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Correctif

Tome 4  Chapitre 44

Pour rappel, la correction se fera ainsi 

En noir : le texte tel qu'il est dans la version française et validé par la traductrice

En Bleu : le texte tiré de la version originale, absent dans la version française d'origine et enfin traduit.

En blanc et rayé, le texte ajouté dans la version française d'origine ne figurant pas dans la version originale.

Outlander, tome 4, Le voyage, chapitre 44, ©Diana Gabaldon 

Description : (début du chapitre) La vie quotidienne est tranquille à Fraser's Ridge. Tandis qu'il s'occupe des 

corvées d'entretien de la maison, Jamie réfléchit au sujet de sa famille... 

  

Traduit par Marie Modica 

Corrigé par Céline Indignada 

 

 

44. Une conversation à trois temps 

 

 

Octobre 1769 

 

Jamie brandit sa hache et l'abattit sur la souche. Le choc se réverbéra à travers ses bras. Avec une cadence issue d'une longue expérience, il la dégagea, la balança au-dessus de sa tête, et l'abattit à nouveau, projetant des éclats de bois autour de lui. Il cala la souche avec un pied et frappa encore ; la lame mordait le bois à quelques centimètres de sa semelle.

 Il aurait pu demander à Ian de se charger de cette corvée et aller lui-même chercher la farine au moulin des Woolam, mais le jeune homme avait mérité de souffler un peu. En outre, ses visites à la famille de quakers étaient pour lui un véritable plaisir. Les trois filles encore non mariées de Woolam étaient habillées comme des sacs de pommes de terre, mais elles étaient jolies et pleines d'esprit. Elles adoraient Ian et rivalisaient à qui le choierait le mieux, à grand renfort de verres de bière et de pâtés de viande.

Jamie préférait encore que son neveu passe son temps avec des quakers vertueuses qu'avec les jeunes Indiennes aux regards lascifs. Il n'avait pas oublié ce que lui avait appris Myers au sujet des squaws qui désignaient librement les hommes qui partageraient leur couche.

Il avait envoyé Lizzie avec Ian, pensant que l'air frais de l'automne lui ferait du bien. La petite avait le teint aussi blanc que Claire, mais avec des nuances maladives de lait écrémé qui n'avaient rien à voir avec les tons riches et soyeux de sa femme.

 La bûche était presque fendue; un dernier coup, et un pivotement de la hache, et voilà deux bons morceaux prêts pour l'âtre, dégageant l'odeur reconnaissable de la résine. Il les empila soigneusement sur le tas de bois qui grossissait à côté du garde-manger, et roula une autre demi-bûche en place sous son pied. 

 La vérité c'était qu'il aimait couper du bois. Quelque chose de tout à fait différent du travail humide, éreintant et glacial de couper la tourbe, mais avec ce même sentiment de satisfaction profonde de voir un bon stock de carburant, que seuls ceux qui ont passé des hivers à frissonner dans des vêtements fins peuvent connaître. Le tas de bois atteignait presque les avant-toits de la maison maintenant, des morceaux secs de pin et de chêne, de caryer et d'érable. Leur vue réchauffait son cœur autant que le bois lui-même réchaufferait sa chair. 

En parlant de chaleur; c'était un jour chaud pour une fin d'octobre, et sa chemise collait déjà a ses épaules. Il s'essuya d'un coup de manche en travers de sa figure et examina la tache humide d'un œil critique. 

 S'il se mouillait, Brianna insisterait pour la laver à nouveau, quelles que soient ses protestations sur la sueur selon lesquelles elle était suffisamment propre. «Pfff», dirait-elle, avec un mouvement désapprobateur des narines, plissant son long nez comme un opossum. Il avait ri aux éclats la première fois qu'il l'avait vue faire; autant par surprise que par amusement. 

 Sa mère était morte depuis longtemps quand il était enfant et, tandis qu'un étrange souvenir d'elle venait de temps en temps dans les rêves, il avait surtout remplacé sa présence par des images statiques, des images figées dans son esprit. Mais elle lui disait "Pfff!" quand il rentrait  à  la maison couvert de boue, et plissait son long nez de cette façon - c'était revenu en un éclair quand il avait vu Brianna le faire. 

 Quel mystère que le sang ! Comment un petit geste, une intonation de voix, traversaient-ils des générations comme les vérités les plus solides de la chair? Il l'avait revu encore et encore, regardant ses nièces et neveux grandir, et acceptait sans réfléchir les échos des parents et des grands-parents qui apparaissaient pendant de brefs instants; l'ombre d'un visage regardant en arrière à travers les années et disparaissant à nouveau dans le visage qui vivait maintenant. 

 Pourtant, maintenant qu'il le voyait en Brianna… il pouvait la regarder pendant des heures, pensa-t-il, et se rappela sa sœur, se penchant sur chacun de ses bébés nouveau-nés avec fascination. C'était peut-être pour cela que les parents regardaient leurs petits avec un tel enchantement, songea-t-il; découvrir tous les minuscules liens entre eux, qui unissaient les chaînes de la vie, d'une génération à l'autre. 

