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"J'habite dans les ténèbres"

Cette obscurité, ces ténèbres sont vraiment un thème récurrent dans la saison 1... elles guettaient Frank Randall, mais le révérend Wakefield lui a conseillé de s'en détourner. Elles ont englouti Jamie Fraser, mais Claire est parvenue à l'en extirper.

 

Plus encore que pour nos deux malheureux héros, cette obscurité fait partie de la vie de Black Jack Randall, cette noirceur est son pain quotidien.

 

Ce personnage est très sombre dans le livre mais aussi assez mystérieux. Nous n'en savons que ce que Claire perçoit de lui ou ce qu'elle en a entendu dire. Une chose est évidente : il a développé une obsession sur la personne de Jamie le jour où le jeune homme lui a résisté. C'est un mécanisme classique de l'envie : elle s'exacerbe d'autant plus devant ce qui persiste à lui échapper. Le jeune Highlander avait repoussé ses avances, l'avait insulté et, plus tard, il avait également refusé de crier grâce pendant que Randall lui administrait le fouet.

 

Quand Jamie Fraser s'est retrouvé à la prison de Wentworth, Black Jack Randall a sauté sur l'occasion de marchander la liberté de Claire contre l'abandon de Jamie... car "l'attrait d'une victime qui se donnait d'elle-même s'avéra irrésistible." (Chap. 35) Il s'est alors fait un malin plaisir de torturer le jeune homme pour le faire plier, d'une manière ou d'une autre. Alternant la violence et les caresses, il a déboussolé Jamie au point que celui-ci a fini par être dégoûté de lui-même. Et puis, il y a ce moment terrible que Jamie a rapporté à Claire : 

"J’étais allongé sur le sol et il était couché près de moi. Il était nu, lui aussi, et nous étions tous les deux couverts de sang, entre autres choses. Je ne ressentais plus la douleur, uniquement un grand sommeil. Je ne sais pas combien de temps nous sommes restés ainsi mais, à un moment, je l'ai senti se presser contre moi. Il a mis ses bras autour de mon cou et a enfoui son visage dans le creux de mon épaule. Il pleurait doucement et, entre deux sanglots, il me répétait : « Je t'aime, je t'aime, je t'aime... » Je ne sais pas ce qui m'a pris mais j'ai passé mes bras autour de sa taille et je l’ai serré contre moi. On est restés enlacés un long moment. Il a cessé de pleurer, m'a embrassé, m’a caressé, puis il a chuchoté à mon oreille : « Dis-moi que tu m'aimes... » Je n'ai pas pu. Je ne sais pas pourquoi. J'aurais léché ses bottes et l'aurais appelé roi d’Écosse, s'il me l'avait demandé. Mais je ne pouvais pas me résoudre à lui dire ça. Alors, il m'a de nouveau pris brutalement, et pendant qu'il allait et venait en moi, répétait : « Dis-moi que tu m'aimes, Alex, dis-moi que tu m'aimes. »  

— Il t'a appelé Alex ? ne pus-je m'empêcher de demander.  

— Oui. Je me suis d'ailleurs demandé comment il connaissait mon deuxième prénom. Enfin... je n'ai plus bougé ni prononcé un mot. Quand il a eu fini, il est devenu comme fou. Il s'est remis à me battre en hurlant : « Tu sais que tu m'aimes ! Dis-le ! Je sais que c'est vrai ! » Je me suis protégé comme j'ai pu et j'ai fini par m'évanouir. Quand je me suis réveillé, je ballottais sur le ventre, en travers d'une selle, puis plus rien de nouveau jusqu'à ce que je me retrouve près du feu à Eldridge, toi penchée sur moi. Je crois que... si je lui avais dit ce qu'il voulait... il m'aurait tué." (Chap. 40)

 Ainsi donc, dans le livre, le mot de la fin a échappé à Randall.

Cela dit, si le jeune homme n'a pas cédé l'ultime pouce qui lui restait de son terrain, il n'en est pas moins sorti démoli. Et, comme nous l'avons vu ensuite, Jamie a connu ce moment difficile où la survie pèse bien davantage que la peur de la mort.

