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Outlander, ses héros et la Guerre d'Indépendance

1 / La société coloniale avant la guerre
 

«  En parcourant la terre, en franchissant les mers, en levant les obstacles qui s’opposent à la communication des peuples, en étendant la sphère des besoins et le désir des jouissances, le commerce multiplie les travaux, il encourage l’industrie ; il devient en quelque sorte le moteur du monde. »

 

Abbé Raynal (1780)

Tout au long du chemin que nous allons emprunter, se profilent les origines lointaines de l’Indépendance américaine. 

À la veille de la Révolution, l’Amérique britannique du XVIIIe siècle est remarquable par sa vitalité.

 

Quatre conflits ont opposé la France et la Grande-Bretagne (alliées à d’autres puissances) de 1689 à 1763 :

 

- la guerre de la Ligue d’Augsbourg (1689-1697) ; 

- la guerre de Succession d’Espagne (1702-1713) ;

 - la guerre de Succession d’Autriche (1744-1748) ;

 - la guerre de Sept Ans (1757-1763).

 

Sur presque un siècle, de 1689 à 1763, la colonie s’oppose militairement à l’Amérique française avec l’appui des nations amérindiennes.

Étonnante réussite !

 

Au XVIIe siècle, l’Angleterre a fondé ses colonies en Amérique du Nord grâce aux initiatives privées.

La Couronne n’a accordé que tardivement de l’importance à ces « plantations» qui se sont développées.

 

Au siècle suivant, elles forment le joyau de l’Empire.

Rien ne paraît pouvoir arrêter ce magnifique essor d’autant plus que la démographie est galopante. 

La population est jeune, en bonne santé et volontaire

Cette démographie entraine une vie économique et prospère.

 

Au Nord, les quatre colonies de Nouvelle-Angleterre (Massachusetts, Connecticut, Rhode Island, New Hampshire) reposent sur l'agriculture de consommation locale, la vente du poisson salé (morue) et une industrie navale qui est en plein essor.

 

A cela s’ajoute le sucre et la mélasse venus de Jamaïque qui servent à la fabrication du rhum, un commerce très prospère en Nouvelle Angleterre.

 

Progressivement, des petites manufactures de tissus s’implantent, ainsi que des poteries…

Au centre, les colonies de New York, New Jersey, Pennsylvanie et Delaware comptent un demi-million d'habitants originaires de diverses régions d'Europe. Parmi eux, une minorité d'esclaves africains.

 

Certaines régions s'apparentent au sud avec de grandes plantations, d'autres à la Nouvelle-Angleterre avec des communautés villageoises solidaires et instruites.

 

 

Voici « le grenier de l’Amérique» avec ses cultures de céréales, de fruits et de légumes. 

Les bœufs et les vaches, les moutons, les cochons constituent l’essentiel de l’élevage. 

La victoire finale des Britanniques en 1763, marque leur triomphe en Amérique du Nord. 

Mais c’est incontestablement le début de la rupture entre le jeune continent et la Couronne d’Angleterre. 

Une idée de liberté fait petit à petit son chemin parmi les élites intellectuelles de la colonie.

Et pourtant, cette société coloniale prospère ne veut vraiment pas cette rupture avec la mère patrie. 

Elle veut juste plus de justice et moins de taxes ! 

Ils ne veulent plus être la poule aux œufs d’or.

 

La population s’accroît, le commerce se développe, l’industrie est naissante, les villes s’agrandissent, les établissements s’étendent et les colons s’enrichissent.

La croissance et l’opulence des ports le confirment : l’Empire britannique du XVIIIe siècle est commercial. 

C’est ce que l’on appelle le mercantilisme.

 

Le but est toujours d’augmenter la réserve en or de l’Angleterre. Le principe est simple : la métropole se réserve les avantages de son empire.

Ainsi s’établit un commerce triangulaire avec la Jamaïque et l’Angleterre.

Puis quadrangulaire avec l’Europe continentale.

 

Et finalement, hexagonal, avec l’Asie. 

Les matières premières ou finies traversent les Océans. 

Les hommes, libres ou esclaves circulent.

Ces colonies fournissent à la mère patrie des produits de première valeur, comme le tabac, le riz, le bois et l’indigo. Les récoltes de blé et de maïs suffisent aux besoins des colons, mais donnent également des surplus qui nourrissent les Antilles.

