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Les antagonistes d’Outlander

Par Valérie Gay-Corajoud

C’est bien connu, il ne serait y avoir de héros sans antihéros. M. Night Shyamalan l’a bien compris lorsqu’il a réalisé son film "Incassable" dans lequel un homme atteint d'une grave maladie des os se transforme en meurtrier de masse afin de provoquer l'émergence d'un sauveur.

Il en est de même pour Outlander et ce, toutes saisons confondues. Certes, les méchants ne sont pas tous équivalents, pourtant, leur présence a toujours la même raison d’être : faire ressortir le courage, la droiture et la combativité des protagonistes.

 

Je vous propose une liste, non exhaustive des vilains de notre saga, et ce, par ordre d'apparence. Je précise que ces descriptions tiennent compte de mon opinion vis-à-vis de ces personnages et qu’il est fort probable que bon nombre de lecteurs aient un avis différent. 

 

 

 

- 1 - Jonathan Wolverton Randall, capitaine des dragons, surnommé Black Jack Randall. 

Il est difficile de comprendre les motivations de ce tortionnaire psychotique que Claire rencontre quelques minutes à peine après son passage à travers les pierres. Il serait tellement plus simple de le détester en le traitant de sadique - ce qu’il est, à n’en pas douter - sans chercher plus loin !

Incapable d’aimer qui que ce soit, si ce n’est son frère Alexandre qu’il voudrait être en mesure de protéger, BJR ne semble suivre qu’un seul chemin au cours de ses échanges : le pouvoir et la cruauté. Son esprit dérangé et tortueux ne peut concevoir un rapport dans lequel il ne serait pas le maître absolu, que ce soit physiquement ou psychologiquement. Plus il s’attache, plus il détruit.

La scène durant laquelle il tente de violer Jenny (S1E12 - Lallybroch) est tout à fait révélatrice de son état maladif. Si la victime hurle de terreur et se débat, il peut la dominer alors que si elle rit et fait fi de sa peur, il perd ses moyens et s’enfuit.

Sa relation avec Jamie est typique de sa névrose. Même s’il est difficile de l’imaginer, il éprouve une sorte d’affection pour le beau Highlander. Disons qu’il l’aime à sa façon. Et ce n’est pas juste son corps qu’il désire, mais la soumission entière de cet homme qui lui résiste depuis le début.

Est-ce qu’il l’admire ? Est-ce qu’il voudrait lui ressembler ? Est-ce qu’il est le miroir dans lequel il n’a d’autre choix que d’observer sa propre noirceur ? Certainement un peu de tout ça.

Il est fort probable que BJR se maintient au bord de la folie et qu’il en a conscience. Il se sent comme mort à l’intérieur, incapable de trouver la moindre source de réjouissance dans ce monde absurde. Jamie, c’est la flamme qui le rallume, une raison de tenir debout et de se battre. Assez vite pourtant, il réalise qu’il ne peut le posséder, car il a donné son cœur et son âme à une femme. Alors il faut la détruire elle aussi, ou pire encore, s’infiltrer dans cette passion inconditionnelle que lui-même ne connaîtra jamais. Double plaisir au cours de ce duel malsain qu’il entretient avec délectation.

 

Pour cette fois, et ce, jusqu’à sa mort sur la lande de Culloden, BJR aura enfin trouvé des adversaires à sa mesure. D’une certaine manière, le coup d’épée fatal de Jamie est ce qui se rapproche le plus d’une preuve d’amour. La délivrance.

- 2 - Laoghaire McKenzie (prononcer Lieri)

Petite-fille de madame Fitzgibbon, Laoghaire hante sans buts les murs du château de Leoch. Élevée par un père brutal et une grand-mère trop occupée, elle semble littéralement livrée à elle-même. Isolée, dénuée de la moindre perspective, comment lui en vouloir de tomber sous le charme de Jamie, ce fringuant Highlander qui rend visite à ses oncles l’année de ses 16 ans ? D’autant qu’il revient des années plus tard afin de supporter, à sa place, la punition ordonnée par le Laird lui-même. À ce moment-là, elle en est certaine, Jamie est fait pour elle. Ne vient-il pas de le lui signifier en l’embrassant subrepticement entre deux portes ?

