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Il était évident que rien ne pourrait plus se régler à l’amiable.

Malgré quelques tentatives de la part de Tryon pour satisfaire quelques-unes des demandes des Régulateurs, comme par exemple le plafonnement des honoraires d’avocat, la réglementation des fonctions des fonctionnaires et la création de nouveaux comtés dans l'ouest afin que chacun des groupes soit mieux représentés, la rumeur courait que les Régulateurs se dirigeaient vers New Bern pour un nouvel affrontement.

 

Alors l’assemblée, à bout, décida d’adopter une résolution, connue sous le nom de "Johnson Act", qui permettait au procureur général de Caroline du Nord de poursuivre les émeutiers, et de les condamner d’office à mort s’ils ne se présentaient pas à leur audience. S’ensuivit une période un peu confuse.

Tout d’abord, à l’inverse de ce qui avait été prédit, les Régulateurs n’arrivèrent pas jusqu’à New Bern.

Ensuite, Tryon voulait rouvrir les tribunaux de Hillsborough contre le souhait des Régulateurs ce qui a généré de vives protestations de la part des juges de la région qui, bien sûr, craignaient pour leur vie.  

Toutes les conditions étaient réunies pour un affrontement final, aucun des partis n’ayant l’intention de faire marche arrière.

En mai 1771 eut lieu la célèbre bataille d’Alamance qui vit la défaite des Régulateurs face à l’armée britannique, aidée par les milices coloniales.

Malgré des tentatives de part et d’autre pour mettre un terme à l’affrontement, bel et bien, les hommes se rencontrèrent sur le champ de bataille.

 Cette corruption a été de nombreuses fois dénoncée auprès du gouverneur Tryon, qui ne pris cependant aucune mesure pour y mettre un terme car il craignait de perdre le soutien des divers fonctionnaires du comté.

À l’inverse, il entreprit la construction d’un palais extrêmement coûteux à New Burns et, à cette fin, augmenta encore les taxes déjà faramineuses !

Il trouva pour cela le soutien de nombreux avocats corrompus, et notamment celui de Edmund Fanning, particulièrement détesté par les Régulateurs qui le traitaient de despote tyrannique. Tous avaient eu vent du fait que Fanning n’avait été condamné à verser qu’un seul penny alors qu’il avait été jugé pour avoir dérobé de fortes sommes dans les caisses de la couronne.

 

Tryon contre les Régulateurs

Juste avant l’affrontement, Tryon faisait parvenir un dernier message aux Régulateurs :

"Ceux d'entre vous qui ne sont pas trop engagés devraient renoncer et retourner tranquillement dans vos foyers. Ceux d'entre vous, responsables, doivent se soumettre sans résistance. Je promets d'obtenir pour vous les meilleures conditions possibles. Vous n'êtes pas préparés à la guerre ! Vous n’avez pas de canon ! Vous n’avez pas de formation militaire ! Vous n'avez pas de commandants pour vous mener au combat. Vous n’avez pas de munitions. Vous serez vaincus !" 

 

La bataille eut lieu malgré tout et ce fut un désastre pour les Régulateurs qui, comme l’avait prédit Tryon, n’avaient pas de munition, aucune connaissance tactique, aucun plan de bataille, aucun chef pour les diriger.

Beaucoup d’entre eux n’avaient pas vraiment prévu de se battre en vérité, persuadés que leur nombre et leur détermination suffiraient à faire céder le gouverneur. Certains papotaient entre eux alors que l’affrontement avait déjà commencé. D’autres, pacifiques dans l’âme, s’en sont allés avant les premiers coups de feu.

 

À l’inverse, la milice à laquelle ils étaient confrontés était une force de combat formée avec des armes supérieures et des officiers pour les guider.

 La bataille n'a pas duré plus de deux heures.

 

Le lendemain, Tryon publiait une proclamation pardonnant à tous les Régulateurs qui se soumettraient au gouvernement et prêteraient serment. Il y avait cependant quelques exceptions, en particulier Hermon Husband et James Hunter.

D'autres ont été arrêtés après la bataille, jugés et mis à mort.

 

 Certains autres ont été libérés après avoir prêté serment à la colonie.

Au total, environ 6 000 Régulateurs ont prêté serment. La fin de la bataille d'Alamance a marqué la fin du mouvement des Régulateurs et de leur association.