 

Au début du XVIIIe siècle, l’économie coloniale produit aux environs de 4 % de l’économie britannique ; 75 ans plus tard, le tiers.

Depuis 1745, la population ne cesse d’augmenter dans la colonie anglaise. 

A la veille de la Révolution, elle équivaut au tiers de celle de la métropole.

Au moment où les Américains proclament leur indépendance, ils sont 2,5 millions, dont

1 950 000 Blancs, 520 000 Noirs et 100 000 Indiens au plus sur le territoire occupé par l’Angleterre. 

Benjamin Franklin observe que le nombre d’habitants double tous les vingt ans. 

Le premier recensement officiel date de 1790 et ne lui donne pas tort, puisque les 4 millions sont alors atteints.

Le port de Boston est une source de richesse.  

On exploite le bois sous toutes ses formes :

la tonnellerie pour exporter la production du Sud, les mâts et la construction navale, le bardage pour les habitations.

 

Les forêts semblent des sources d’approvisionnement infinies.

À l’intérieur, la chasse aux fourrures reste une activité hautement rentable, tandis que, sur la côte, il suffit de se baisser pour faire provision d’huîtres, de clams et de homards. 

Le maïs, le blé et le seigle dominent. 

Il faut y ajouter le sarrasin pour les besoins familiaux, l’orge pour fabriquer la bière, l’avoine et le foin pour l’alimentation du bétail. 

Les légumes de saison agrémentent et complètent les régimes alimentaires, au même titre que les pommes de terre dans le Nord et les patates douces dans le Sud.

Texte :  Françoise Rochet 

Illustration : Gratianne Garcia 

 

En conséquence, les produits coloniaux, non consommés sur place, doivent être expédiés dans les ports de la métropole.

Et ce que les colonies ne produisent pas doit être acheté à la métropole.

 

Ainsi la métropole accumulera des richesses qui se transformeront en un stock d’or croissant.

Les habitants, au nombre d'un demi-million, viennent surtout d'Angleterre.

 

Ils sont surnommés Yankees (sans doute d'après 

"Janke", diminutif de Jan, qui était le nom que donnaient les Hollandais aux Anglais de la région).

 

Inspirés par les préceptes calvinistes, ils sont groupés en communautés pieuses et très instruites.

 

L'amour du prochain est une obligation morale et la démocratie un fondement social. 

Les villes, comme New York, bénéficient de courants d'échanges importants grâce aux fleuves navigables qui mènent vers l'intérieur. 

Il y a une réelle activité industrielle et commerciale.

Au Sud, les colonies de Virginie, des Carolines, du Maryland et de Georgie sont vouées à la culture, essentiellement du tabac (avant que n'arrive le coton à la fin du siècle) dans des propriétés de plus d'un millier d'hectares en général.

 

Sur 700.000 habitants, les colonies du sud comptent environ 300.000 esclaves africains peu instruits.

Ils ont l’intime conviction qu’ils font partie de l’Histoire. 

Ils ont des ancêtres qui se sont distingués sur les champs de bataille européens. 

Et certains d’entre eux se sont aussi battus. 

Ils ont un roi, une patrie, un drapeau. Ils œuvrent pour la grandeur de l’Angleterre. 

Ce sont souvent des cadets de familles qui ont trouvé une raison de vivre dans les colonies. 

Ils ont acquis des nouvelles terres, de nouvelles richesses qu’ils n’auraient pu acquérir en Angleterre.

Les propriétaires sont devenus très prospères et vivent à la manière des aristocrates anglais dans de magnifiques manoirs entourés d'immenses dépendances. Leur richesse repose sur l'exploitation à bas prix de la main-d’œuvre servile. 

Certains d’entre eux sont des nobles anglais. Et sont fiers de l’être. 

Ces grands propriétaires sont très au fait des idées démocratiques qui circulent dans les milieux intellectuels européens. Cultivés et habiles en affaires, ils se montrent très critiques à l'égard de Londres. Ils seront à la pointe du combat pour l'indépendance. 

 

Certains resteront des Loyalistes qui se battront pour le Roi. 

D’autres seront des Patriotes. 

