MENU 

The Gathering 

Par Marianne Hatzfeld  

Illustrations : Gratianne Garcia   

Dessin de "Carthasis"

Pour celles et ceux qui disent avoir du mal avec le tome 5 : Nous retombons régulièrement dedans au gré d’une question, puis d’une autre…. juste comme une sorte de dégustation. C’est la troisième (ou peut être la cinquième …) fois que nous le relisons. Nous voudrions juste, pour vous mettre en appétit, faire un petit commentaire des 277 premières pages, qui couvrent une journée de ce fameux gathering, grand rassemblement d’écossais en Caroline du Nord, environ 400 personnes qui se retrouvent et pour ce dernier jour célébreront, pensent ils,  mariages, baptêmes et autres réjouissances. Ce chapitre est au centre, littéralement, de la saga, au milieu pile des –probables – 10 tomes et entre Ecosse et Nouveau Monde. Le passé y est beaucoup évoqué, et le futur s’annonce, inquiétant et enthousiasmant aussi. Cette partie du tome 5 a une forme de boucle, qui commence au réveil du couple Claire –Jamie et se finit quand ils s’endorment.

Tout cela sous un temps maussade, frisquet parfois pluvieux, il y a même une petite averse de grêle.

D’entrée on a le fantôme de Frank venu faire une petite visite à Claire, visite un peu gênante, mais ce fantôme lui-même dit  « ne devrais-je pas être présent à son mariage ? » (Celui de Brianna, prévu le soir) pendant que Jamie,  lui, fait un rêve idiot et érotique extrêmement drôle mêlant chevaux et roi d’Irlande… En toute fin de journée c’est Bonnet qui s’invite lui aussi dans une scène intime entre Roger et Brianna , tel un fantôme désagréable

Dessin de "Carthasis"

 On pense que Jamie et Claire vont pouvoir se détendre et commencer leur journée par un moment coquin, mais ils sont interrompus par une déclaration du Gouverneur Tryon, lue par le Lieutenant Hayes : un nouveau personnage, complexe, intéressant, sympathique : un écossais, ex jacobite « repenti » servant le gouvernement anglais. Et cette proclamation, tout en coupant toute idée de badinage, lance l’idée d’un conflit, celui qu’on appellera « la guerre de régulation ».

La vie quotidienne est abordée de plusieurs façons, en plein air : comment on trouve du café, que mange-t-on, la découverte des tomates, les premières règles de Lizzie. Avec un petit passage délicieux où Claire se confronte aux dures nécessités de la vie du XVIII : changer un bébé avec un bout de jupon déchiré, et lui laver les fesses dans un ruisseau glacé.

 

Dessin de "Carthasis"

On a un aperçu des questions de contraception et de prévention des maladies sexuellement transmissibles. La vie d’une jeune mère de nourrisson est abordée avec énormément de sensations, qui parleront à toutes les lectrices qui ont eu un bébé, qui l’ont allaité, et ont souffert de cet espèce de trop plein que ce bébé exige, les seins qui font mal, les crises de pleurs, les changes malodorants, les renvois et bavouilleries, sans temps mort…

« Heureuse la mariée que le soleil illumine, heureux le cadavre que la pluie baigne », ce dicton bizarre rythme la journée comme une sorte de refrain.  

Des ruses très MacKenziennes permettent des moments plutôt drôles, c'est-à-dire que le MacKenzie type fait croire à une opinion, juste pour provoquer son interlocuteur et obtenir de lui … ce qu’il veut : d’abord Jamie qui laisse croire à son mécontentement quand à la religion de Roger, alors qu’il est bien plus tolérant qu’il ne l’exprime, ce qui lui permet d’obtenir la promesse que Jemmy sera baptisé catholique. Puis vers la fin de la journée c’est Jocasta, maitresse en la matière, qui provoque Roger délibérément afin de tester son attachement à Jemmy et à la famille Fraser, famille de propriétaires terriens possiblement riches.  À son entière satisfaction Roger tombe dans le piège et révèle à tous, y compris à lui même,  à quel point il a le sens de l’honneur et défendra « son » fils.  Jamie toujours aussi rusé, alors que les baptêmes des bébés semblent compromis par l’arrestation du prêtre catholique, va sauver la cérémonie mais au prix d’une confession érotico théâtrale (qu’il sait si bien faire).