 

Elle ne prend pas garde à Claire pour commencer. Elle ne peut pas voir la romance qui se dessine, car elle est sans expérience et Jamie n’est pas suffisamment franc avec elle. Aussi, lorsque Claire et Jamie reviennent au château, mariés certes, mais visiblement en pleine mésentente, son cœur de midinette ne peut trouver qu’une seule explication apte à apaiser sa peine : c'est contraint et forcé que Jamie a épousé une sorcière.

Il faut impérativement remettre dans son contexte la naissance de l’aversion de Laoghaire pour Claire. C’est avec un esprit candide et empli de mythes et de légendes que la jeune fille a tenté de donner du sens à cet avenir enchanteur qui lui échappait.  Comment lutter contre une femme telle que Claire ? Si ce n’est en la dénonçant comme sorcière afin qu’elle brûle sur le bucher.

 

Il y a certainement une dualité chez Laoghaire. Celle qui adhère naïvement aux fables qui l’ont nourrie depuis son enfance, et celle qui se heurte pour la toute première fois aux affres de la jalousie romantique. Aime-t-elle véritablement Jamie ? Ou n’est-il que le fruit du fantasme de sa féminité naissante ? Difficile de trancher.

 

Lorsque, des années plus tard, elle revoit Claire au château Lovat, elle paraît réellement affligée par son acte de délation. Elle dit vouloir se racheter et semble accepter de ne pas être aimée de Jamie. Là encore, il est difficile de la croire entièrement. Ce qui est certain, c’est qu’elle n’a plus de rêve. L’homme dont elle est éprise ne sera jamais à elle. Elle demeurera servante au château, seule et emplie d’amertume.

Finalement, les aléas de la vie l’amèneront à épouser Jamie alors que Claire a été propulsée dans l’avenir à travers les pierres dressées de Craigh Na Dunn. Mais force est de constater qu’elle ne sait pas aimer Jamie. Est-ce trop tard ? Est-ce que les blessures passées associées à ce qu’elle a vécu durant ses deux précédents mariages ont empoisonné leur relation ?

Quelles qu’en soient les raisons, Laoghaire reste une femme aigrie, colérique, jalouse et instable et elle n’a pas été en mesure d'étouffer ce ressentiment incompatible avec une existence auprès de Jamie.

Reconnaissons lui tout de même d’avoir été une bonne mère ! Cela doit parler en sa faveur.

 

Alors, à votre avis. Lahogaire est-elle une vraie méchante ? Ou avant tout une victime ?

 

 

- 3 - Geillis Duncan  

Comme tous les voyageurs temporels, Geillis a une histoire particulièrement complexe. Tout d’abord, à l’inverse de Claire qui a traversé les pierres par hasard, Geillis a prévu et organisé son périple.

Du début à la fin, elle s’est affublée de nombreux maris qu’elle a fini par assassiner.

  Que ce soit Greg Edgard son époux du 20e siècle qu’elle brûla en sacrifice lors de son passage à Craigh Na Dun, ou le procureur Arthur Duncan qu’elle empoisonna lors d’un buffet à Castle Leoch après s’être emparée de ses richesses et les d'autres que je n’ai pas le temps de décrire dans ce billet.

Durant le même temps, Geillis comptait sur son amant, Dougal Mac Kenzie pour l’aider à financer la révolte jacobite, se servant de l’enfant qu’elle portait en son sein pour le maintenir sous sa coupe.

Malgré cela, on ne peut nier qu’elle fut pour Claire une réelle amie dès son arrivée à Leoch, ce qu’elle prouva lors du procès des sorcières. C’est à ce moment que Geillis réalisa la vraie nature de Claire et admit qu’elle n’était pas une intrigante, mais une voyageuse égarée. C’est pour cela qu’elle accepta de se sacrifier pour elle en prenant à sa charge l’entièreté des accusations de sorcellerie.