 

C’est sur toute la côte Océane de l’Est que se trouve la bourgeoisie, classe moyenne, de culture anglaise. 

Ce sont souvent des commerçants, des artisans enrichis. 

Ces bourgeois s'imprègnent de toutes les nouveautés, mouvements culturels et philosophiques, qui proviennent d'Angleterre dont la franc-maçonnerie. Ils sont instruits et ont accès à des livres, des journaux. Leurs enfants sont souvent des universitaires, avocats, médecins, professeurs… 

Ces colons découvrent un nouveau mode de pensée. 

Ils adhèrent à une autre représentation de la société. 

Le siècle des Lumières inonde ce Nouveau Monde.

Nous constatons un changement des relations entre les hommes et le divin, entre les hommes et l’autorité. 

Cette classe bourgeoise va être le catalyseur de la Révolution. 

Elle sera le vivier des cadres qui émergeront pour produire la Déclaration d’Indépendance. 

Dans tout l’arrière-pays, du Massachusetts à la Géorgie, l’Ouest ne cesse d’attirer depuis la victoire sur les Français à l’issue de la Guerre de Sept Ans. 

Certains obtiennent des gouverneurs d’énormes concessions. 

Il faut alors arpenter, défricher, affronter le péril indien et la nature sauvage, ne pas redouter la solitude. 

Enfin, l’objectif est d’attirer des pionniers qui deviendront des métayers. 

Mais quelle récompense !

 

Les plus hardis explorateurs ouvrent la route de ces terres fertiles, des herbes grasses, d’immenses étendues qui procureront de gros profits

À la bordure des territoires indiens, vivent donc de modestes fermiers. 

Ce sont souvent des métayers mais aussi des petits artisans talentueux. Ils ne sont pas tous anglais, tous ne sont pas instruits. 

Il y a des Allemands, des Huguenots français… et ils ont fui les oppressions religieuses. Beaucoup sont Ecossais. 

Ce sont des familles regroupées autour d’un parent condamné par la Couronne et envoyé purger la peine dans la colonie. 

Tous ont trouvé en Amérique un nouvel espoir de vivre. 

Ils se contentent de ce qu’ils ont et surtout, ils ne veulent pas le perdre.

Les journaux n’arrivent qu’avec beaucoup de retard, la vie culturelle est inexistante. 

Cependant, la vie religieuse est bien présente. Elle peut aller jusqu’à un certain obscurantisme, d’autant plus que les Pasteurs se font rares. 

Ce sera une population à convaincre qu’un changement est possible. L’augmentation des taxes pourrait être le déclencheur d’une révolte.

Une vaste zone est située à l’ouest de la crête des Appalaches jusqu’au Mississippi en s’étendant des Grands Lacs à la Floride. C’est le pays indien ou Indian Country. Or, par la Proclamation royale de 1763, Londres interdit aux colons américains de s’y établir. Ce qui sera aussi une raison de mécontentement.

 Si nous voulons résumer la situation économique à la veille de la Révolution, la Grande-Bretagne importe de ses colonies par ordre d’importance, 

•      outre le sucre des Antilles (Jamaïque), 

•      d’abord du tabac de la Chesapeake (Virginie et Maryland) ; 

•      puis des farines de Pennsylvanie, du New Jersey et de New York ; 

•    du riz de Caroline du Sud et de Géorgie ; 

•    du poisson de Nouvelle-Angleterre ;

•    et enfin de l’indigo de Caroline du Sud. 

Ces cinq produits représentent les deux tiers de la valeur totale des exportations nord-américaines en 1768. 

Puis viennent

•    les fourrures et les peaux ; 

•    les produits forestiers et baleiniers ; 

•    le fer ; 

•    le lin. 

La métropole importe presque 60 % des productions nord-américaines. 

Enfin, la Chesapeake et le Sud rizicole dépendent davantage de leurs liens avec la métropole que la Nouvelle-Angleterre et les colonies médianes qui envoient beaucoup de leurs productions aux Antilles.

La Grande-Bretagne exporte vers ses colonies 

 •       des textiles, de la laine et du linge de maison, dont beaucoup sont fabriqués en Irlande ;

 •       des objets en métal et une grande variété de produits : livres, divers ustensiles et instruments, montres et horloges, bijoux, mercerie, dentelle, soierie, vêtements, chapeaux, argenterie, vaisselle, verrerie, papeterie, selles, pharmacopée, épicerie et du thé.