 

Que voulait réellement BJR dans ces derniers instants ? 

Les intentions profondes du personnage restent floues : souhaitait-il entendre cette déclaration pour lui-même ou simplement pour faire craquer Jamie ? 

S'agissait-il ici de perversion ou de perversité ? 

La question reste en suspens.

 

*** 

P.S. Alex était-il le frère de BJR ou bien le jeune homme qui s'est pendu après avoir cédé aux avances de BJR juste avant que celui-ci fasse la connaissance de Jamie ? -- Nous n'avons de certitude ni pour l'une ni pour l'autre réponse. Et si vous voulez savoir ce qu'en pense Diana Gabaldon... sachez qu'elle non plus n'a pas la réponse  

**********

 

Dans la série, la malveillance du personnage de Jonathan Wolverton Randall me paraît encore plus tranchée et bien mise en valeur - si j'ose dire...

 

Nous savons que c'est l'exercice de son métier qui l'a transformé et nous découvrons qu'il a suffisamment de recul sur lui-même pour se complaire dans cette situation et même en discuter à l'occasion avec quelqu'un : quand il s'amuse à confesser sa noirceur à Claire juste avant de l'agresser et de lui déclarer "Je vis dans les ténèbres, madame, et je leur appartiens" (épisode 6), et plus tard, quand il s'apprête à prendre Jamie de force, "Tu crois que je ne contrôle pas la noirceur qui m'habite ?" (Épisode 16).

 

Il est parfaitement conscient de ce qui se passe en lui et il tire régulièrement satisfaction non seulement de faire souffrir quelqu'un mais aussi d'observer une tierce personne en train de regarder celui qui souffre. Nous pouvons remarquer ici une forme de cruauté vraiment sophistiquée. A ce moment-là, il utilise comme un objet la 1ère personne qui souffre afin d'atteindre la 2e personne qui souffre de voir souffrir la 1ère : c'est ce qui se passe quand il tire sur le corsage de Jenny et contraint Jamie à lever les yeux pour la regarder (épisode 2), c'est encore ce qui se passe quand il saisit la tête de Jamie pour lui forcer un baiser mais jette d'abord un œil sur Claire pour s'assurer qu'elle regarde bien ce qui va se passer (épisode 12).

 

Dans la même optique, nous remarquons à plusieurs occasions qu'il retire également de la satisfaction à pousser quelqu'un à faire souffrir une autre personne. L'exemple du caporal Hawkins qu'il incite à frapper Claire est typique (épisode 6). Il lui intime l'ordre de faire un geste que tout homme d'honneur s'interdit : frapper une femme, et il l'y oblige tout en dissertant sur les côtés appréciables de ce geste. Le pauvre garçon, tiraillé entre ses principes et la peur que lui inspire son officier, agresse la jeune femme du bout du pied et est finalement sauvé par l'arrivée fracassante de Dougal MacKenzie venu à la rescousse de Claire.

 

BJR aime donc pousser les autres à faire le mal, à franchir les limites et à se retrouver dans les ténèbres. Il aime contrôler les autres et c'est encore plus flagrant dans la version originale car quand il donne un ordre à quelqu'un qui ne s'exécute pas immédiatement, Randall lui commande alors "Do it !" ("fais-le !"). Cela arrive plusieurs fois dans la saison 1 : on l'a vu avec le caporal Hawkins, mais il le fait aussi avec Marley contre lequel il s'emporte car celui-ci obéit trop lentement à son gré (épisode 15) et c'est aussi le cas avec Jamie (épisode 16), quand il le pousse à se marquer avec le sceau chauffé à blanc.