Quels qu’aient été nos sentiments envers elle, nous ne pouvions que nous attrister de son funeste sort. Aussi, quelle ne fut pas notre surprise quand elle croisa à nouveau la route des Fraser 20 années plus tard en Jamaïque ! Elle expliquera à Claire que Dougal l’avait fait s’évader avant qu’elle ne finisse sur le bucher. Quant à son enfant, il fut immédiatement confié à un cousin éloigné.  

Mais Geillis n’en est pas moins dangereuse ! Elle est cette fameuse Bakra dont tout le monde parle. Veuve de Barnabas Abernathy, un riche propriétaire de plantation qu’elle tua peu de temps après leur mariage, elle est toujours obnubilée par son désir d’une Écosse indépendante et s’est mise en tête de voir se concrétiser une prophétie destinée à placer un roi écossais sur le trône.

La prophétie telle qu’elle est racontée dans les livres est à ce point éloignée de celle présentée dans la série, que je ne vais pas me risquer à une description. Ce qu'il en reste cependant, c’est le rapt, le viol et le meurtre de jeunes garçons vierges (censés, dans les livres, détenir une pierre nécessaire à l’accomplissement de la prédiction) et le retour dans le futur afin d’assassiner Brianna, la seule descendante vivante des Lovat et enfant née 200 ans après sa conception.

Alors que Claire et Jamie cherchent désespérément une trace du jeune Ian enlevé quelques mois plus tôt sur les berges écossaises, nous savons qu’il est entre les mains de la Bakra et qu’après l’avoir violé, elle compte le sacrifier dans la grotte d’Abendawe pour son retour au 20e siècle afin de tuer Brianna.

Il est fort probable que Geillis a sombré depuis un bon moment dans la folie.

À ce stade, on peut la considérer comme le plus terrible ennemi des Fraser puisqu’elle a pour dessin d’assassiner deux de leurs enfants ! Mais ce que nous savons également et que Claire finit par comprendre, c’est que l’histoire est déjà écrite. En effet, Geillis est cette femme blanche tuée à coup de machette dans une grotte jamaïcaine, cette même femme dont Claire a étudié le squelette aux côtés de son ami, Jo Abernathy au 20e siècle.

Pour finir, nous ne pouvons faire l’impasse sur le fait que Geillis est donc l’aïeule de Roger Mac Kenzie. Ce qui en fait un personnage fondamental et inoubliable.

 

 

- 4 - Clarence Marylebone, Duc de Sandringham 

Que dire de cet aristocrate britannique, s’il ce n’est qu’il est aussi fourbe que manipulateur. Cet homme ne roule que pour lui, nous l’appréhendons assez vite. Bouffi d’orgueil et d’autosatisfaction, il retourne sa veste aussi souvent qu’il défroque les jeunes garçons à son service.

Il entretient volontairement une attitude stupide et féminine pour tromper son monde.

Comme le précise Jamie, "il est plus intelligent qu’il ne le paraît et sait que les gens le prennent pour un imbécile à cause de sa voix de fausset. Il utilise tout ça à son avantage".

Il n'a nulle compassion pour sa filleule, Mary Hawkins qu’il tente de marier au Vicomte de Marigny, un veuf bourgeois fortuné,  manipulant la jeune fille fragile comme si elle n’était qu’un pion. Il n’hésitera pas à la jeter en pâture aux hommes du comte de Saint-Germain qui ont besoin d’une vierge pour être intronisés en tant que « disciples du mal ». Violée par son valet, Albert Danton, Mary ne sera plus la promise de Marigny, ce qui est la moindre des consolations.

Sous ses airs de joyeux luron, il complote de tous côtés ! Présumé Jacobite, il est pourtant le protecteur secret du capitaine Randall, camouflant ses atrocités commises afin de le maintenir à son poste. Il est difficile de savoir s’il a de réelles convictions politiques tant sa seule cause prioritaire semble être sa propre survie et son enrichissement. 