 

Toute cette richesse se retrouve dans une vie culturelle exceptionnelle, dynamique et variée.

 

À  des milliers de kilomètres de l’Europe, cette population est remarquablement alphabétisée et jouit de ses propres universités et de ses nombreux journaux qui diffusent des idées novatrices et philosophiques.

 

Au milieu du XVIIIe siècle, près de 90 % de la population blanche masculine était alphabétisée en anglais, mais seulement 40 % des femmes pouvaient lire et écrire cette langue.

Les Noirs et les Amérindiens étaient tous analphabètes ; dans la vie quotidienne, ils parlaient leur langue ancestrale.

Certains commencent à comprendre l’anglais.

 

Ces Américains, considérés par la vieille Europe comme de modestes provinciaux, des paysans, des culs terreux, jouissent d’une vie culturelle et intellectuelle remarquable qui est due à leur volonté de scolariser leurs enfants.

 

L’émergence d’une culture américaine se constate dans beaucoup de domaines.

 

 

 

Les universités 

 

 

•  Dès 1636, l’assemblée du Massachusetts fonde l’université d’Harvard. Elle est tout au long du XVIIe siècle la seule université des colonies. 

•  En 1693, à Williamsburg en Virginie, création du College of William and Mary. 

•  Les congrégationalistes fondent Yale en 1701 à New Haven, dans le Connecticut ;

•  Les presbytériens en établissent une à Neshaminy en Pennsylvanie en 1735, qui devient Princeton dans le New Jersey en 1756 ; 

•  Les anglicans fondent en 1754 à New York le King’s College, rebaptisé Columbia après la Révolution en 1784 ; 

•  les anglicans créent à Philadelphie en 1751 le « College of Philadelphia » qui devient l’université de Pennsylvanie en 1791 ; 

•  les baptistes fondent à Providence en 1764 le « College of Rhode Island » qui devient l’université de Brown en 1804, à la suite d’un legs du fils d’un richissime négrier ; 

•  et enfin les réformés hollandais en 1766 établissent le « Queen’s College » à New Brunswick, dans le New Jersey, rebaptisé Rutgers en 1825 après un don d’un officier de la Révolution.

Alors que les premières universités ne sont à l’origine que des séminaires, avec le temps, elles vont se diversifier, moderniser et séculariser leurs enseignements, introduisant des langues vivantes et des sciences dans leur cursus. 

 

De plus, les riches planteurs du Sud étudient d’abord chez eux sous la conduite d’un précepteur puis partent parfaire leur formation universitaire en métropole, étudiant souvent le droit à Londres.

Cette américanisation de la formation universitaire des élites explique la création de bibliothèques sous l’égide de la Society for the Promotion of Christian Knowledge (SPCK), une organisation anglicane dont le but est de promouvoir l’instruction par le don de livres. Ainsi plusieurs bibliothèques paroissiales sont fondées. En 1700, il en existe déjà une trentaine.

 

Enfin, après la création à Philadelphie en 1731 de la première bibliothèque, la Library Company of Philadelphia, par l’infatigable Benjamin Franklin, des bibliothèques financées par les cotisations de ses membres apparaissent dans les villes. En 1760, les colonies en recensent une vingtaine, dont seize en Nouvelle-Angleterre.

 

Grâce à celles-ci, la classe moyenne composée d’artisans, de marins, d’aubergistes est désireuse d’apprendre vite et bien ce qui est absolument nécessaire. Ils lisent des livres de la vie pratique. Les Almanachs ont du succès car ils donnent des conseils au quotidien. Ils achètent et lisent aussi des livres de sciences, d’économie, de géographie, d’agronomie…

 

 

La presse, les journaux : En 1765, à la veille de la Révolution, vingt-quatre journaux sont publiés dans toutes les Treize Colonies, dont quatre au Massachusetts et en Pennsylvanie (dont un en allemand) et trois au Connecticut, à New York et en Caroline du Sud. 

Les scientifiques, dont Benjamin Franklin, ouvrent une longue lignée de chercheurs, savants, inventeurs.