Mais en vérité, c’est l’arrivée du gouverneur William Tryon, en 1765, qui mit le feu aux poudres.
En effet, l'ensemble du système colonial dépendait de l'intégrité des fonctionnaires locaux, mais la plupart se liguaient entre eux pour leur propre intérêt. Ainsi, les impôts perçus enrichissaient les collecteurs directement et non la couronne et encore moins le comté.

Ce qui est incroyable, c’est que, malgré tout, les Régulateurs avaient un désir irrésistible d'exprimer leur loyauté envers le roi. Aussi, à la fin de chacun de leurs courriers ou de leurs revendications, ils signaient  « Dieu sauve le roi George III », prenant toujours garde de bien séparer les édits de la couronne britannique à la gestion coloniale. 

D’ailleurs, lorsqu’on regarde attentivement leurs nombreuses requêtes, il s’avère qu’elles proposaient toujours des règlements à l’amiable et soumettaient en permanence une proposition de discussion et de rassemblement. À cette fin, ils avaient élu 12 membres de leur groupe pour régler les problèmes avec les autorités locales et prévenir la violence.

On voit bien là encore à quel point les Régulateurs refusaient de placer un seul homme à leur tête. Encore et toujours, ils souhaitaient être les représentants de tout un peuple opprimé par une gouvernance dénuée de scrupule.

Mais beaucoup n’étaient que des terriens, avec peu de culture, aussi certains d’entre eux se sont démarqués par leur capacité à comprendre et à relayer leurs différentes revendications. Parmi eux : James Hunter, William Butler et Hermon Husband.

 

James Hunter était connu pour se déplacer aux réunions des Régulateurs dans différents comtés, notamment ceux plus à l’Ouest. Hunter a non seulement participé à diverses réunions des organismes de réglementation, mais a également remis de nombreuses annonces et pétitions en mains propres à des fonctionnaires provinciaux. En raison de cette affectation particulière et de son profil général, Hunter a été mentionné comme le « chef des Régulateurs ».

 C’est à cause de son rôle prépondérant qu’il a attiré sur lui les foudres de William Tryon qui a fait détruire ses biens et vendre ses terres par les shérifs à sa solde, en raison de sa soi-disant trahison.

Parfois, les shérifs faisaient disparaitre intentionnellement les preuves de leur perception des impôts pour les réclamer une deuxième fois aux terriens, les obligeant, à la longue, à abandonner leurs terres et leurs biens faute de pouvoir payer les taxes réclamées.  

Ce n'était bien sûr pas la première proclamation à demander cela aux autorités occidentales, mais pour une fois, Tryon, toujours dans un souci d’apaisement, a donné suite à sa déclaration en traduisant certains des hommes en justice pour leurs pratiques d'extorsion.

Hélas, il était trop tard, et cette décision n'a pas apaisé les Régulateurs qui réclamaient que les fonctionnaires incriminés soient complètement démis de leurs fonctions, ce que Tryon a refusé de faire.

 

D’un côté, Tryon continuait de croire que sa proclamation contre les fonctionnaires véreux devait suffire à apaiser la colère des terriens et se sentait ainsi légitime à réclamer les taxes non perçues aux Régulateurs.

De l’autres, les Régulateurs estimaient que leurs souhaits n’étaient pas exaucés car bon nombre des responsables locaux étaient toujours en activité dans leurs bureaux, ce qui laissait à penser que rien ne les empêcherait de commettre les mêmes délits.

 

Les tensions montaient à nouveau et atteignirent leur paroxysme lorsque les procès de Husband et Butler commencèrent.

Les Régulateurs étaient un groupe d'agriculteurs occidentaux de Caroline du Nord qui se sont réunis en association entre les années 1764 et 1771 pour lutter, par le biais de courriers et de pétitions, contre les fonctionnaires coloniaux locaux qui les surtaxaient.

 

Leurs revendications s’appuyaient sur 5 points distincts :

- Aucun des hommes ne paiera d'impôts tant que leurs griefs n'auront pas été entendus conformément à la loi.

- Ils ne paieront aucun frais d'officier au-delà du montant requis.

- Des réunions auront lieu régulièrement dans le but de discuter avec des représentants locaux et de déposer des griefs auprès du gouverneur.