Il est également révélateur de sa personnalité de constater à quel point il se réjouit du malaise de Claire quand, à la cour du roi, il lui présente Alexandre Randall. Son air satisfait et son petit sourire sournois lorsque ce dernier lui divulgue que son frère et bel et bien toujours en vie nous glace le sang. Nous comprenons à cet instant qu’il sera un adversaire redoutable.    

Il en est de même pour Jamie à qui le duc fait croire qu’il enverra sa requête à la couronne pour dénoncer les pratiques de Randall, ce qui l’innocentera des accusations de meurtre. Il n’en fera rien bien sûr et confiera le précieux courrier au capitaine des dragons lui-même.

Pour finir, il tentera de faire assassiner Claire lorsque les soldats anglais lui amènent une certaine Claire Beauchamp au cours de la révolte. Heureusement, Jamie et Dougal, prévenus par Hugh Monroe, viendront à temps pour la sauver et couperont la tête du fieffé menteur.

- 5 - Robert-François Quesnay Rakoczy, comte de Saint-Germain 

S’il est un personnage aux facettes mystérieuses, c’est bien ce comte français qu’on soupçonne au fil de la lecture d’être un voyageur temporel.

Il est difficile de définir si ses activités commerciales sont plus importantes que son engagement dans la sorcellerie, mais il est évident qu’il manigance de tous côtés et qu’il n’a pas l’habitude qu’on lui résiste.

Hélas pour les Fraser, il ne faudra pas longtemps pour qu’il se déclare ouvertement leur ennemi dès lors qu’il juge Claire responsable de la perte du Patagonia, son bateau infecté par la variole que les autorités portuaires font brûler au large du Havre.

Fourbe, manipulateur et dédaigneux, il est immédiatement insupportable.

Au moins n'est-il pas hypocrite !

Reconnait-il en Claire une autre voyageuse apte à lui porter tort ? Difficile de le définir, pour autant, il n’a qu’une idée en tête, se venger de cette dame blanche en tentant de l’empoisonner lors d’une journée à la cour du roi. Claire ne doit la vie sauve qu’à Maître Raymond qui n’a pas fourni les bonnes herbes à son client.

Par le biais de divers complots politiques, le comte se trouve à nouveau en conflit avec les Fraser lorsqu’il accepte de financer la rébellion jacobite. Cette même rébellion que Jamie et Claire essaient par tous les moyens de faire avorter en coupant les cordons de la bourse princière justement.

Saint-Germain a l’assurance que c’est au couple Fraser qu’il doit l’embuscade responsable du vol de l’intégralité de sa cargaison de Porto, mais il n’est pas en mesure de le prouver, ce qui nourrit sa rage et son désir de se débarrasser d’eux.

Finalement, c’est Louis XV lui-même qui règlera le sort du comte.

Cherchant à définir qui, de Saint-Germain ou de Maître Raymond, s’adonne à la magie noire, le Roi fait appel à Claire, la dame Blanche afin de  l’éclairer. C’est ainsi que, sans même le vouloir, Claire empoisonne le comte qui agonise à ses pieds.

Il est à noter que 34 ans plus tard, Percy Beauchamp, l’ancien amant de Lord John Grey, apprend à ce dernier que Fergus est probablement le fils de sa belle-sœur, Amélie Beauchamp et du comte de Saint-Germain. Quant à savoir s’il s’agit des mêmes Beauchamp que ceux de la famille de Claire, c'est un autre débat.

 

 

- 6 - Stephen Bonnet   

Tout comme le capitaine Randall en son temps, Stephen Bonnet, le méchant du Nouveau Monde apparaît dès les premières scènes de la saison. Mais à l’inverse de BJR, il ne dévoile pas immédiatement sa sombre face.

Prisonnier destiné à la potence tout comme Gavin Hayes, l’ami fidèle, Bonnet ne semble pas bien dangereux aux premiers abords. Il trinque à la santé des détenus avec un air résigné.

Pourtant, profitant d’un mouvement de foule, il échappe à sa condamnation et se cache dans le chariot des Fraser.