Autres signes d’opulence des colons, l’architecture innove avec ses belles et spacieuses demeures en briques de style géorgien, dont la demeure de Georges Washington au Mont Vermont.

Thomas Jefferson, 3eme président des États-Unis, homme aux connaissances très étendues (juriste, arpenteur, philosophe, linguiste…) est aussi un de ces célèbre architectes du Nouveau Monde.

 

Il réalise à trente-six ans, en style palladien, sa propre maison sur une colline de Monticello.

 

Il reçoit également la commande des plans du Capitole de l'État de Virginie

 

Ces demeures sont meublées avec goût. Elles sont ornées par des artistes, des ébénistes, des artisans ….

Tous ces objets manufacturés en Angleterre commencent à être produits dans les colonies, malgré les lois et édits royaux. 

Le portrait est de loin le genre majeur en Amérique pendant toute la période coloniale.

 

Le peintre Benjamin West sert à la cour du roi George III

Autoportrait

Citons aussi aussi John Singleton Copley (1738-1815) considéré comme le meilleur peintre de l’époque coloniale.

Autoportrait

Et maintenant, revenons à Outlander et à la vie de Jamie et Claire Fraser en Caroline du Nord. 

 

Diana Gabaldon a parsemé son récit de descriptions de toutes les couches de cette société coloniale.

 

Voici quelques exemples sur la vie dans ce nouveau monde, loin d’être exhaustifs.

 

Ils arrivent chez Jocasta où nous découvrons avec eux la beauté de l’architecture de cette grande demeure coloniale.

 

«  Le Sally Ann s’arrêta brusquement en heurtant le quai. Le rideau d’arbres qui bordait la rivière s’ouvrait sur une allée de brique qui traversait un vaste jardin à la française, scindé en deux demi-lunes pour contourner un immense massif de fleurs couronné de statues de marbre. Derrière, on apercevait une grande villa de deux étages, avec un porche à colonnade et un toit hérissé de cheminées. D’un côté du massif géant se dressait un petit bâtiment de marbre blanc, une sorte de mausolée. » Les Tambours de l'automne T 4 ch 10. 

 

La maison est meublée avec style et raffinement et la maîtresse est servie par une armada d’esclaves qui sont bien traités.

 

«  La maison, spacieuse, comportait de hauts plafonds et de grandes portes-fenêtres dans les pièces du rez-de-chaussée. J’entr’aperçus des éclats d’argent et de cristal tandis que nous passions devant une vaste salle à manger et me dis que, à l’évidence, Hector Cameron avait réussi dans les affaires.  

Jocasta nous conduisit dans son salon privé, une pièce plus intime mais aussi richement meublée que les autres. Un grand panier à ouvrage rempli de pelotes de laine était posé sur un guéridon d’acajou, près d’un vase de cristal débordant de fleurs d’été, et d’une clochette d’argent ciselé. » Les Tambours de l'automne T 4 Ch 10 

 

Nous découvrons la vie mondaine dans les colonies. 

Cette richesse et cette abondance sont décrites lors de plusieurs réceptions. 

Les invités se pressent autour d’une table copieuse.

Ce sont les voisins, des voyageurs, des personnalités, des notables.

 

La réussite économique de cette colonie est évidente.

 

Et cela commence déjà en Jamaïque, chez le gouverneur qui donne une réception.

 

…   « Le palais du gouverneur brillait de mille feux. Des lanternes avaient été disposées tout le long de la balustrade de la grande véranda, ainsi qu'un peu partout dans les arbres du jardin d'agrément. Les invités, en tenue de soirée, sortaient de leur voiture sur l'allée en coquillages pilés et pénétraient dans la maison par deux gigantesques portes-fenêtres. Nous attendîmes un moment dans l'allée que le vaste hall se soit désengorgé. Jamie semblait légèrement tendu. Ses doigts pianotaient sur le satin gris, même si, pour un œil moins averti que le mien, il offrait un visage serein. Une rangée de dignitaires locaux faisait le planton dans l'entrée, accueillant les invités. Je m'engageai la première et présentai dignement mes respects à M. le maire de Kingston et à son épouse. Je me contractai en apercevant ensuite le poitrail bardé de décorations et les épaulettes rutilantes d'un amiral, mais celui-ci ne fit montre que d'une légère surprise lorsqu'il serra la main du géant français, puis celle du minuscule Chinois qui l'accompagnait. »…. T3 Ch58 

