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Pour rappel, la correction se fera ainsi
En noir : le texte tel qu'il est dans la version française et validé par la traductrice
En Bleu : le texte tiré de la version originale, absent dans la version française d'origine et enfin traduit.
En blanc et rayé, le texte ajouté dans la version française d'origine ne figurant pas dans la version originale.
30. Lallybroch
Outlander, tome 2, Le Talisman, chapitre 30, ©Diana Gabaldon
Description: Après la France, Jamie et Claire sont de retour en Ecosse. Ils sont sur le trajet les menant à Lallybroch, quand Claire se remémore leur départ du Havre...
Traduit par Lucie Bidouille
Corrigé par Nighean Donn et Anne Marie / Maya
Relu et re-corrigé par Anne Montégu-Terrière
[…]
Je vis Jamie tendre le cou. Il s'immobilisa quelques secondes et redressa les épaules. Le vent jouait dans ses cheveux et soulevait son plaid, donnant l'impression qu'il allait s'envoler d'une minute à l'autre, joyeux comme un cerf-volant.
Cela me rappela le gonflement des voiles des navires qui manœuvraient en direction des routes maritimes alors que nous quittions le port du Havre. J’étais debout, au bout du quai, regardant l’agitation et les va-et-vient du trafic maritime et du négoce. Les mouettes plongeaient et s’égosillaient entre les mâts, leurs voix aussi rauques que les cris des marins.
Jared Munro Fraser se tenait à mes côtés, observant avec bienveillance le passage des marchandises, dont une partie lui appartenait. C’était l’un de ses navires, le Portia, qui nous transporterait en Écosse. Jamie m’avait dit que tous les navires de Jared étaient nommés en l’honneur de ses maîtresses, et que les figures de proue étaient sculptées de façon à ressembler aux dames en question. Je plissai les yeux contre le vent afin d’observer la proue du navire, essayant de décider si Jamie s’était moqué de moi ou non. Si ce n’était pas le cas, je conclus que Jared préférait les femmes aux formes généreuses.
- Vous me manquerez tous les deux, dit Jared, pour la quatrième fois en une demi-heure.
Il avait vraiment l’air accablé, même son nez mutin semblait moins retroussé et lui donnait l’air moins optimiste que d’habitude. Le voyage en Allemagne avait été un succès; il transportait un gros diamant dans sa bourse, et le manteau qu’il portait était taillé dans un riche velours vert bouteille avec des boutons en argent.
- Ah, eh bien, dit-il en secouant la tête. Même si j’aimerais garder le garçon avec moi, je ne peux pas lui en vouloir d’être joyeux à l’idée de rentrer chez lui.
Peut-être que je viendrai vous rendre visite un jour, ma chère; cela fait longtemps que je n’ai pas mis les pieds en Écosse.
- Vous allez nous manquer aussi, lui dis-je en toute sincérité. Il y avait d’autres personnes qui me manqueraient — Louise, Mère Hildegarde, Herr Gerstmann. Maître Raymond surtout. Pourtant, j’avais hâte de rentrer en Écosse, à Lallybroch. Je n’avais pas envie de retourner à Paris, et il y avait des gens là-bas que je n’avais absolument pas envie de revoir. Louis de France, par exemple. Ou Charles Stuart. Des sondages discrets parmi les Jacobites de Paris avaient confirmé l’impression initiale de Jamie; le petit élan d'optimisme suscité par Charles se vantant de sa grande entreprise s'était estompé, et tandis que les partisans du roi Jacques étaient restés fidèles à leur souverain, il ne semblait y avoir aucune chance que cette loyauté tenace mène à l’action.
Que Charles fasse la paix avec sa situation d’exilé, pensai-je alors. La nôtre était terminée. Nous étions sur le point de rentrer chez nous.
- Les bagages sont à bord, me dit à l’oreille une austère voix écossaise. Le capitaine du navire a dit de venir maintenant; nous naviguerons avec la marée.
Jared se tourna vers Murtagh, puis jeta un coup d’œil à droite et à gauche sur le quai.
- Où est le garçon, alors ?
Murtagh indiqua la jetée du menton.
- Dans la taverne là-bas. Occupé à se saouler copieusement.
Je me demandais comment Jamie avait prévu de résister à la traversée de la Manche. Il avait jeté un coup d’œil au ciel incandescent de l’aube qui laissait présager des tempêtes à venir, s’était excusé auprès de Jared, et avait disparu. En regardant dans la direction indiquée par Murtagh, je vis Fergus, assis sur un amas informe près de l’entrée d’une taverne, qui avait clairement l’air de faire la sentinelle.
Jared, qui avait d’abord fait preuve d’incrédulité, puis enfin d’hilarité quand il avait été informé du handicap de son neveu, sourit allégrement à cette nouvelle.
- Oh, aye ? dit-il. Eh bien, j’espère qu’il a attendu qu’on vienne le chercher avant de prendre sa dernière chope. Dans le cas contraire, ce sera un enfer de le porter sur la passerelle.
- Pourquoi a-t-il fait cela? Demandai-je à Murtagh, exaspérée. Je lui ai dit que j’avais un peu de laudanum pour lui. Je tapotai le sac de soie que je portais. Ça l’aurait assommé plus vite.
Murtagh cligna des yeux une fois seulement.
- Aye. Il a dit que tant qu’à avoir mal à la tête, il préférait que ça ait bon goût. Et le whisky descend nettement mieux que vos immondes trucs noirs. Il désigna du menton mon sac, et dit à Jared :
- Venez, alors, si vous étiez sérieux quand vous disiez vouloir m’aider avec lui.
Dans la cabine avant du Portia, je m’étais assise sur la couchette du capitaine, regardant les régulières montées et descentes du littoral, la tête de mon mari calée sur mes genoux. Il entrouvrit à peine un œil et me regarda. Je caressai les cheveux lourds et humides sur son front. Les odeurs de bière et de whisky flottaient autour de lui comme du parfum.
- Tu vas te sentir comme en enfer quand tu te réveilleras en Écosse, lui dis-je.
L’autre œil s’ouvrit, et regarda les vagues de lumière dansantes qui se réfléchissaient sur le plafond à colombages. Puis ils se fixèrent sur moi, tels des lagons d’un bleu profond.
- Entre l’enfer maintenant, et l’enfer plus tard, Sassenach, dit-il avec mesure et concentration, je choisirai ‘plus tard’, à chaque fois.
Ses yeux se fermèrent. Il rota, une fois, et tout son corps se détendit, se balançant tranquillement sur le berceau des profondeurs.
Les chevaux semblaient aussi impatients que nous. Flairant la proximité des écuries et d'une belle ration d'avoine, ils hâtèrent le pas, le cou tendu en avant et les oreilles dressées.
[…]