Fin observateur, comme nous le découvrirons par la suite, il a très vite compris que les Fraser étaient des personnes généreuses et qu’il pourrait se servir d’eux pour s’évader. S’imposant avec subtilité sans jamais dévoiler sa vraie nature,  il se mêle à la troupe tel un caméléon, allant jusqu’à proposer son aide pour creuser la tombe de leur ami défunt.

Caché sous une toile afin d’échapper à la vigilance des soldats britanniques, Bonnet continue de bénéficier d’une chance incroyable lorsque le garde pique à quelques centimètres de sa jambe. Tandis que Claire soigne sa plaie superficielle, il lui confie ses peurs profondes. Affichant un visage angélique, il est impossible de déceler en lui la moindre parcelle de cruauté ou de manipulation. Nous sentons Claire pleine d’attention et de mansuétude pour ce jeune homme un peu perdu.  

C’est pour ça que le crime qui s’en suit est intolérable. Car autant Randall n’a jamais dissimulé ses dessins pervers, autant Bonnet entre dans la vie des Fraser par le plus vil des mensonges, faisant appel à leur confiance et à leur générosité. La nuit venue, lui et ses sbires assassinent Lesley et les dépouillent des pierres précieuses nécessaires à leur implantation dans les colonies. Ces pierres, il en a entendu parler lorsqu’il était caché sous la bâche. Cette bâche qui le protégeait des soldats britanniques, au risque et péril de  la vie de Jamie et Claire.

Non, décidément, ce brigand n'a pas d'honneur.

 

À partir de là, rencontre après rencontre, nous sommes témoins du caractère violent et irascible de ce pirate sans foi ni loi. Que ce soit avec ses hommes de main, ses collaborateurs,  les passagers de ses navires marchands, les femmes de toutes conditions, Bonnet n’est que vulgarité redoutable.  Nous tremblons de rage quand il viole Brianna ! Nous sommes terrorisés lorsqu’il joue la vie de Roger à pile ou face.  Rien ne semble essentiel pour ce barbare si ce n'est l'argent qu'il amasse.

Peu importe ses propres failles ou les rêves qui le tourmentent. Il est si facile de le détester maintenant !

Est-ce que la visite de Bree à la prison de Wilmington révèle en lui ne serait-ce qu’une once d’humanité ? Est-ce qu’il est vraiment épris de cette femme qui, il en a la certitude, porte son fils ? Son alliance avec le fourbe Gerald Forbes dans le but d’hériter de Jocasta Cameron laisse peu de place au doute. Le bébé à naître ne réveillera pas chez lui l’instinct paternel, mais lui permettra d’accroitre ses richesses.  

Bien sûr, il essaye de se racheter auprès de Brianna. Joue la carte de celui qu'un passé cruel a marqué à tout jamais. Celui qui désirerait s’élever de sa condition et place l’espoir d’un avenir plus lumineux dans la venue d’un enfant. Celui qui aime et qui voudrait être aimé. Mais ce ne sont que des mots, car celui qui aime n’enlève pas, ne viole pas, ne frappe pas, et ne vend pas la femme chérie sous prétexte qu’elle se refuse à lui.

Finalement rattrapé et condamné, Bonnet vivra ce qu’il décrit comme son pire cauchemar : la mort par noyade.

Nous observons ce personnage pitoyable qui a fait tant de dégâts autour de lui, redevenir un petit garçon sans plus aucun pouvoir, pas même celui de crier à l’aide.

Nous ne saurons jamais si c’est par compassion que Brianna l’abat d’une balle en pleine tête, ou pour avoir la certitude absolue qu'il ne pourra jamais faire du mal à son enfant.

- 7 - Lionel Brown 

Pour la première fois depuis l’arrivée de Claire et Jamie dans le Nouveau Monde, nous accédons, à une autre facette de la colonisation et nous réalisons que tous les métayers n’ont pas eu la chance de bénéficier de la protection et des largesses des Fraser.

Habitants d’un village misérable, la famille Brown semble vivre repliée sur elle-même.