  

 

 Chez la tante Jocasta pour son mariage à River Run en Caroline du Nord. …

 

«  En vérité, il faisait plutôt frisquet malgré les grandes baignoires en fonte remplies de braises et placées aux quatre coins de la terrasse. Un agréable parfum de fumée de pommier s'en dégageait. Le printemps venait de faire son apparition. Les pelouses étaient vertes, tout comme les arbres qui bordaient la rivière, mais l'air matinal conservait son mordant hivernal. Dans les montagnes, l'hiver prenait encore son temps. En chemin vers River Run, nous avions eu de la neige jusqu'à Greensboro, même si, çà et là, les jonquilles et les crocus tentaient courageusement de percer. Néanmoins, en ce jour de mars, le soleil était de la partie. La maison, la terrasse, les pelouses et le parc grouillaient d'invités parés de leurs plus beaux atours, formant des nuées de papillons égarés dans la mauvaise saison. Pour la bonne société de Cape Fear, le mariage de Jocasta serait clairement l'événement mondain de l'année. Il devait y avoir près de deux cents personnes, certaines venues d'aussi loin qu'Halifax et Edenton. »… T5, 5 eme partie du Ch1 au 3 « Le temps des rêves » 

 

La vie mondaine élégante et raffinée pour le barbecue que donne Mme Jocasta Innés en l’honneur de la venue de Flora MacDonald.

 

«    Les plats continuaient d’arriver : des soupières de hochepot et une immense bassine de soupe à la reine – nul doute en hommage à l’invitée d’honneur –, des plateaux de poissons, de poulet et de lapin frits, des boulettes de gibier dans une sauce au vin, des saucisses fumées, des pâtés de viande en croûte, de la dinde rôtie, de la tourte au pigeon, du colcannon, de la purée de pommes de terre aux oignons, de la purée de navets, des pommes rôties farcies de crème de potiron, des tartes aux courges, au maïs et aux champignons, de gigantesques paniers remplis de petits pains frais de formes diverses et variées… tout cela n’étant qu’un prélude au barbecue dont les effluves succulents flottaient dans l’air : un certain nombre de porcs, trois ou quatre bœufs, deux chevreuils et, la pièce de résistance, un bison qu’ils s’étaient procuré Dieu seul savait où et comment. Un murmure de plaisir glouton s’éleva autour de moi, tandis que les convives commençaient mentalement à desserrer leurs ceintures et s’approchaient des tables, très déterminés à faire honneur à leur hôtesse. »(…) 

T6 Ch54 « Le barbecue de Flora MacDonald »

 

A Philadelphie chez les britanniques Claire est invitée à un dîner mondain :

 

…  « Je me frayai un passage dans la salle de bal, admirant les robes. Bon nombre étaient importées d’Europe, le reste était copié sur des modèles européens dans les tissus que l’on pouvait se procurer localement. Les soies brillantes et les broderies étincelantes offraient un tel contraste avec le homespun et la mousseline auxquels j’étais habituée que le spectacle me paraissait quasi irréel. Cette impression de me trouver dans un rêve était encore accentuée par la présence de chevaliers en surcots et tabards, certains tenant un heaume sous le bras (les festivités de l’après-midi avaient inclus un simulacre de joute moyenâgeuse), et de convives portant des masques et des costumes extravagants dont je présumais qu’ils participeraient plus tard à une représentation théâtrale.  

Mon attention fut de nouveau attirée vers le buffet où étaient exposés les plats les plus spectaculaires : le paon, sa queue déployée en roue, occupait la place d’honneur mais il était flanqué d’un sanglier entier posé sur un lit de choux (il dégageait une odeur si délicieuse que mon estomac se manifesta bruyamment) et de trois énormes tourtes au gibier décorées d’oiseaux farcis. »… T7-2 Ch57 « Le bal de Mischianza » 

  

 

Ensuite, nous entrons dans l’univers des différents colons paysans, artisans, commerçants ou trappeurs

Après la décision de refuser la proposition de Jocasta, Jamie accepte l’offre du gouverneur. 

Comme d’autres colons, il devient l’obligé de la Couronne.