 Il haussa les épaules et retira sa chemise. C'était sa propre maison, après tout; il n'y avait personne pour voir les marques sur son dos, et personne dont ce serait les affaires si c'était le cas. L'air était froid et soudain sur sa peau humide, mais quelques coups de hache ramenèrent le sang chaud à nouveau. 

 Il aimait profondément tous les enfants de Jenny - en particulier Ian, le petit imbécile dont le mélange de sottise et de courage entêté lui rappelait tellement lui-même à cet âge. C'était son sang, après tout. Mais Brianna… 

 Brianna était son sang et sa chair aussi. Une promesse tacite tenue à ses propres parents; son cadeau à Claire, et celui de Claire à lui. 

 Il se retrouva en train de penser à Frank Randall, et ce n'était pas la première fois. Qu'avait pensé Randall, en tenant dans ses bras l'enfant d'un autre homme - et d'un homme qu'il n'avait aucune raison d'aimer ? 

 Peut-être que Randall avait été le meilleur homme des deux, en fait - pour héberger un enfant pour le bien de sa mère et qui n'était pas le sien; de ne contempler son visage avec joie que dans sa beauté, et non parce qu'il y voyait son propre reflet. Il se sentit vaguement honteux et frappa avec plus de force pour exorciser le sentiment. 

 Son esprit était entièrement préoccupé par ses pensées et pas du tout par ses actions. Pendant qu'il l'utilisait, cependant, la hache faisait autant partie de son corps que les bras qui la balançaient. Tout comme un pincement au poignet ou au coude l'aurait averti instantanément des dommages, une légère vibration, un léger changement de poids l'arrêta au milieu du mouvement, de sorte que la tête de hache desserrée vola sans danger à travers la clairière, plutôt que de heurter son pied vulnérable. 

 «Deo gratias», marmonna-t-il, avec un peu moins de gratitude que les mots indiqués. Il se signa superficiellement et alla ramasser la plaque de métal. Au diable le temps sec; il n’avait 

pas plu depuis près d’un mois, et le manche rétréci de sa hache était moins inquiétant que les têtes tombantes des plantes dans le jardin de Claire près de la maison. 

 Il jeta un coup d'œil au puits à moitié creusé, haussant les épaules d'irritation. Une autre chose à faire, pour laquelle il n’y avait pas de temps. Il faudrait attendre un peu; ils pourraient transporter l'eau du ruisseau ou faire fondre la neige, mais sans bois à brûler, ils mourraient de faim ou gèleraient, ou les deux. 

 Au même instant, la porte s'ouvrit et Claire apparut, sa cape sur les épaules et son panier sous le bras. Brianna se tenait derrière elle. 

 «  Tu pars chercher tes herbes ? » Demanda-t-il. 

«  Oui, j'ai pensé qu'on pourrait remonter le ruisseau à la recherche de cresson. 

 «  N'allez pas trop loin, leur recommanda-t-il. Les Indiens chassent en haut de la montagne. Je les ai sentis sur la crête ce matin. » 

«  Tu les as sentis ? » répéta Brianna, interloquée. 

 «  C'est l'automne, ils font sécher leur gibier sur de grands bûchers, expliqua-t-il. Quand le vent est bon, on peut les sentir de très loin. » 

 

La porte s'ouvrit et Claire sortit, habillée contre le froid des ombres d'automne, son panier sous le bras. Brianna était derrière elle et, à leur vue, il oublia son agacement. 

 "Qu'as-tu fait?" Dit aussitôt Claire en le voyant avec la tête de hache dans une main. Ses yeux passèrent rapidement sur lui, à la recherche de sang. 

 «  Non, je suis entier», lui assura-t-il. «C’est seulement que je dois réparer le manche. Vous allez chercher des herbes ? » Il fit un signe de tête vers le panier de Claire. 

 «  J 'ai pensé que nous remonterions le courant, pour trouver des oreilles de Judas. » 

 «  Ah? N'allez trop loin, hein ? Il y a des Indiens qui chassent en haut de la montagne. Je les ai sentis sur la crête ce matin. » 

 «  Tu les as sentis? » Demanda Brianna en levant un sourcil roux de manière interrogative. Jamie vit le regard de Claire passer de Brianna à lui et sourire légèrement à elle-même; c'était donc l'un de ses propres gestes. Il leva un sourcil, regardant Claire, et vit son sourire s'élargir. 

 «  C’est l’automne et ils sont en train de faire sécher la venaison », expliqua-t-il à Brianna. « Tu peux sentir la fumée des feux très loin, si le vent est dans la bonne direction. » 

 «  On n'ira pas plus loin que le torrent aux truites, » lui promit Claire.

 «  Aye, bien. J'ose dire que c'est assez sûr. » Il hésitait à les laisser partir les femmes, mais il ne pouvait tout de même pas les obliger à rester enfermées dans la cabane uniquement parce que des sauvages rôdaient dans les parages. D'ailleurs, les sauvages en question étaient sans doute paisiblement autant occupés que lui à préparer l'arrivée de l'hiver.

 

(...)