Lorsque Roger et ses hommes s’invitent pour enrôler des miliciens,  ils sont immédiatement accueillis par des balles sifflantes au-dessus de leurs têtes. Leur crime ? Abriter Isaiah Morton qu’ils accusent d’avoir déshonoré et engrossé Alicia, la fille de Lionel Brown.

Que cette dernière clame haut et fort aimer le garçon ne change rien à l’affaire.

C’est Lionel que nous rencontrons en premier. Vindicatif et borné, il donne le ton sur ce que pourront être les relations avec sa famille. Visage raide, lèvres pincées, œil mauvais, il n’y a rien d’avenant en lui. D’ailleurs lorsque Jamie et Claire arrivent à leur tour, Lionel redouble d’impolitesse et jette un regard plein de dédain vers cette femme qui, en plus d’être belle, joyeuse et intelligente, a l’outrecuidance de lui résister.

Bien qu’ils privilégient la formation d’une armée privée, les frères Brown ne peuvent refuser l’appel de Jamie afin de se joindre à la milice coloniale.

Au sein de la troupe, les Brown ne se départissent pas de leur air renfrogné, d’autant que le jeune Morton est également de la partie.

Au cours de la bataille, Morton est frappé par une balle dans le dos. Nous savons que c’est Lionel le coupable, il s’en cache à peine. Plein de fiel, il brise la seringue précieuse de Claire avant de quitter l'infirmerie, intouchable.

 Hélas, lors d’une visite à Fraser’s Ridge, Lionel comprend que Claire est l’auteure des billets qui circulent un peu partout à propos de la contraception. Outré qu’on puisse suggérer aux femmes de maintenir leurs époux hors du lit afin d'éviter une grossesse non désirée, il rend Claire responsable des dérives qui mèneront les mâles à leur perte.

Nous saisissons à son regard qu’elle est devenue son ennemie jurée.

Comme nous le redoutions, Lionel, accompagné de quelques hommes à sa solde, organise l’enlèvement de Claire. Sans la présence de son frère pour le brider, il laisse s’exprimer tout sa violence et sa rancœur. Il n'a pas l'habitude de diriger, c'est visible, et nous percevons sa peur viscérale lorsqu'elle lui tient tête, tel un animal acculé qui n'a plus d'autres solutions que d'aller au combat.

Alors, à l’instar d’un soudard que plus rien ne peut arrêter, il viole Claire et encourage ses sbires à en faire autant.

Unique survivant des tortionnaires de Claire, Lionel git, blessé et enchaîné, à l’infirmerie du Ridge. Il n’a rien perdu de son dédain et se croit encore sous la protection toute puissante de son clan. Il a un tel mépris pour les femmes qu’il ne peut imaginer un seul instant qu’elles détiennent un quelconque pouvoir sur sa vie.

Il sait, il a toujours su qu’il était supérieur à ces femelles et n’éprouve aucun remords pour ce qu’il leur a fait subir. C’est ce que comprend Marsali qui défie l’enfer en lui injectant de la cigüe.

Je note qu’à mes yeux, Lionel est le seul de tous les antagonistes présents sur ma liste, à ne bénéficier d’aucune excuse. Il n’est que brutalité, arrogance, violence et bêtise. Je ne trouve rien qui pourrait racheter une once de sa noirceur.

 

 

- 8 - Malva Christie  

Il m’est particulièrement douloureux d’écrire sur Malva Christie et pourtant, je suis heureuse de pouvoir le faire, car elle est, me semble-t-il, le parfait exemple d’une personne devenue bourreau pour ne plus être une victime. Loin de moi l’idée d’excuser ses actes et ses mensonges, mais personne ne pourra nier la complexité de son tempérament et la rudesse de son existence.

À l’instar de Laoghaire, elle n’est qu’une femme dans un groupe patriarcal qui n’a que faire de son avenir, mais en plus de cela, elle évolue au cœur d’un héritage familial dramatique. Probablement fille d’une épouse adultère qu’elle a vu être exécutée comme sorcière sur le bucher.  À la suite de cela, elle a grandi tant bien que mal entre un père strict et désabusé et un frère épris et jaloux, le tout baigné dans une rigueur religieuse permanente.

