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Pour rappel, la correction se fera ainsi
En noir : le texte tel qu'il est dans la version française et validé par la traductrice
En Bleu : le texte tiré de la version originale, absent dans la version française d'origine et enfin traduit.
En blanc et rayé, le texte ajouté dans la version française d'origine ne figurant pas dans la version originale.
Outlander, tome 4, Les Tambours de l’Automne, chapitre 8, ©Diana Gabaldon
Description : Jamie, Claire et Petit Ian sont sur le bateau qui les emmène à River Run pour y retrouver la tante de Jamie, Jocasta.
Sur l’embarcation, Jamie et Claire manquent d’intimité. Leur conversation à ce sujet a été écourtée dans la version française.
Plus tard, Jamie enseigne quelques petites choses à Ian qui se montre récalcitrant et qui le provoque.
La réponse de Jamie a elle aussi été écourtée.
Traduit par Lucie Bidouille
Corrigé par Agnès McMaille et Marie Modica
8 - Un homme de valeur
(…)
De Wilmington à Cross Creek, les rives du Cape Fear étaient parsemées de plantations. Toutefois, depuis la barge on voyait surtout des forêts, avec ici et là un ponton en bois à demi enfoui sous la végétation et, de temps à autre, à travers une ouverture entre les arbres, des champs cultivés.
Nous remontâmes la rivière tant que la marée montante voulut bien nous porter. Ensuite, quand elle mourut, nous accostâmes pour la nuit, dînâmes autour d’un feu sur la berge mais dormîmes sur le bateau, Eutroclus ayant laissé échapper une allusion aux mocassins d’eau. Ces derniers, affirmait-il, vivaient dans des galeries creusées sous les berges mais avaient une fâcheuse tendance à sortir la nuit pour réchauffer leur sang froid au contact de voyageurs endormis et imprudents.
Je fus réveillée peu avant l’aube par le bruissement d’un bateau qui passait près du nôtre, puis par son sillage qui souleva notre coque. En me sentant bouger, Jamie poussa un soupir endormi, se retourna et m’attira contre lui.
Raide et endolorie d’avoir dormi sur une planche, je sentis son corps se presser contre le mien, dans son état paradoxal entre le sommeil et l’éveil. Il émit un grognement sourd et ses doigts se glissèrent sous mon jupon.
— Arrête ça ! lui soufflai-je en repoussant sa main. Tu oublies où nous sommes, pour l’amour de Dieu !
Dehors, j’entendais les cris de Ian et les aboiements de Rollo, qui couraient sur la rive. Dans la cabine, un raclement de gorge suivi d’un crachat nous signala le réveil imminent du capitaine Freeman.
— Oh… gémit Jamie en reprenant conscience. Non, je m’en souviens très bien maintenant, hélas !
— Oh, fit Jamie en reprenant conscience. « Oh, aye. C’est dommage. »
Il tendis les bras, serra mes seins des deux mains, et se plaqua contre moi avec une lenteur voluptueuse, me fournissant un avant-gout détaillé de ce que je manquais.
— Ah, eh bien, poursuivit-il, se détendant à contrecœur, mais sans pour autant lâcher prise. « Foeda est in coitu, n’est-ce-pas ? »
— Quoi ?
— Foeda est in coitu et brevis voluptas, récita-t-il obligeamment. « Et taedat Veneiis statim peractae. L’acte est un plaisir dégoutant, et bref. Et une fois terminé, nous nous repentons directement de l’effort fourni. »
Je jetai un coup d’œil à la planche tachée sur laquelle nous étions allongés.
— Eh bien, peut-être que “dégoûtant” est approprié, mais...
— Ce n’est pas la saleté qui me dérange, Sassenach, m’interrompit-il en regardant Ian, qui était suspendu sur le côté du bateau, encourageant Rollo pendant qu’il nageait. « C’est le “bref”. »
Il me jeta un coup d’œil, la mine renfrognée se changeant en un regard d’approbation en constatant mon état de déconfiture. « Je veux prendre mon temps, aye ? »
Ce début de journée classique semblait avoir eu une influence durable sur l'état d'esprit de Jamie. Je pouvais l’entendre alors que j'étais assise sous le soleil de l'après-midi, en train de feuilleter le dossier de Daniel Rawlings – à la fois amusée, instruite et consternée par les choses qui y étaient consignées.
Non loin, j’entendais Je distinguais la voix de Jamie lisant à voix haute un passage de L’Odyssée en grec. Il s’arrêta soudain, laissant sa phrase en suspens.
— Ah… fit Ian.
— Alors, qu’est-ce qui vient ensuite ? demanda Jamie.
— Euh…
— Bon, je recommence, reprit Jamie avec un soupir agacé. Cette fois, tâche de faire attention. Je ne le lis pas pour le plaisir de m’entendre.
