c'était avant que tu découvres mon mariage avec Laoghaire. Ensuite, c'était trop tard. Comment pouvais-je te dire la vérité, et être sûr que tu comprendrais la différence ? 

– Quelle différence ?

Geneva, la mère de Willie... elle voulait mon corps. Laoghaire voulait mon nom et la sueur de mon front pour subvenir à ses besoins et à ceux de ses filles. John... Il marqua un temps d'arrêt, hésitant. – ... John a eu mon amitié, et moi la sienne. Mais comment te raconter tout ça, puis te dire que je n'ai jamais aimé que toi ? Comment pourrais-tu me croire ? 

La question resta en suspens entre nous, scintillante comme le reflet du lagon à nos pieds.

– Si tu me le dis, je te croirai, dis-je d'une petite voix.

– Vraiment ? Mais pourquoi ?

– Parce que tu es un homme honnête, Jamie Fraser.

Je souris, pour ne pas pleurer.

–  Il n'y a que toi, dit-il d'une voix si faible que je l'entendis à peine. Rien que toi, à qui j'ai donné mon nom, mon cœur et mon âme. 

– Jamie, dis-je doucement, tu n'es plus tout seul.

Il m'enlaça et me serra contre lui, murmurant dans mes cheveux :

Tu es le sang de mon sang, la chair de ma chair... 

– Et je te donne mon âme jusqu'à la fin des jours, achevai-je. 

 

Chapitre 60 p690 

– Mais je te demande une chose, Jamie...

– Je sais, m'interrompit-il sur un ton résigné. Tu veux venir avec nous.

– Oui. On ne sait jamais... si Petit Ian était blessé ou malade ?

– D'accord, tu peux venir ! lâcha-t-il, agacé. Mais moi aussi, je te demande une chose, Sassenach : essaie de ne pas te faire tuer ou découper en morceaux. Ce serait très éprouvant pour mes nerfs. 

– J'essaierai, promis-je prudemment.

 

Chapitre 62 p731 Grotte Abandawe 

Il dut sentir mes mains se resserrer sur sa ceinture, car il s'arrêta et m'attira contre lui.

– Claire, murmura-t-il, il faut... qu'on parle de quelque chose...

Je pressentis ce qu'il allait me dire et cherchai sa bouche à tâtons pour le faire taire, mais je ne rencontrai que son oreille et il m'agrippa le poignet.

S'il faut choisir entre sa vie et celle de l'un d'entre nous alors ce devra être la mienne. Tu le sais, n'est-ce pas ? 

Je l'avais déjà compris. Si Geillis se trouvait encore dans la grotte et que l'un d'entre nous devait risquer sa vie pour l'arrêter, alors ce serait à Jamie de se sacrifier. Car s'il échouait, je serais toujours là pour la poursuivre dans le futur et tenter de l'empêcher de toucher à Brianna, ce qu'il ne pouvait pas faire. 

– Je sais, Jamie.

Je savais aussi ce qu'il n'osait pas dire : si Geillis était déjà partie, alors je devrais me lancer à ses trousses, seule. 

Embrasse-moi, Claire. Quoi qu'il arrive, je veux que tu saches que tu es tout pour moi et que je ne regrette rien. 

Je n'avais pas la force de lui répondre mais je l'embrassai de toutes mes forces, d'abord sa main, ses doigts chauds et fermes sur mes lèvres, puis son poignet puissant de guerrier, ensuite sa bouche, chargée de passion, de promesses et d'angoisse, et enfin les larmes salées de ses joues.

 

Chapitre 63 p756 Le naufrage 

La vague passa et le bois remonta lentement à la surface, ramenant mon nez au-dessus de l'eau. Le visage de Jamie se dressait à une trentaine de centimètres du mien, les cheveux plaqués contre son crâne, les traits déformés par l'angoisse.

Accroche-toi ! rugit-il. Bon Dieu, Claire ! Accroche-toi ! 

Je souris doucement, l'entendant à peine. Le sentiment de paix intense me soulevait, m'emportant au-delà du bruit et de la fureur. Je ne sentais plus la douleur, plus rien n'avait d'importance. Une autre vague s'abattit sur moi et, cette fois, j'oubliai de retenir ma respiration. La sensation de suffocation me réveilla un peu, juste le temps de voir l'éclair de terreur dans le regard de Jamie. Puis ma vision s'obscurcit à nouveau.

Bon sang, Sassenach ! disait la voix au loin. Tiens bon ! Si tu te laisses mourir, Sassenach, je te tue !