Lorsqu’elle arrive au Ridge, Malva découvre, peut-être pour la première fois de sa vie, ce qu’est une famille équilibrée et aimante. Jamie, père et patriarche généreux, Claire, mère prévenante et libérée de sa condition féminine, et tous les enfants autour, qui bénéficient de l’attention constante de ce couple merveilleux. Bref… tout ce qu’elle n'a jamais connu. 

Elle aurait pu, Malva, trouver sa place petit à petit sans chercher à comploter ni à faire du mal. Mais c’est bien trop tard pour elle. Son âme est déjà trop noircie par la dureté de sa vie et l’image qu’elle a d’elle-même, incompatible avec l’amour qu’elle serait en droit d'espérer pourtant. Alors elle joue un rôle. Comme elle joue avec son père et son frère, elle joue avec Ian, Jamie et Claire, la jeune fille timide et sérieuse. L’innocente.

Je ne sais pas pour les autres, mais dès le début Malva m’a inquiétée, comme s’il était inconcevable qu’une telle lumière émane d’une personne qui a vécu toute sa vie dans l’ombre. Cependant elle berne tout le monde. Qui pourrait croire que derrière ce regard candide se cache une si grande perfidie ? D’autant qu’elle semble réellement désireuse d’en apprendre sur le métier de guérisseuse. Ça tombe bien ! Claire était justement en train de se demander à qui passer le relais. C’est ainsi qu’elle s’immisce au Ridge afin d’épier les uns et les autres.  

Petit à petit, on nous dévoile l’ambiguïté du personnage. Elle semble résister chastement à Ian, pourtant elle menace  Roger qui l'a surprise en plein ébat à même le sol de l’église. Elle semble n’être que soumission envers son père, pourtant elle sourit lorsqu’il la fouette pour désobéissance. Elle semble s’être liée d’amitié avec les filles du Ridge et pourtant on la découvre près du cadavre du mangeur de péchés.

Et puis voilà qu’elle se montre telle qu’elle est. Menteuse, comploteuse, envieuse. Elle jette une bombe dans cette famille qui l’a accueillie à bras ouverts. Elle accuse Jamie d’être son amant et d’être le père de l’enfant qu’elle porte. Droit dans les yeux, sans peur ni regret, sans même que nous en comprenions la raison, elle brise ce bel équilibre qui semblait la faire rêver. N’a-t-elle pas souri lorsque Claire l’a giflée ?

Il n’y a plus rien de fragile en elle, comme si sa peau avait mué, laissant apparaître le monstre en dessous.

Elle n’est plus celle qu’on brise, qu’on méprise, qu’on manipule, celle qu’on fouette et qu’on punit. Non, elle est maîtresse du jeu, peut-être comme l’a été sa mère avant d’être condamnée. Elle n’est que vengeance et peu importe si elle détruit des innocents. Peut-être ne veut-elle que l’héritage de Jamie. Peut-être imagine-t-elle qu’il va quitter Claire pour vivre avec elle. Quoi qu'il en soit, elle est allée trop loin maintenant.

Alors que le poison qu’elle a injecté s’immisce dans les moindres recoins de la grande maison, le destin la rattrape.

Non, elle ne sera pas celle qui gouvernera. Elle ne sera pas celle qui fera s’ébranler la puissance religieuse et patriarcale. Non, elle ne sera pas plus libre que ne l’était sa mère. Non, elle n’enfantera pas.

Jusque dans sa mort, Malva parviendra à faire du mal à Claire et à Jamie.

N’est-ce pas là son ultime pouvoir ?

Au plus fort de sa psychose, elle tente d’assassiner Claire ainsi que son père.

 Profitant de l’épidémie de dysenterie qui sévit dans la région pour cacher ses méfaits, elle les infecte l’un et l’autre avec une bactérie. Voilà finalement à quoi lui auront servi les heures passées à apprendre la biologie ! Telle une prédatrice, elle veille auprès de Claire et se délecte de ses délires fiévreux, allant jusqu’à minauder auprès de Jamie tant elle est sûre de son plan.