- Les membres doivent payer des droits afin de « défrayer » les coûts liés aux actions entreprises.

- Et enfin, toutes les décisions seront soumises à la majorité.

 

La dernière distinction était capitale et établissait qu'aucun homme ne contrôlerait ou ne prendrait de décision pour les autres. Cette rébellion contre les autorités locales devait parler d'une seule voix.

 Leur objectif tenait en une ligne : Former un gouvernement honnête et réduire les impôts. 

En effet, à l’inverse des Fils de la Liberté, qui se réunissaient dans le Massachussetts, les régulateurs ne s’opposaient pas au gouvernement de Caroline du Nord ni au roi d'Angleterre mais demandaient des comptes aux responsables locaux des comtés de l'Ouest, qui se trouvaient être nommés par le gouverneur lui-même. Ils étaient aussi très remontés contre les innombrables avocats ayant fait fortune dans la région, grâce à leurs tarifs prohibitifs et le détournement de la loi à leur profit    

L’avocat Edmund Fanning, qui a toujours refusé de rencontrer les Régulateurs dans une tentative de dialogue, a même rédigé un mandat d'arrêt contre Hermon Husband et William Butler.

Jusqu’alors, Tryon et Fanning pensaient que seules quelques personnes menaient la foule des Régulateurs et que le fait de les emprisonner ferait disparaître le soulèvement. Mais c’est l’inverse qui s’est produit.

Le 2 mai 1768, près de 700 hommes entrent dans Hillsborough pour forcer la libération des prisonniers.

Les Régulateurs ont envoyé des pétitions directement au gouverneur, comme son secrétaire l'avait suggéré : 

« Nous, les habitants du comté d'Orange, payons des frais d'enregistrement des actes plus élevés que ceux des comtés adjacents et de nombreux autres frais plus que la loi ne le permet »  

Cette introduction énonce la principale plainte des Régulateurs contre les responsables locaux et surtout, la pétition est signée par 480 personnes ! Ce qui démontre bien l’ampleur du mouvement.

 

Le 20 juin 1768, Tryon, dans une volonté d’apaisement, publie une proclamation exigeant que tous les agents publics fassent apposer, dans leurs bureaux, des tableaux justes de leurs honoraires, légalement établis et que, surtout, ils les respectent !  Son objectif était de faire en sorte que tous les fonctionnaires locaux et judiciaires ne demandent ou ne reçoivent pas d'autres honoraires, pour les affaires publiques transigées dans leurs bureaux, que ce qui a été établi par l'autorité compétente, sous peine d'être renvoyés, poursuivis et condamnés.

Près de 3 700 Régulateurs ont marché à nouveau sur Hillsborough pour mettre un terme à ce procès, mais Tryon, ayant prévu cela, avait fait venir environ 1 400 membres des milices des comtés environnants pour empêcher les émeutes.

 

Avec une milice entraînée, il a été difficile pour les Régulateurs de tenter quoi que ce soit contre les tribunaux, même à 3 contre 1. Après quelques jours de tension et d'affrontement, les Régulateurs se sont dispersés et les procès ont commencé.

Husband a finalement été acquitté, mais William Butler et deux autres ont été inculpés et condamnés à des amendes et plusieurs mois de prison.

 

Lorsqu'une autre émeute a éclaté à Hillsborough en septembre 1770, il n’était plus question pour Tryon et l’Assemblée de la Caroline du Nord de parvenir à une entente avec les Régulateurs. Ce qu’ils voulaient, c’était supprimer complètement l’organisation, d’autant que les confrontations étaient de plus en plus violentes.

Cette fois, les Régulateurs s’étaient attaqués au tribunal, au juge Henderson et à Edmund Fanning qu’ils ont tant battu qu’il en a presque perdu un œil. Ils ont ravagé la ville et les commerces. Seule l’église a été épargnée du fait de leurs croyances religieuses.  

Tous les habitants de Hillsborough qui travaillaient pour le gouvernement provincial avaient craint pour leur vie.

À cet endroit ont été pendus par ordonnance d'un tribunal conservateur le 19 juin 1771 Merrill, Messer, Water, Poch et deux autres régulateurs

Par Valérie Gay-Corajoud