Il doit trouver des métayers, parmi des Ecossais qui ont tout perdu comme lui en Europe. 

Et nous découvrons la vie de Claire et Jamie aux limites de la frontière indienne. 

Vie de trappeurs dans le monde sauvage. 

Rencontres inattendues avec des ours, des Indiens. 

Jamie défriche, abat, scie… et construit. 

La cohabitation s’installe avec les Natifs et chacun apprend à respecter le territoire de l’autre.

Les métayers arrivent. 

La vie s’organise. Elle est de plus en plus confortable dans la grande maison. 

Mais l’argent liquide manque. 

Pour éviter les taxes, ils pratiquent le troc comme tous les colons de cette colonie américaine. 

 

Jamie écrit des lettres à sa sœur Jenny où il décrit la vie quotidienne à Fraser’s Ridge.

 

«  Les ours bruns de cette région ont peur des hommes et ne s'en approchent jamais. En outre, notre cabane est solidement bâtie et j'ai interdit à Ian de sortir sans arme après la tombée de la nuit. En parlant d'armes, notre situation s'est nettement améliorée dans ce domaine. Fergus nous a rapporté de High Point un nouveau type de fusil et plusieurs excellents couteaux. ... Ainsi qu'une grande marmite, que nous avons inaugurée avec un ragoût de gibier, d'oignons sauvages cueillis dans la forêt, de haricots secs et de ce fruit dont je vous ai déjà parlé : la tomate. » (…) …« — Des sauvages, des ours, des porcs-épics, et je ne sais quoi encore, poursuivit Jenny. Leur maison n'est qu'une petite cabane isolée dans les montagnes. Ce doit être difficile et dangereux. »… T4 Ch34 

 

La vie économique faite de troc, faute de monnaie :

 

«  — Cinquante kilos d'orge pour le fût, répondit-il. Et autant si tu partages avec lui les bénéfices du whisky que tu produiras avec. — Ça me paraît honnête, déclara Jamie. Il interrogea Duncan : — Tu penses pouvoir négocier le même arrangement avec MacLeod, de Naylor's Creek ? Tu passes devant chez lui pour rentrer chez toi, non ? Duncan acquiesça et Jamie leva son verre pour sceller leur accord. L'offre de Woolam représentait un total de cent kilos d'orge. C'était plus que l'excédent de récoltes de tous les champs de Fraser's Ridge, soit la matière première pour le whisky de l'année à venir. Jamie se caressa le lobe de l'oreille d'un air absent, et fit ses comptes à voix haute. — Un fût pour chaque maison de Fraser's Ridge, deux pour Fergus, deux peut-être pour Nacognatewo, un que l'on gardera pour le faire vieillir et... oui, il nous restera une douzaine de fûts à vendre au gathering.  

La venue de Duncan tombait à point. Jamie était parvenu à troquer sa première production de whisky brut avec les Moraviens de Salem en échange d'outils, d'étoffes et d'autres produits dont nous avions cruellement besoin, mais les planteurs du Cape Fear représentaient sans conteste un meilleur marché. Nous ne pouvions nous absenter du domaine pour faire le voyage d'une semaine à Mount Helicon, mais Duncan se chargerait d'y acheminer le whisky pour le vendre. Je dressais déjà une liste dans ma tête. Tout le monde apportait des choses à vendre au gathering : laine, tissus, outils, denrées, bestiaux... J'avais grand besoin d'une petite bouilloire de cuivre, de six coupons de mousseline pour coudre des jupons et... »… T4 Ch43 « Le whisky » 

 

Parmi ces colons, il y a des bourgeois propriétaires terriens

Ils sont instruits et ils vont participer activement à la Guerre d’Indépendance.

 

…   « Il m’aida à me relever, puis se leva à son tour et secoua son kilt. Élimé ou pas, il lui allait bien et mon cœur se gonfla d’aise en le voyant tel qu’il devait être : grand et carré, chef de famille, maître de ses terres. »… T8-2 Ch142 

 

Nous pourrions ajouter d’autres détails… et ils sont multiples !

 

 

•       Il y a de nombreuses descriptions des différents colons et de leur famille Dans les chapitres de 1 à 17 de la 1ere partie du T5.« Le Gathering » ainsi que la vie quotidienne à Fraser’s Ridge et la vie rude des colons de l’arrière pays dans le T5 et le T6. 