 

Il s'était intéressé tout particulièrement à James Fraser car il avait pu remarquer sa fierté et sa force de caractère à Lallybroch. Il s'est ensuite passionné pour le jeune homme quand celui-ci "a tenu bon. Il a enduré son châtiment en silence." Nous voyons Randall raconter ses souvenirs et son cheminement de pensée à Claire (épisode 8 ) : "C'était un mauvais témoignage pour les spectateurs, les soldats comme les civils. Je ne pouvais tolérer cette insulte à la Couronne. Alors oui, j'ai décidé qu'il méritait 100 coups de fouet de plus. Cette fois, je m'en chargerais moi-même." En s'approchant de lui, Black Jack Randall s'est aperçu qu'il tremblait. Curieux de voir de quel bois était fait le jeune homme, il l'a interrogé et le résultat a certainement été à la hauteur de ses espérances : "Tu trembles... tu as peur ?" - "J'ai peur seulement de prendre froid en vous attendant !"

Par Marie Modica  

Illustrations : Gratianne Garcia  

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Pour Jamie, les souvenirs de chacun de ces instants nourrissent ses pires cauchemars. Il l'explique à Claire : "Je ne comprenais pas de quoi il parlait. Il a parlé un moment... Il aime faire ça. Il aime s'amuser avec ses jouets !" (Épisode 12). Piégé dans une dynamique s'apparentant au jeu du chat et de la souris dont il se retrouvait la victime, le pauvre jeune homme a vraiment cru qu'il s'agissait d'un jeu. Il se trompait pourtant très lourdement. Nous savons, en effet, que tout ceci est sérieux pour Black Jack Randall... c'est même extrêmement sérieux !

 

Son interprète, Tobias Menzies, s'en est ouvert dans plusieurs interviews en parlant du personnage : "Jack n'est pas une personne intrinsèquement mauvaise, mais il a été déformé par ses expériences. (...) C'est une étude sur le sadisme. (…) Il y a une énorme admiration pour ce jeune homme qui est capable de supporter plus de douleur physique que Jack n'en a jamais administré à toute autre personne. En tant que sadique qui s'intéresse à la douleur humaine et aux limites de l'endurance humaine, cela le fascine." Cela explique cette déclaration de BJR : "Je te briserai." Ce n'était même pas une menace à l'encontre de Jamie, c'était juste l'annonce de son objectif. Une promesse qu'il faisait à celui-ci comme à lui-même.

 

Voilà donc pourquoi Randall ne voulait surtout pas que Jamie meure si vite à la prison de Wentworth, voilà pourquoi il lui a même fait servir un repas dans la cellule : pour que le jeune homme reconstitue un peu de ses forces avant de l'affronter... et continue de faire la tête brûlée en face de son bourreau. Et quand Jamie lui a garanti qu'il ne se rendrait pas, BJR qui scrutait ses réactions ne cache pas sa propre joie devant la perspective que son étude se prolonge : "Je dois le dire, il y a une part de moi qui serait déçue si tu le faisais." Et il ajoute, parlant probablement de sa propre expérience intérieure : "Mais tout homme peut être brisé, il n'y a aucune honte à avoir." 

 

Il lui parle sur un ton aimable tandis qu'il calcule un nouvel angle d'approche. L'endurance physique a déjà été testée et pour l'instant elle tient encore, alors il va chercher du côté de l'endurance mentale de Jamie : le souvenir angoissé du poteau de supplice et de sa chair meurtrie sera peut-être un ressort de déstabilisation... Randall fait donc mine de s'intéresser au dos du jeune homme et celui-ci semble d'abord rester de marbre mais bondit finalement tel un lion en cage. Il s'est laissé approcher mais, en réalité, il ne veut pas se laisser faire et il attaque de toutes ses forces. Cependant la situation se renverse rapidement car s'il lutte avec l'énergie du désespoir, il n'est pas en pleine forme et surtout il est entravé par des chaînes.