Dessin de "Carthasis"

Brianna et Roger ne sont pas en reste pour un mariage hérétique, plein de tendresse et de grimaces, mais sans latin,  tout à fait gai.

Il y a quelques incidents, la chute du petit Germain, l’arrestation du chercheur de têtes, la dispute au barbecue sur une question fondamentale de cuisine,  les querelles religieuses…

Les personnages présentés ont souvent un lien avec le passé de Jamie, parfois d’anciens codétenus d’Ardsmuir, qui forment une communauté unie dans le souvenir du malheur, et certains que l’on risque de retrouver plus tard : une mégère : Mme MacGillivray, accompagnée de son petit mari, son fils et ses trois jolies filles. Les Chisholm qui doivent également s’installer à Fraser‘s Ridge. On fait connaissance d’un couple sympathique et assez banal, les Bug, sans savoir encore quelle importance ces deux là vont avoir ; l’homme est taiseux et la femme pipelette mais diablement efficace. Mme Bacon, celle qui est capable d’inciter Claire à porter une hideuse charlotte pour se conformer aux usages, et dans le même temps de lui confier une plante contraceptive, secret de confiance en ces temps où ne pas vouloir concevoir peut être très mal vu ? Cela donne une jolie complicité féminine, qui rappelle Mme Fitz, Mère Hildegarde ou la guérisseuse indienne Nayawenne, la cohorte des femmes puissantes.

Dessin de "Carthasis"
Dessin de "Carthasis"

Les présentations de ces futurs locataires de Fraser’s Ridge permettent d’expliquer comment va se passer le peuplement de cette terre, que ce soit la propriété des Fraser, ou plus largement la jeune Amérique : différents peuples européens sont représentés : anglais et écossais majoritaires puisqu’il s’agit d’un gathering écossais, mais aussi allemands, français…, des artisans compétents (armurier, tonnelier…), des chasseurs qui pourront proposer des marchandises à troquer avec le vieux continent mais aussi des agriculteurs défricheurs

Dessin de "Carthasis"

Des jeunes, des expérimentés, et les femmes !! « Rendons hommage à nos femmes » dit Jamie « car elles sont notre force. Au bout du compte c’est par le berceau que nous nous vengerons de nos ennemis ». Chacun trouvera sa place dans ce nouveau monde.

L’histoire poignante de Mac Lennan,  la mort de sa femme (après celle de leurs 4 enfants) victime de la corruption des collecteurs d’impôts, donne en quelques mots un aperçu du pourquoi de la révolte des régulateurs. La famille Findley est tout aussi émouvante, dont le frère ainé est infirme, la famille est digne et miséreuse, ils survivent difficilement mais que deviendront ils si les jeunes meurent pendant la guerre ?

L’activité de Claire comme médecin en plein air, qui ne renierait pas les dispensaires du XX e, ou la médecine de brousse, est un petit moment vivant, et imagé.

Dessin de "Carthasis"

Pas de badinage décrit entre Jamie et Claire, mais des mots doux et des baisers tout au long de leurs rencontres,  ils se tournent autour, se séparent, se retrouvent, se cherchent, et chaque fois se réconfortent. Un petit passage délicieux, avec une belle déclaration, quand Jamie fait allusion à une histoire de la Bible (Sarah et Abraham donnant naissance à un âge avancé) et aborde la question de la ménopause et de ses désagréments avec franchise et compassion.

C’est la jeune génération : Roger et Brianna, confrontés à l’idée d’une possible abstinence comme seule contraception sure, et au cauchemar des décès des femmes en couches si nombreux au XVIII, s’empressent de … passer outre cette idée d’abstinence dans les feuilles mouillées.