•       Claire et Jamie rencontrent Georges Washington et vont au théâtre

•       Brianna se fait connaître comme artiste et peint des portraits pour des notables intéressés par cet art. 

•       La limite du territoire indien est bien décrite par la présence des grands arbres. 

•       Nous voyons Ian et Roger qui partent arpenter les terres offertes à ce dernier. 

•       Parlons aussi de Fergus et de Marsali et de leur imprimerie à Philadelphie. 

•      Jamie aime lire, notamment un livre scientifiquequi  est cité à plusieurs reprises dont l’auteur est Bricknell

«   C'est le gouverneur qui me l'a donné. Il a dit que cela pourrait m'intéresser pendant le voyage. Le volume était relié dans un cuir simple, avec un titre en lettres d'or sur le dos : Histoire naturelle de la Caroline du Nord. » T4 Ch8 et T4 Ch2. 

•       Enfin, il y a aussi l’immeuble de Lord John, une riche demeure en briques rouges au 17, Chestnut Street Philadelphie. T7 et 8.

 

 L’ensemble des romans est une mine d’or pour ceux et celles qui veulent connaître cette colonie américaine avant l’Indépendance.

 

 

 

Bibiliographie 

Une étude de l’Université de Laval révèle que

 

«  L'idéal linguistique du colon en Amérique du Nord était de parler le «bon anglais» et de lire les auteurs britanniques. Lorsqu'il évoquait l'Angleterre, il disait simplement "at home" ("chez nous"). 

  

S'intégrer à la société coloniale, c'était accepter le modèle culturel britannique et oublier la langue de ses parents, si celle-ci n'était pas l'anglais. C'est pourquoi les immigrants français, allemands, irlandais, écossais, hollandais, etc., perdirent rapidement leur langue d'origine. Ainsi, le colon se construisait une identité qui ne pouvait être qu'anglaise. S'il lui arrivait d'ajouter des mots indiens dans son vocabulaire (toboggan, mocassin, squaw, etc.), des mots français (prairie, bureau, etc.) ou des mots néerlandais (boss, yankee, etc.), s'il se vantait de moderniser l'anglais, il admettait en même temps qu'il valait mieux ne pas employer des américanismes (le mot americanism apparaîtra en 1781) perçus encore comme une « exagération ». De cette façon, le colon ne serait pas un « sauvage» et saurait repousser l'influence de l'Espagne et de la France. » 

  

 

 Tel est l'état d'esprit des colons habitués dès l'origine aux pratiques du « self-government », modelés par un climat tantôt très rude, tantôt très doux, par la nature du sol très riche et par les grands espaces. Ces Américains sont épuisés par la longue suite d'abus et de taxes iniques. 

Une grande partie de la population, choquée par les excès de la guerre allait renoncer peu à peu à l’alliance avec la mère-patrie pour adhérer à la thèse de l'indépendance qui sera argumentée par Thomas Paine dans son pamphlet « Common Sense » dont nous aurons l’occasion de reparler.

C’est dans ce contexte que va se dérouler un événement majeur : une révolution.

 

Voici ce que dit l’historien Bernard Vincent :

 

Depuis toujours on hésite entre plusieurs expressions pour désigner un événement dont le langage a du mal à cerner le caractère multiforme.  

Ce fut un conflit armé qui dura huit longues années, de 1775 à 1783 ;  

ce fut une guerre civile entre sujets britanniques et une guerre intestine entre Américains ;  

ce fut une rébellion contre les autorités coloniales et le Parlement, une révolte contre le roi d’Angleterre et ses ministres et une insurrection contre le régime monarchique ;  

ce fut une guerre d’indépendance et de « libération nationale »–la première de l’histoire moderne ;  

ce fut une révolution politique qui se solda par l’avènement de la république dans un monde peuplé de royaumes et un mouvement social plus riche et novateur qu’on l’imagine souvent ;  

ce fut, sinon une « guerre mondiale », du moins une confrontation à l’échelle du globe entre les grands de l’Europe ;  

ce fut enfin l’acte de baptême d’une nation destinée à devenir la première puissance de la terre et l’acte de naissance d’un monde nouveau, celui de nos démocraties occidentales.