 

A l'issue de cette lutte qui n'aura pas surpris Randall car elle démontre une combativité encore en action, Jamie est maîtrisé par Marley et puni pour avoir levé la main sur son bourreau. La main qui a frappé la première est celle qui se fait mutiler... tandis que Black Jack accuse sa victime d'être responsable du mal qui lui est infligé : "Pourquoi me forces-tu à te traiter d'une façon aussi abominable ? Pourquoi choisis-tu de passer les dernières heures de ta vie comme un misérable estropié ? Pourquoi me forces-tu à te faire mal ? Tu vaux mieux que ça." Ces questions et ce reproche nous choquent et nous montrent l'étendue de la perversité du personnage.

 

Plus encore : il jubile d'abord froidement mais quand il s'approche de Jamie et le voit si vulnérable, l'envie lui prend de se servir de lui pour satisfaire sa perversion dans l'instant. Il s'assure d'abord que

Jamie a retrouvé suffisamment ses esprits pour avoir conscience qu'on use de lui d'une façon dégradante... "Je pourrais te prendre tout de suite..." lui dit-il. Pourtant il s'arrête.

 

Il vient soudain de se rappeler l'objectif qu'il s'était fixé avec ce jeune homme. Ce qu'il veut avant tout c'est le briser et il se rend bien compte qu'il n'y arrivera pas de cette façon car celui-ci vient de lui dire : "Je vous tuerai !" dans un gémissement étouffé. Il décide alors de quitter la pièce en lui lançant un avertissement dans la lignée du discours pervers qu'il lui tenait juste avant : "Si seulement tu arrêtais de me résister, je pourrais faire que ce soit tellement plus facile pour toi. Je suis ici pour t'aider, ne me combats pas."

 Pourquoi est-il sorti à ce moment-là ? Il me semble que c'est pour faire retomber la pression un instant, permettre à Jamie de réfléchir à cette tentation de facilité et, peut-être, d'y succomber...

Ce que Black Jack voudrait, ce serait que Jamie craque comme a pu le faire Alex autrefois (et probablement un certain nombre d'autres jeunes gens avant lui...?) et qu'il accepte de subir n'importe quoi en échange d'une exécution rapide et plus noble que la corde. Il voudrait obtenir une reddition de la part du jeune homme et nous pouvons supposer qu'il était encore en train de se demander comment il s'y prendrait au moment où il est rentré dans la cellule et a surpris Claire en plein dans sa tentative de sauvetage.

 

La jeune femme, bien malgré elle, lui offre sur un plateau la meilleure solution : au lieu de contrarier ses plans, elle arrive à point nommé pour devenir l'instrument avec lequel Randall peut faire pression sur le sujet de son étude. Il a compris, en effet, que les jeunes gens sont profondément attachés l'un à l'autre. Jamie ne s'était-il pas dangereusement exposé à Fort William pour voler au secours de sa bien-aimée ? Et Claire ne vient-elle pas de faire de même dans la prison où son époux est détenu ?

 

Selon une technique qui ne demande pas beaucoup d'hésitation pour qui n'a guère de scrupule, Randall s'attaque donc à la jeune femme pour faire plier le jeune homme. Et cette fois-ci, bien sûr, il obtient exactement ce qu'il voulait et même au-delà toutes ses espérances. Jamie réclame la mise en sécurité de Claire et, en échange, il jure : "Vous pourrez faire ce que vous voulez. Je ne résisterai pas." et il le lui prouve l'instant suivant en laissant clouer sa main mutilée sur la table.

En échange de cet engagement de Jamie, BJR s'était engagé à faire sortir Claire. Nous réalisons ainsi qu'en marge de toute sa malveillance et de sa perversité, il demeure un homme de parole. Décidément, la nature humaine est toujours bien complexe ! ... cela dit, Randall ne met pas beaucoup les formes pour respecter sa parole : il se débarrasse bien vite de la jeune femme en l'évacuant par le trou des condamnés, ne s'inquiète guère de savoir si elle va s'en sortir et se dépêche de retourner dans la cellule pour revenir à ce qui l'intéresse.