Tout d’un coup, au détour d’un soin, avec le Lieutenant Hayes , c’est une évocation de Culloden , la terrible bataille, et une petite pièce du puzzle de la mémoire perdue de Jamie : il a sauvé un jeune garçon, de 12 ans, à Culloden, le Lieutenant Hayes lui même, de la mort par l’ignoble Murchison, celui qu’on a déjà vu ( à River Run) , un vrai méchant, tellement méchant qu’il était deux en un…

Dessin de "Carthasis"

Les pensées intimes de Roger : Il est en plein questionnement. Epouser une fille plus riche et n’avoir rien à lui offrir,  ses doutes sur ses compétences à pouvoir faire vivre, protéger sa famille,  à une époque où pour cela il faut se battre, chasser, bâtir et défricher et non pas manier le stylo ! Sa curiosité, en tant qu’historien, à vivre ce temps des pionniers !  Sa jalousie quand des hommes reluquent Brianna si différente et si libre, la lettre de Frank qu’il a appris par cœur et qui nous renseigne sur Frank (on a eu le texte entier de cette lettre au tome 4, quelle étonnante mémoire possède Roger le chanteur !)  Et les révélations, terribles,  de Brianna sur Bonnet ; On découvre à quel point Roger est susceptible quand il s’agit de son beau-père : il croit d’abord être dépouillé par Archie Bug de la place de régisseur donc de bras droit de Jamie, pour s’apercevoir finalement que celui-ci va lui confier un rôle encore plus important, celui de Capitaine de la milice qu’il doit constituer sur ordre du gouverneur Tryon.

La journée se termine par un appel au clan improvisé par Jamie (l’improvise t-il vraiment ?) un discours qui rend hommage aux disparus en Ecosse, « ceux qui sont morts de chagrin », il nomme chaque membre de cette communauté, en commençant par sa Claire, sa Sorcha, puis Roger le chanteur, fils de sa maison.  Le discours de Jamie est d’une grande émotion,  et sa promesse de veiller sur ses hommes est forte et lourde de conséquences. 

 

 

Dessin de "Carthasis"

Roger est enfin rassuré sur la place qu’il a auprès de son beau père et follement excité par l’évènement auquel il participe, en tant qu’historien.  La nuit de noces de Roger et Brianna est belle et complexe. Brianna, entre grossesse récente, allaitement non régulé, et séquelles de son agression par Bonnet, a du mal à lâcher prise, on sent qu’il va lui falloir du temps. Quand au couple Claire / Jamie, dans l’intimité enfin de leur tente, ils partagent plus que leurs corps, mais aussi leurs pensées sur ce qui les attend ; ils se comprennent si bien que les mots sont rares : « que vas-tu faire ? » demanda Claire ? « Ce que je dois »

Dessin de "Carthasis"

Nous ne pouvons conclure sans souligner à quel point, comme toujours, Diana Gabaldon sait parsemer son texte de petits détails, anecdotes, saynètes hilarantes. Le grand guerrier écossais qui lave une couche sale dans la rivière, le grand père et le papa débordés, qui « se refilent le bébé » qui pue en appelant au secours la mère nourricière « où est Bree ? ». Claire qui calcule et redivise ses provisions au gré des invitations de Jamie à leur petit déjeuner lesquelles s’ajoutent sans fin, Roger qui cherche un cadeau de mariage (un pot de chambre peint ?) pour Brianna. La discussion du shérif et du juge concernant le rite de transsubstantiation : est ce du cannibalisme ? ou de la sorcellerie ?

Enfin : pourquoi s’arrêter à la page 277 ? C’est la fin de cette journée si remplie, mais c’est le début d’autre chose. La suite est exquise, il y a le retour à Fraser’s Ridge,  envahi par les nouveaux colons,  un cheval récalcitrant, un petit chat sauvage, et le plus merveilleux des bouquets, cueilli sur un malentendu charmant, le premier bouquet que Jamie, qui a encore à apprendre, on le voit ici, offre à Claire ! 

 

Dessin de "Carthasis"