Il reprit sa lecture, les vers élégants et formels s’animant à mesure qu’il lisait.
(…)
— Je n’ai pas l’ambition de devenir un gentleman, grogna [Petit Ian]. Après tout, petit Jamie et Michael ne savent pas lire le latin et ils ne s’en portent pas plus mal !
Jamie se frotta le nez, examinant son neveu d’un air méditatif.
— Petit Jamie dirige Lallybroch et Michael gagne très bien sa vie à Paris avec Jared. Tous deux ont une situation et s’en sortent très bien. Nous avons fait ce que nous avons pu pour leur éducation mais, à l’époque où ils auraient dû poursuivre leurs études, il n’y avait plus d’argent pour les faire voyager ou les envoyer à l’université. Ils n’ont pas eu le choix. Tes parents ne voulaient pas que tu subisses le même sort. Ils espéraient que tu deviendrais un homme de lettres et d’influence, voire un duine uasal.
J’avais déjà entendu cette expression gaélique, littéralement un « homme de valeur ». C’était le terme réservé aux selliers, aux lairds, aux propriétaires terriens et aux premiers vassaux des chefs de clan highlanders.
Jamie avait été un duine uasal avant le Soulèvement, mais il ne l’était plus désormais.
— Mmphm… fit Ian. Et toi, mon oncle, tu es devenu ce que tes parents attendaient de toi ?
Il arborait un air de défi mais, au tressaillement de sa paupière, on devinait qu’il était conscient de s’être engagé sur un terrain miné. Jamie était destiné
à devenir laird. Lallybroch lui était revenu de droit et c’était uniquement pour éviter que le domaine ne soit confisqué par la Couronne qu’il l’avait légué à son neveu, petit Jamie.
Jamie le dévisagea un moment, puis se frotta la lèvre supérieure d’une main avant de répondre.
— J'ai dit que tu étais un garçon intelligent, non ? répondit-il sèchement. Mais puisque tu demandes... J'ai été élevé pour faire deux choses, Ian. Prendre soin de ma terre et de mon peuple, et prendre soin de ma famille. J'ai fait ces deux choses, du mieux que j'ai pu, et je continuerai à les faire du mieux que je peux.
Petit Ian eut l'élégance de prendre un air embarrassé.
— Aye, eh bien, je ne voulais pas dire que... marmonna-t-il en regardant ses pieds.
— Dinna fash, mon garçon, l’interrompit Jamie en lui tapotant l'épaule.
Il adressa un sourire ironique à son neveu. « Tu feras quelque chose de ta vie pour l'amour de ta mère, même si ça nous tue tous les deux. Et maintenant, je pense que c’est mon tour à la barre. »
Il jeta un coup d'œil à l'avant, vers les épaules de Troklus qui brillaient comme du cuivre huileux, musclées par un long labeur. Jamie détacha ses hauts-de-chausses — contrairement aux autres hommes, il n'enlevait pas sa chemise pour manier la perche, mais enlevait le bas pour plus de fraicheur, et œuvrait avec sa chemise nouée entre ses cuisses, à la manière des Highlands — et il fit un signe de tête à Ian.
— Réfléchis-y, mon garçon. Fils cadet ou pas, ta vie n'est pas faite pour être gâchée.
Il me sourit, avec un éclat soudain qui me coupa le souffle, et me tendit son vêtement. Puis, tenant toujours ma main dans la sienne, il se redressa et, la main sur le cœur, récita :
"Amo, amas, j'aime une jeune fille
Grande et svelte comme un arbre ;
La grâce de la gentille primevère
est son cas nominatif,
Et elle est du genre féminin."
“Amo, amas, I love a lass,
As cedar tall and slender;
Sweet cowslip’s grace
Is her nominative case,
And she’s o’ the feminine gender.”
Il fit un signe de tête gracieux à Ian, qui s'était dissout dans les rires, et porta ma main à ses lèvres, ses yeux bleus inclinés par la malice.
« Puis-je décliner une nymphe si divine ?
Sa voix est douce* comme une flûte ;
Son regard* brillant, ses mains* blanches
Et tendre est son pouls quand je le touche*
Oh, comme elle est belle ma demoiselle*,
Je l'embrasserai pendant des siècles et des siècles* ;
Si j'ai de la chance, monsieur, elle sera ma femme,
Oh, jour béni parmi tous*.”
“Can I decline a nymph so divine?
Her voice like a flute is dulcis;
Her oculus bright, her manus white
And soft, when I tacto, her pulse is.
O bow belle, my puella
I’ll kiss in secula seculorum;
If I’ve luck, sir, she’s my uxor,
O dies benedictorum.”
* en latin dans le texte
Il me fit une révérence courtoise, battit solennellement des paupières dans sa version du clin d'œil, et s’éloigna en chemise.
- Fin du chapitre -