 

Finalement Jamie a donc bel et bien craqué, non pas pour lui-même mais pour préserver Claire. Black Jack est enchanté, il sait qu'il a le reste de la nuit pour faire crier grâce au jeune homme et les prochaines heures promettent d'être intéressantes. Il reprend donc tranquillement son travail de sape en revenant à son étude du traumatisme de Jamie. Penché sur sa victime maintenue immobile avec ce clou planté dans sa main, il ressemble à un entomologiste penché sur un malheureux insecte punaisé à une planche... à la différence près que là où l'insecte serait mort, le jeune homme est ici plein de vie !

 

Il y a d'abord ce silence glaçant et ces gestes exécutés par derrière : la chemise déchirée, le dos mis à nu et cette caresse. Ensuite le constat satisfait du sadique : "un chef d'œuvre". Et puis cette question clinique : "Qu'est-ce que ça fait d'être vivant et de porter tant de chair morte ?" Il laisse finalement s'exprimer toute sa malveillance et sa perversion tandis que Jamie, empêché de bouger à cause du clou et de sa promesse, est pétrifié par l'horreur (épisode 15).

Randall est si près de Jamie à ce moment-là qu'il se rend certainement compte de son état. Comme un chat qui s'amuse avec une souris piégée et la titille du bout de la patte, il lui glisse près de sa nuque : "On commence ?" - ces mots sont à la fois ironiques (commencer quoi au juste ? le dos de Jamie est bien la preuve que tout ceci n'est que la reprise d'une torture débutée il y a plusieurs années) et lancés sur un ton presque badin, telle une invitation à passer un bon moment ensemble...

 Présentant une fausse bonté d'âme, il lui offre de l'alcool (mais l'empêche toutefois de se saouler) et lui annonce d'un ton conciliant : "Le pire est passé maintenant. Tu verras." Jamie comprend que Randall l'invite à s'impliquer mais il reste bien décidé à ne pas 'participer' à ce qui pourrait lui arriver.

Black Jack tente une approche à laquelle, évidemment, Jamie ne veut pas répondre et Randall se rend vite compte que sa victime cherche à se dissocier de ce qui lui arrive. D'abord agacé, il prend finalement cette soumission passive de Jamie comme un défi et il décide de relever ce défi : "Eh bien, nous verrons ça." 

 

Les événements qui s'enchaînent ensuite entraînent le jeune homme dans une spirale infernale : BJR prétend d'abord lui offrir "une expérience agréable pour nous deux" tout en guettant ses réactions et Jamie se retrouve le cœur au bord de l'abîme et les sens en déroute. Dans un sursaut de colère, il crache son mépris au visage de son bourreau qui décide donc de changer de tactique. Puisque le mental ne flanche pas non plus, on revient à la technique imparable de l'agression pure et simple : "D'une manière ou d'une autre j'obtiendrai une réponse de toi" lui dit-il, et Randall prend alors brutalement le jeune homme tout en l'enjoignant de crier. Et Jamie se retrouve à crier.

C'est à ce moment-là que BJR est parvenu a faire sauter le premier verrou d'intimité de sa victime : Jamie ne s'était jamais plaint d'être battu - depuis son enfance (ce qui faisait enrager son père) et même lors de la flagellation qui avait failli lui coûter la vie - le jeune homme avait toujours réussi à supporter stoïquement ce qu'on lui faisait subir. Mais là, l'attaque est trop inédite, brutale et, surtout... il est à la fois non attaché ET sans défense, ce qui est extrêmement déstabilisant. Bien plus tard, Jamie se rappellera ce moment en ces termes : "il m'a fait jouer la putain pour lui" (saison 2, épisode 5). Car c'est bien ce mélange de douleur physique et d'humiliation sans borne qui le terrasse. Quelle honte peut-il ressentir à ce moment-là ? Lui qui est un jeune homme, habituellement en excellente santé, entraîné à se battre, capable de se défendre et de donner sa protection à qui il le désire... le voilà violenté sans même essayer de se défendre lui-même ! Black Jack sait évidemment tout cela et n'a de cesse qu'il n'ait obtenu des hurlements... et des pleurs.

 

S'ensuivent probablement d'autres sévices qui ne sont pas montrés dans la série (épisode 16) mais nous retrouvons Jamie un peu plus tard, diminué par ses blessures et sa fatigue, rampant pitoyablement sur le sol tandis que son bourreau attend tranquillement et s'adresse à lui comme si leur conversation initiale n'avait jamais été interrompue : "Suis-je proche ? As-tu atteint tes limites ?" Et, de fait, BJR n'a jamais été aussi proche de l'instant qu'il guettait depuis si longtemps.

 

Dans un nouveau moment de faiblesse, Jamie dévoile le fond de son cœur et appelle son aimée. Cette réaction intrigue Randall : sa victime est complètement isolée et bafouée et elle se raccroche encore à son amour : "Quel est son pouvoir ? Elle te possède même maintenant ?" La voix de Randall chasse l'image de Claire et Jamie se retrouve dans une totale déréliction. "Es-tu à moi ?" lui demande-t-il alors... Mais Jamie croit apercevoir Claire à nouveau, furtivement, et il ne veut reconnaître d'importance qu'à elle. Black Jack relève alors le jeune homme qui est à bout de forces. Il lui intime l'ordre de se marquer avec le sceau brûlant. Jamie est terrorisé mais, docile, il finit par s'exécuter - cependant, d'un ultime sursaut, il fait déraper le geste et se marque plus bas que sur la poitrine car son cœur reste à Claire.

Randall quant à lui, pousse un profond soupir : la victoire est proche et ce qui vient de se passer lui inspire l'angle d'approche pour ce qui sera la dernière étape de démolition. En effet, quelles étapes lui a-t-il déjà fait franchir ? Accepter qu'on lui fasse du mal sans riposter, c'est fait. Accepter de se faire lui-même du mal, c'est fait aussi. A partir de là, le bourreau sait donc que sa victime est arrivée son point de rupture. De ces moments-là, Jamie se souviendra douloureusement : "Il m'a fait ramper, il m'a fait supplier. Avant qu'il en ait fini, il m'a donné envie de mourir." 

Il a fait basculer le jeune homme dans la même noirceur qu'il habite, là où le bien et le mal ne sont plus les critères et où la satisfaction personnelle passe avant toute considération de l'autre.

 

Et il sait que sa victoire est totale car il connaît intimement son interlocuteur.

 

Jamie, du haut de son inflexibilité, lui avait affirmé qu'il ne se rendrait jamais... et voilà pourtant le jeune homme arrivé à un tel point de dégradation qu'il en est venu à dégrader lui-même le bien qui lui était le plus précieux. Il a piétiné son amour pour Claire sous le regard satisfait de son bourreau.

 

A partir de là, Black Jack Randall ne s'intéresse même plus à l'anéantissement physique de sa victime. Jamie le supplie mais Randall se détourne, son attention captée par un sujet plus urgent. La mise à mort pourra attendre...

Après avoir bousculé Jamie encore et encore, Randall l'attaque finalement par surprise avec des gestes tendres et, profitant de l'état semi conscient du jeune homme, il parvient à sa manipulation ultime : "Ce sont les mains de Claire... Pense à Claire... pense à ta femme..." Il l'invite alors à s'auto-réconforter et à s'illusionner : "Claire est là... Dis mon nom, Jamie, dis mon nom !"

 

Et Jamie l'appelle Claire.

 Et Jamie est brisé.

 

Black Jack Randall jubile à ce moment-là et, tandis que le jeune homme s'effondre en sanglots, il lui insinue avec un petit sourire triomphal : "Je comprends. Comment pourrait-elle te pardonner ?

Il a obtenu exactement ce qu'il voulait : en utilisant Claire pour manipuler Jamie, il a poussé Jamie à utiliser Claire !

Ce que BJR lui a fait, Jamie le résumera plus tard dans une phrase lapidaire : "Trop. Et pas assez."

… juste ce qu'il fallait pour le faire basculer dans les ténèbres.

 

 

 

 

Source : Outlander de Diana Gabaldon ; Outlander, images de la série adaptée par Starz